1. Ouvrage de maçonnerie vertical (parfois oblique), d'épaisseur et de hauteur variable, formé de pierres, de briques, de moellons superposés et liés par du mortier ou du ciment, et élevé sur une certaine longueur pour constituer le côté d'un bâtiment, enclore ou séparer des espaces, soutenir et supporter des charges. Mur de briques, de moellons, de pierres; élever, bâtir un mur. Le mur, épais et haut qui séparait le jardin de la basse-cour, et dont le faîte, large comme un trottoir, dallé à plat, me servait de piste et de terrasse, inaccessible au commun des mortels (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 60).Odile avait fait peindre nos murs de teintes unies et douces; elle aimait les chambres presque nues, les grandes plaines désertes de tapis clairs (Maurois, Climats,1928, p. 50).La prison était close d'un haut mur. Entre ces murailles et un second mur plus élevé encore était le chemin de ronde (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 292).V.
étançon ex.,
étayer ex. 1,
jaune ex. 2 :
1. ... en levant la tête il vit le mur du jardin de son père. Ce mur, qui soutenait une belle terrasse, s'élevait à plus de quarante pieds au-dessus du chemin, à droite. Un cordon de pierres de taille tout en haut, près de la balustrade, lui donnait un air monumental.
Stendhal, Chartreuse,1839, p. 149.
SYNT. a) Mur bas, solide; bon mur; mur blanc, blanchi à la chaux, crépi; mur (intérieur) peint, tapissé, tendu de tissu; mur crevé, croulant, délabré, écroulé, lépreux, nu, sombre, triste; vieux mur; b) mur de marbre, en pierres sèches; mur d'enceinte; c) aile, angle, côté, crête d'un mur; pan de mur; fondations d'un mur; d) crépir, enduire, lessiver, plâtrer, ravaler un mur; étayer, exhausser, abattre, démolir un mur; recouvrir les murs de papier peint; accrocher, pendre (un tableau, un objet) au mur; poser, ranger contre le mur; écrire, placarder sur les murs (de la ville); escalader, longer un mur; se glisser le long des murs; enjamber un (petit) mur; sauter par-dessus le mur; s'adosser, s'appuyer à un mur; être le dos au mur, le nez au mur; se tourner (en signe de désespoir, de révolte) du côté du mur; être à l'abri, à l'ombre d'un mur.
2. ARCHIT., BÂT. ♦ Mur biais. ,,Mur dont les deux parements ne sont pas parallèles en plan`` (Noël 1968). Anton. mur droit (v. droit B 2 a α).
♦ Mur bouclé. Mur ,,qui a perdu son aplomb et fait ventre`` (Vogüé-Neufville 1971).
♦ Mur soufflé. Mur ,,dont le parement ne tient plus à la masse intérieure de la maçonnerie`` (Vogüé-Neufville 1971).
♦ Mur gouttereau*.
♦ Gros mur, mur portant/porteur, mur de façade. Mur formant l'enceinte d'un bâtiment et portant les étages. Copropriété des gros murs (Jaurès, Ét. soc.,1901, p. liv).Une des caractéristiques de l'architecture moderne réside (...) dans le moindre emploi du « mur porteur » que remplace en façade le mur conçu comme simple élément de remplissage d'une ossature (Gds ensembles habit.,1963, p. 8).
♦ Mur mitoyen*.
♦ Mur orbe. ,,Mur sans aucune ouverture sur lequel on simule des baies, des arcs`` (Barb.-Cad. 1963). Synon. mur aveugle*.
♦ Mur ossaturé. ,,Mur comportant une ossature, un revêtement extérieur et un revêtement intérieur`` (Barb.-Cad. 1963).
♦ Mur d'allège. ,,Mur formant appui d'une croisée`` (Vogüé-Neufville 1971).
♦ Mur d'appui ou de parapet. ,,Mur qui n'a qu'un mètre environ de hauteur au-dessus du sol`` (Chabat t. 2 1876).
♦ Mur de clôture. Mur ,,qui entoure un parc, un jardin. Franchir un mur de clôture`` (Ac. 1835-1935).
♦ Mur de dossier ou mur dosseret. ,,Mur qui s'élève au-dessus d'un toit et auquel sont adossés des conduits de fumée`` (Noël 1968).
♦ Mur de façade, de face. Gros mur qui forme la face principale de l'édifice. Voir Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p. 326.Mur latéral. Mur formant l'un des côtés (d'apr. Chesn. 1857).
♦ Mur de fondation ou mur de cave, de soubassement. ,,Mur qui supporte le poids entier de la construction`` (Noël 1968).
