A.− TEXT. Fibre longue et déliée d'une matière textile naturelle ou fibre continue d'une matière synthétique. Fil de ver à soie; fil de nylon, de rayonne. −
P. méton. Ensemble de brins de ces matières tordus ou filés. J'aide à dévider les écheveaux de fil (Renard, Poil Carotte,1894, p. 103).Il a pris une petite pelote de fil dans le panier à ouvrage de sa mère (Gide, Souv. Cour d'ass.,1913, p. 673).Cinq sous de fil à coudre (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1426).SYNT. Fil câblé, cardé, peigné, retors; fil écru, teint; fil de chanvre. Fil de chèvre (cf. J. femmes, mai 1847, p. 237). Fil de coton, de lin, de laine; fil à broder, à faufiler, à repriser; aiguillée, bobine de fil; fil à voile(s), de caret. Fil d'Écosse. Fil de coton à longues fibres, mercerisé et résistant (cf. Lorrain, Âmes automne, 1898, p. 116).
1. Domaine du
tiss. et de l'
habill.a) Emploi abs. Fil. Fil de lin ou toile de lin. Parfois, un camarade laissait en passant quelque écheveau... ils abondaient dans les maisons : de laine, de fil ou d'étoupe (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 19):1. La classe bourgeoise agit comme le pauvre, Ainsi le linge de fil manque. En Angleterre, où le coton a remplacé le fil chez les quatre cinquièmes de la population, on ne fabrique déjà plus que du papier de coton.
Balzac, Illus. perdues,1843, p. 119.
b) Expr. et loc. − (De) droit fil. En suivant les fils du tissu, sans biaiser. Aller/couper (de) droit fil. Où en est la mode et la manière dont je dois tailler les manches? Je crois que maintenant on les fait droit fil (Sand, Corresp.,t. 1, 1812-76, p. 64).Au fig. Aller de droit fil. ,,Aller directement à son objet`` (Ac.).
− Fil de chaîne*, de trame*.
−
Fil à fil. Un fil après l'autre. Le bas du pantalon d'Arbaud est frangé d'une bordure brasillante qui ronge l'étoffe fil à fil (Giono, Colline,1929, p. 158).V. aussi
fil-à-fil.♦ Au fig. Peu à peu. Atténués fil à fil par une bénédiction venue si tard, les tristesses d'autrefois s'y entrelaçaient avec les joies neuves (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 219).Ne valait-il pas mieux accepter cette Cécile tourmentée (...) quitte à la soigner, à la conquérir fil à fil, par une vie entière de patience et d'adoration (Duhamel, Nuit St-Jean,1935, p. 215).
− N'avoir pas/plus un fil de sec. Transpirer au point que les vêtements en sont mouillés. Vous pensez bien que, pendant ce temps-là, je n'avais pas un fil de sec (Bourget, Drame,1921, p. 304).
2. Au fig. a) Loc. adv. et verb. Couper un fil/les fils en quatre (vieilli). Subtiliser à l'excès. (Quasi-)synon. ergoter; synon. couper les cheveux en quatre.Cousu* de fil blanc, de gros fil; de fil en aiguille*. Donner du fil à retordre à qqn. Lui causer des ennuis, des embarras. Notre cas n'est pas clair et nous donnerions aux théologiens du fil à retordre si ces docteurs avaient le temps de s'occuper de nous (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1217).−
[P. réf. à la minceur, à la fragilité du fil] ♦ Tenir à/par un fil. Être fragile, précaire, tenir à peu de chose. Il n'a tenu qu'à un fil que mes beaux-frères n'accordassent un crédit à Birotteau! (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 346).
b) [P. réf. à la myth. grecque] − [P. réf. aux Parques qui filaient les destinées humaines] Le fil de la vie, des destinées, des jours. Cours de la vie, de l'existence humaine. J'étais loin en ce moment d'imaginer que je venais de trancher de mes propres mains le fil de mes destinées à Longwood!!! (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 389).
