a) [En parlant d'une chose envisagée du point de vue de sa plénitude, de son accomplissement] (Quasi-) synon. grand, large (ment).Un bon morceau, une bonne part : 30. Elle frotte ses flancs creux contre le flanc d'Arsule. Un bon moment. Un long moment; ...
Giono, Regain,1930, p. 146.
31. ... personne, dans ce pays, n'a le souci ni même la conception de l'heure. Celle d'un rendez vous n'a rien de précis dans la mentalité andalouse. Il est tout à fait inutile d'arriver au moment fixé; et même quand on tient compte d'un retard probable et qu'on se présente une demi-heure après, on est à peu près sûr de ne trouver personne et « d'espérer » encore un bon bout de temps.
T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1933, p. 118.
SYNT. Bon bout (de chemin, etc.), nombre, quart d'heure; bonne demi-heure, fois (pour toutes), moitié, partie; bonnes minutes. Syntagmes (plus ou moins figés). (Avoir, donner) bon espoir, (de) bon matin, (aller, être en, marcher) bon train; (à) bonne distance, (à la, de) bonne heure.
Rem. S'emploie aussi except. à propos d'animés envisagés dans un ordre de succession. Bon(ne) premier(ière) : arriver bon premier avec un geste de triomphe (A. Daudet, La Petite paroisse, 1895, p. 241), et iron. bon(ne) dernier(ière).
b) [En parlant d'une pers., de son comportement, etc.] Qui est porté à aider les autres, en mettant spontanément en œuvre les moyens matériels ou d'assistance morale susceptibles de favoriser leur épanouissement ou leur bonheur; qui manifeste cette disposition. Bon envers, pour : 32. Si l'on pouvoit parler sur les idées, on laisseroit en paix les personnes; si l'on se croyoit assuré de l'emporter sur les autres par ses talents naturels, on ne chercheroit pas à niveler le parterre sur lequel on veut dominer. Il y a des médiocrités d'âme déguisées en esprit piquant et malicieux, mais la vraie supériorité est rayonnante de bons sentiments comme de hautes pensées. L'habitude des occupations intellectuelles inspire une bienveillance éclairée pour les hommes et pour les choses; ...
Mmede Staël, De l'Allemagne,t. 4, 1810, p. 400.
33. ... elle me chérit comme son père; je suis pour elle un tuteur généreux, un ami compatissant. Elle est d'autant plus attachée à moi, que jusque-là elle n'avait rencontré que des êtres égoïstes et féroces. Elle est bonne, sensible, bienveillante, sans folie, que pourrais-je demander de plus?
P. Borel, Champavert,M. de l'Argentière, l'accusateur, 1833, p. 17.
34. Le cœur inoccupé fermente en amertume,
Le cœur plein devient bon, indulgent, généreux,
Près des êtres hargneux qui de mordre ont coutume
Dis-toi : s'ils sont mauvais c'est qu'ils sont malheureux.
Amiel, Journal intime,1866, p. 404.
35. ... on s'indignerait d'être un homme, si l'on ne savait pas que l'intérêt de quelques monstres, heureusement bien rares et qui diminuent tous les jours, amène seul ces désastres, et que la grande masse, avec un peu d'instruction, est bonne, charitable, prête à se secourir plutôt qu'à se déchirer.
Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 2, 1870, p. 206.
36. ... elle lui faisait ses recommandations dernières auxquelles il répondait tout bas par de petits oui bien soumis, la tête penchée tendrement vers elle, la regardant avec ses bons yeux doux, son air de petit enfant.
Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 114.
37. Car aimer son prochain ce n'est pas seulement se donner tout à lui; servir, aider et secourir les autres. Il est possible que vous ne soyez ni bon, ni beau, ni noble au milieu des plus grands sacrifices, et la sœur de charité qui meurt au chevet d'un typhique a peut-être une âme rancunière, petite et misérable. Aimer son prochain dans les profondeurs stables, c'est aimer ce qu'il y a d'éternel dans les autres, car le prochain par excellence c'est ce qui se rapproche le plus de Dieu, c'est-à-dire de ce qu'il y a de pur et de bon dans les hommes; ...