♦ Mur (de) pignon. ,,Mur extérieur qui s'élève au-dessous du toit, qui le supporte et qui en a le profil`` (Noël 1968). Le mur pignon, qui paraît guider la charge de tous les étages supérieurs vers la console, n'est pas un mur porteur (Siegel, Formes structurales archit. mod.,1965, p. 127).
♦ Mur de refend. Mur ,,qu'on élève entre les gros murs pour diviser l'intérieur d'un bâtiment`` (Vogüé-Neufville 1971). Ces murs de refend sont nécessaires pour recevoir les planchers et cheminées des étages supérieurs (Viollet-Le-Duc, Archit.,1872, p. 327).
♦ Mur de soutènement, de terrasse. Mur destiné à soutenir des terres. Murs de soutènement coulés en béton armé (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 305).
♦ Mur en décharge. ,,Mur soulagé par des arcades`` (Barb.-Cad. 1963).
♦ Mur en surplomb ou forjeté, déversé. ,,Mur qui penche au dehors`` (Noël 1968).
♦ Mur-rideau (mod.). Panneau mince et léger accroché à l'ossature portante pour constituer la paroi extérieure d'un bâtiment. Un mur-rideau fait d'éléments fabriqués industriellement et suspendu à un ouvrage porteur (Siegel, Formes structurales archit. mod.,1965p. 52).
3. Expr., loc. et proverbes −
HIST. ♦ Mur des Fédérés. V. fédéré C.
♦
Mur des Lamentations, des Pleurs. Muraille occidentale de la Cité du Temple à Jérusalem, datant de l'époque d'Hérode, où les Juifs viennent prier. Mais très tôt on a pris l'habitude de l'appeler aussi le Mur des Pleurs. En effet, une tradition populaire affirme que lorsqu'Israël est dans l'affliction, le Mur se met à pleurer. La source de cette croyance est probablement le ruissellement de la rosée qui, (...) même en plein été, est souvent abondante (M. Catane, Quand le troisième temple sera-t-il reconstruit? Méditation devant le Mur Occidental ds Almanach du K.K.L., Strasbourg, 1968, p. 79).[Pour les Juifs] Mur Occidental ou p. ell. le Mur. Culte devant le Mur Occidental (M. Catane,Quand le troisième temple sera-t-il reconstruit? Méditation devant le Mur Occidental ds Almanach du K.K.L., Strasbourg, 1968, p. 79).J'ai vu dans la vieille ville de Jérusalem à peine reconquise, des parachutistes durcis prier et pleurer pour la première fois de leur vie; je les ai vus, en pleine bataille, pris d'une ferveur collective et ancienne, embrasser les pierres du Mur et communier dans un silence aussi insaisissable que pur (E. Wiesel, Entre deux soleils,Paris, éd. du Seuil, 1970, p. 141).−
(Dans, entre) les (quatre) murs. Les murs qui circonscrivent l'espace intérieur, la maison, la cellule. Que je m'ennuie entre ces murs tout nus [de la prison] Et peints de couleurs pâles (Apoll., Alcools,1913, p. 143).Les murs entre lesquels j'ai respiré, aimé, pleuré, me regarderont mourir (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 139).[À propos d'un établissement] Dans ces murs [l'hôpital], l'effroi, la faim, des passions dévorantes, une inquiétude toujours croissante (Janin, Âne mort,1829, p. 129).♦ Fam. Ne laisser que les quatre murs. Vider entièrement une maison (Ac. 1935).
♦
Entre quatre murs. À l'intérieur d'un logement, chez soi, volontairement ou non. Passer ses vacances entre quatre murs. Il se trouverait (...) à l'abri entre quatre murs (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 198).− Ils sont polygames? demanda Conan (...). Le père répondit en riant avec bonhomie : − Il se passe là-bas, au grand soleil, ce qui se passe en Europe entre quatre murs (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 196):2. Il y a toujours une heure de la nuit où le maître d'un grand nombre d'hommes se retrouve avec lui-même entre quatre murs, et là, terré au secret de son repaire, le loup haletant lèche ses blessures.
Mauriac, Journal 2,1937, p. 197.
Être logé entre quatre murs (fam.). Être enfermé, mis en prison. On l'a logé entre quatre murs (Littré). Il en faut, des asiles, je le sais bien, affirmait l'une. Mais pourquoi laisser pourrir si longtemps nos hommes entre quatre murs. Si encore on nous les guérissait! (H. Bazin, Tête contre murs,1949, p. 328).Jeter (...) entre quatre murs un partisan si compromettant (Camus, Homme rév.,1951, p. 60).♦ Être dans ses murs (fam.). ,,Être chez soi`` (Rob., Lar. Lang. fr.).