− [P. réf. au fil qu'Ariane donna à Thésée pour le guider dans le Labyrinthe] Ce qui sert à guider, à diriger dans des circonstances difficiles ou délicates. Par cette légère esquisse, j'ai essayé de donner un fil aux écrivains qui viendront après moi (Chateaubr., Litt. angl.,t. 1, 1836, p. 104).Cela vous contrarie, n'est-ce pas, qu'il jette ainsi un peloton de fil dans mon labyrinthe? (Dumas père, Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 581).Jusqu'à présent, nous n'avons fait pour ainsi dire que poser les fils conducteurs de cette vaste intrigue ourdie par le génie de sir Williams (Ponson du Terr., Rocambole,t. 2, 1859, p. 337).
c) [P. réf. au fil que les enfants attachent à la patte d'un hanneton pour l'empêcher de s'enfuir] Un fil à la patte. Une entrave à la liberté d'une personne. Un fil à la patte, titre d'une pièce de Feydeau (1894). Mais, pauvre hanneton, j'ai un fil à la patte (Mallarmé, Corresp.,1862, p. 29):
2. Trimault enragea quand il la sut enceinte. Ah! non! Ce n'est pas à son âge qu'on se laissait attacher un fil à la patte. Après tout, il ne l'avait pas eue vierge. S'il la lâchait?
Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 69.
d) P. métaph., au plur. [P. réf. à l'aspect inextricable de fils qui s'entrecroisent] Voir les fils de la trame que tisse l'envie (Balzac, Annette,t. 3, 1824, p. 151):3. La grande force qui agit, évidemment, c'est la contrainte de la collectivité. Une fois que l'homme est là, il faut qu'il y reste. Il est pris comme un rat. Que ce soit le peloton d'exécution, la honte, le déshonneur, l'impossibilité morale, la peur mystique, le tabou... tous les fils du piège s'entrecroisent, et l'homme est tenu de tous les côtés.
Romains, Hommes bonne vol.,1938, p. 228.
B.− Autres domaines. 1. Arg., vx. Fil de soie. Lacet souple et résistant qui étrangle une victime. Un coupe-gorge, le pays du couteau et du fil de soie (D'Esparbès, Folie épée,1927, p. 188).P. ext. Voleur (Larch. 1880); malfaiteur. Si t'étais mal fringué, ta proie Te prendrait pour un fil de soie (Hogier-Grison, Monde où l'on triche,1886, p. 171).
2. JOAILL. Fil de perles, de pierres précieuses. Collier de perles, rang de pierres enfilées. La mère de Renée encore jeune, avec un fil de perles au cou (Goncourt, R. Mauperin,1864, p. 336).Une bourse en or d'où pendaient des fils de grenats (Proust, Sodome,1922, p. 808).
3. CHIR. Fibre d'origine organique ou inorganique (V. infra C 2 b), résorbable ou non, utilisée pour des sutures ou ligatures. Mettre, poser, retirer des fils. Enfin, on l'a recousue, on a noué tout ça avec du fil et des épingles... ça ne fait rien, je t'assure que je vivrais cent ans, je n'oublierais pas ce que c'est qu'une opération césarienne! (Goncourt, Journal,1864, p. 95).Un fil est passé sous les grosses artères, qu'on ligature (Camefort, Gama, Sc. nat.,1960, p. 278).
4. SP. Limite de l'arrivée d'une course à pied, parfois matérialisée par un fil tendu. Être coiffé sur le fil. Lalanne aborda la ligne droite avec 20 mètres d'avance (...) Baudouin sprintant rageusement, le passa sur le fil (L'Œuvre,27 janv. 1941).
5. TECHNOL. Fil à plomb. Instrument composé d'un objet lourd tenu au bout d'un fil, donnant la verticale. Il doit encore savoir se servir d'une équerre, (...) d'un niveau, d'un fil à plomb, en un mot, de tout outil permettant l'exécution correcte du travail (Fillon, Serrurier,1942, p. 42).− P. métaph. La lumière, fil à plomb, vous tombait sur le crâne (Genevoix, Boîte à pêche,1926, p. 110).
6. THÉÂTRE a) Dans le langage des machinistes. Corde servant à la manœuvre des décors. Synon. ficelle.Cf. Rigaud, Dict. arg. mod., 1881, p. 172.
b) Dans le
théâtre de marionnettes.Ce qui sert à articuler des pantins et des marionnettes. Marionnettes* à fil. Je vous sais assez fort, cousin, assez subtil, Pour prendre deux ou trois pantins au même fil (Hugo, Ruy Blas,1838, IV, 7, p. 440).♦ P. métaph. Et Dieu pourtant n'a mis qu'un fil à chaque marionnette (Béranger, Chans.,t. 1, 1829, p. 205).
− Au fig. Tenir les fils (d'une affaire). La diriger indirectement, ou à son gré (cf. Ac. 1878-1932).