Maeterlinck, Le Trésor des humbles,1896, p. 244.
SYNT. Bon prince, seigneur, vieillard, vieux; homme bon; bonne dame, lettre, pensée; femme bonne. Syntagmes (plus ou moins figés). Bon ange, (faire le) bon apôtre, (avoir, de, faire contre mauvaise fortune) bon cœur, bon génie, (avoir, de) bon naturel, bon pasteur; bonne fée, (annoncer la) bonne nouvelle, (faire) bonne œuvre, (porter la, répandre la) bonne parole, bonne vierge. − PARAD. a) (Quasi-)synon. bienfaisant, clément, débonnaire, humain, secourable. b) (Quasi-)anton. inhumain, malfaisant, pervers.
Rem. Pour une raison d'euphonie, bon, bonne précède souvent le subst. qu'il qualifie. Mais dans certains cas, sa position est étroitement liée à son sens. En antéposition, il se rattache au sens I A 1 (un bon médecin = un médecin apte à remplir sa fonction); en postposition, il se rattache au sens I A 2 (un médecin bon = un médecin qui est porté à aider les autres...). D'où la différence sém. entre un bon homme et un homme bon, une bonne femme et une femme bonne, etc. D'où aussi la possibilité pour l'adj. d'être associé, dans l'accept. I A 1 à des subst. sémantiquement opposés à l'accept. I A 2 : un bon homme féroce (G. Sand, Lélia, 1833, p. 144); les bonnes crapules (...) un joli type de Judas (E. et J. de Goncourt, Journal, 1890, p. 1216); quelques bons électrochocs (S. de Beauvoir, Les Mandarins, 1954, p. 272) :
38. M. Godeau, en saluant la Croix du carrefour, pensait qu'il en est ainsi des voleurs, qu'ils ne se traitent pas de « voleurs » comme les honnêtes gens, que ce ne serait pas un outrage pour eux, bien au contraire; que le bien et le mal pour eux s'organisent par rapport à leur état de voleurs; que toutes les vertus qui les font être de mauvais voleurs sont pour eux des vices et que tous les vices qui les font être de bons voleurs sont des vertus éminentes.
Jouhandeau, M. Godeau intime,1926, p. 99.
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Spéc. [En parlant de Dieu, considéré comme l'Être suprêmement bon] :
39. Oui, reprit brusquement la seconde femme, Dieu est bon, mais il n'est pas bête! et la discussion fut close. Pendant plusieurs minutes après cette repartie j'ai observé la physionomie de celle qui l'avait eue, espérant reconnaître si elle sentait toute la force du mot qu'elle venait de lâcher. Mais ce fut en vain : son expression n'indiquait ni le contentement de l'amour-propre, ni la malice, ni rien de réfléchi. Je crois que cette femme a été conduite machinalement à faire cette phrase par l'antithèse banale des deux mots bon et bête que l'on oppose fort souvent l'un à l'autre dans notre langue.
Delécluze, Journal,1826, p. 357.
40. Moi. − Comment savez-vous que Dieu est bon? Lui. − Parce que nous aimons ce qui est bon, et que, si Dieu n'était pas bon, nous ne pourrions pas nous empêcher de le haïr. (...), qu'est-ce que serait une création où la créature ne pourrait pas s'empêcher de haïr son créateur? Ce serait un contresens. La créature aimerait par nature le bon, et le créateur qui l'aurait faite pour remonter à lui et pour l'aimer serait le mal! Vous voyez bien que c'est le monde renversé et les idées brouillées dans la tête. On ne s'y arrête seulement pas, excepté un moment quand on souffre trop, qu'on perd la justice et l'espérance en lui. (...). (...), celui qui est immense en tout n'est-il pas la justice et la bonté immenses par nature? et puisqu'il a mis en nous, qui sortons de lui et qui ne sommes que ses lointaines et obscures images, la justice et la bonté comme des choses que nous aimons malgré nous, n'est-ce pas la preuve qu'il les possède lui-même sans mesure? N'est-ce pas une nécessité qu'il soit infiniment bon, puisqu'il veut être infiniment aimé de tout ce qui sort de ses mains? Voilà du moins comme je me dis quelquefois, quand la vie est dure et que je m'attriste.