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Verbe + le/les mur(s)♦ Faire/sauter le mur (fam.). Sortir sans permission (de la caserne, de la pension). Lui, un grand gaillard à lunettes, faisait régulièrement le mur de l'École Polytechnique (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 118).Si Rastignac est ici ce soir, c'est qu'il a sauté le mur de la pension Vauquer (Gracq, Beau tén.,1945, p. 158).
♦ Battre les murs (fam., vieilli). ,,Vaciller d'un côté à l'autre de la rue comme un homme ivre`` (Littré, DG).
♦ Raser les murs. Marcher le plus près possible du mur en se dissimulant, se protégeant. Une démarche de séminariste, l'art de raser les murs et de se glisser dans les portes (Camus, Peste,1947, p. 1251).P. méton. Se faire humble, passer volontairement inaperçu. Les bons pauvres ne savent pas que leur office est d'exercer notre générosité; ce sont des pauvres honteux, ils rasent les murs; je m'élance, je leur glisse dans la main une pièce de deux sous et, surtout, je leur fais cadeau d'un beau sourire égalitaire (Sartre, Mots,1964, p. 24).
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Verbe + prép. + le/les mur(s)♦ ESCR. Tirer au mur. S'exercer contre un mur ou contre un adversaire qui ne fait que parer. Avant de partir, dans le silence et l'ombre de son cabinet, il [Tartarin] s'exerçait un moment, se fendait, tirait au mur, faisait jouer ses muscles (A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p. 17).
♦ Faire les pieds au mur. Se tenir en équilibre sur les mains, les pieds reposant contre le mur. Robinson avait appris également à marcher sur les mains, comme son compagnon. Il faisait « les pieds au mur » contre un rocher, puis il se détachait de ce point d'appui et partait lourdement, encouragé par les applaudissements de Vendredi (M. Tournier, Vendredi ou la vie sauvage, Paris, Gallimard, 1971, p. 92).
♦ [P. allus. au mur contre lequel on place les condamnés] Coller au mur (fam.). Fusiller. Le prêtre martyrisé devant l'autel, le soldat mitraillé sur un rempart, le révolté collé au mur! (Curel, Nouv. idole,1919, i, 6, p. 185).
♦ Au fig. Être, se trouver le dos au mur. Être dans l'impossibilité de fuir, de reculer, d'échapper à une situation. V. acculé ex. 6.
♦
Se cogner, se taper la tête contre les murs. Se désespérer. Il faudrait (...) faire un grand raffut de désespoir et se casser la tête sur les murs (Jouve, Scène capit.,1935, p. 23).Vieilli. Se donner la tête, donner de la tête contre les murs. La solitude absolue n'aurait d'autre résultat que de me rendre fou (...) et de me faire donner de la tête contre un mur (Du Bos, Journal,1927, p. 232).Au fig. Elle était morte (...). Il n'allait pas se taper la tête contre les murs. Il n'y pouvait rien (Aymé, Jument,1933, p. 156).C'est à se taper la tête contre les murs/un mur! (fam.). C'est impossible, impensable. Dans quoi nous sommes-nous fourrés! C'est à se taper la tête contre les murs! (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 137).♦ Mettre au pied du mur. [P. réf. à un sens vieilli en escr. ,,Pousser (qqn) à l'épée jusqu'à ce qu'il soit adossé au mur et ne puisse plus rompre`` (DG)] Ôter à quelqu'un toute échappatoire. Ce parti est si désastreux pour nous qu'il n'ose pas nous en faire part lui-même. Nous allons mettre M. Teissier au pied du mur, et nous ne lui cacherons pas qu'il commet une mauvaise action (Becque, Corbeaux,1882, iii, 6, p. 182).
♦ Être au pied du mur. Être acculé à prendre une décision, être contraint d'agir. Hémon (...) : Père ce n'est pas vrai! (...) Nous ne sommes pas tous les deux au pied du mur où il faut seulement dire oui (Anouilh, Antig.,1942, p. 199).
♦ On tirerait plutôt de l'huile d'un mur (vieilli). [Pour insister sur la dureté, l'avarice de qqn] Il vaut autant essayer de tirer de l'huile d'un mur que de l'argent d'un Marocain (Mérimée, Lettres Ctessede Montijo,1860, p. 153).
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Proverbe ♦ Les murs ont des oreilles. Il faut parler avec circonspection de peur d'être écouté, épié. On entendait du bruit, dans la pièce voisine. M. Dandillot dit : « Vous savez, les murs ont des oreilles. » (Montherl., Pitié femmes,1936, p. 1175).