Lamartine, Le Tailleur de pierre de Saint-Point,1851, p. 427.
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Fam. Bon Dieu ou Bondieu : 41. Une de mes amies demandait une fois des prières pour son chien malade; je me moquai d'elle et trouvai sa dévotion mal placée. Aujourd'hui j'en ferais comme elle, (...); ma conscience ne s'offusque pas d'intéresser le bon Dieu à la conservation d'une bête. Y a-t-il rien d'indigne dans ses créatures, et ne peut-on pas lui demander la vie de celles que nous aimons? Je suis portée à le croire et qu'on peut, excepté le mal, tout demander à Dieu, au bon Dieu. Ce nom familier, ce nom populaire de la divinité m'inspire toute sorte de confiance. Il y a loin de là à l'être suprême, ...
E. de Guérin, Journal,1838, p. 219.
42. Que voulez-vous, sœur Blanche, chacun se fait de Dieu l'image qu'il peut, (...), il me semble parfois qu'il est moins triste de ne pas croire en Dieu du tout que de croire en un Dieu mécanicien, géomètre et physicien. Les astronomes ont beau faire. Je crois que la création ressemble à une mécanique comme un vrai canard ressemble de loin au canard de Vaucanson. Mais le monde n'est pas une mécanique non plus que le bon Dieu un mécanicien, ni d'ailleurs un maître d'école avec sa férule, ou un juge avec sa balance. Sinon, nous devrions croire qu'au jour du Jugement, le Seigneur prendra conseil de ce qu'on appelle les gens sérieux, pondérés, calculateurs. C'est une idée folle, sœur Blanche! Vous savez bien que cette sorte de gens ont toujours tenu les saints pour des fous, et les saints sont les vrais amis et conseillers de Dieu...
Bernanos, Dialogues des Carmélites,1948, 3etabl., 1, p. 1612.
♦ P. méton. Objet qui représente Dieu. ... un petit Christ de plomb (...) un petit bon Dieu (Michelet, Mémorial,1822, p. 186);... fabricants de bondieux (Claudel, Poèmes de guerre,1916, p. 554).
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P. iron., péj. ♦
Être bon, bien bon, trop bon : 43. Je suis trop bon aussi; de quoi diable vais-je me mêler? Est-ce qu'il est possible que ces gens-là me comprennent? Je ne leur en veux pas; je dois même chercher à leur faire du bien malgré eux. Ils m'en sauront gré tôt ou tard.
Leclercq, L'Esprit de désordre ou Il ne faut pas enfermer le loup,1835, 3, p. 252.
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Être bon comme du pain/comme du bon pain : 44. ... il [M. Fourchambault] n'est pas exigeant. Il est si bon (...) bon comme du pain! sa destinée est d'être mangé...
E. Augier, Les Fourchambault,1878, p. 60.
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Arg. Être bon. Être attrapé, berné. N'être pas bon. N'être pas dupe. Rem. gramm. 1. Bon, bonne a pour compar. de supériorité meilleur, eure. Le tour plus bon, bonne est incorrect :
45. − Il est bien plus bon quand on le [le thé] boit en société, dit le vieux, avec un accent du tonnerre de Dieu et la grammaire particulière aux Russes.
E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 186.
Rem. 2. Lorsque l'expr. dans laquelle il entre est entièrement figée, le compar. n'est pas possible, cf. faire le bon apôtre, (elle est) son bon ange, faire une bonne œuvre, etc.
Rem. 3. Pour bonne-maman, bon-papa, voir ces mots.