Le préf.
présente 2 var. :
Cette forme est reprise de nos jours (bien que très rarement) dans certains néol. techn. :
En fr. mod. le préf. ne s'accole qu'à des mots à initiale consonantique. Les rad. commençant par une voyelle lui préfèrent le préf.
).
entraîne souvent le redoublement de la consonne initiale du mot de base. Certaines consonnes, telles :
b-
ne se redoublent jamais. En revanche,
etc. (sauf dans
).
La majorité des consonnes initiales n'ont pas, à cet égard, de comportement bien défini; on note :
Il se combine avec le préf.
À qq. exceptions près, les dér. en
sont de formation récente. Beaucoup plus nombreux sont les ex. où
se combine avec la forme abrégée du préf.
entraîne souvent des spécialisations sém.
peut également se combiner avec le préf.
ÉTYMOL. ET HIST.
A.− Etymol., signif. et fonction gramm. en lat. et en a. fr. 1. En lat. − Le préf.
a- remonte à la prép. lat.
ad-, très productive en position préverbale. En effet,
ad- modifie surtout des
rad. verbaux :
ad-
do, are
ad-
duco, ĕre
ad-
jugo, are
ad-
mitto, ĕre
− mais aussi (bien que très rarement) des
rad. nom. :
ad
flamen, inis « souffle, inspiration »,
− des
adj. (adj. ou part.) :
ad
-essus « entamé avec les dents, rongé »
ap
-paratus, a, um < ap
paro « préparé, disposé » (d'où) 1
o« bien pourvu »; 2
o« plein d'appareil, d'éclat »,
ad
-uncus, a, um « crochu, recourbé » (renforcement de
uncus)
− des
adv. :
ad
-fatim « à suffisance, amplement, abondamment ».
Le
d s'assimile le plus souvent à la consonne qui suit, dont il entraîne le dédoublement :
ac
cedo, ĕre
ac
cendo, ĕre
af
figo, ĕre
ap
pareo, ere
ap
plico, are
ap
pono, ĕre
a) Signif. − Accolée au verbe, la prép.
ad- enrichit la not. exprimée par le rad. verbal d'une de ses multiples signif. :
− La direction :
ad
dubito, are « pencher vers le doute »
ad
eo, ire « aller vers, aller vers qqn, trouver qqn »
ad
erro, are « errer auprès, autour »
ad
fecto, are « approcher de, aborder, atteindre »
ad
figo, ĕre « attacher »
ad
flecto, ĕre « tourner, diriger vers »
ad
fleo, ere « pleurer à, en présence de, pleurer, se plaindre à »
ad
flo, are « souffler vers, sur, contre »
ad
fluo, ĕre « couler sur, vers »
− Plus rarement
ad- acquiert un sens augm. :
ac
quiro, ĕre « ajouter à ce qu'on a »
ad
doceo, ere « enseigner (en complétant) »
adfatim (adv.) « à suffisance, amplement, abondamment » (forme renforcée de
fatim)
ad
gravo, are « alourdir davantage »
− Sans modifier systématiquement l'aspect du verbe de base,
ad- peut servir à créer des verbes inchoatifs :
ac
cendo, ĕre « embraser, mettre le feu, allumer »
ad
amo, are « s'éprendre »
ad
dormio, ire « s'endormir »
ad
edo, ĕre « entamer avec les dents, ronger »
ap
pareo, ere « apparaître, être visible »
− En revanche, il n'existe pas en lat. class. de verbes parasynthétiques proprement dits en
a- :
ad
dulco, are « adoucir » correspond à la fois à
dulcis et à
dulco
ad
firmo, are « affermir, consolider, fortifier » correspond à la fois à
firmus et à
firmo
ad
gravo, are « rendre plus lourd » correspond à la fois à
gravis et à
gravo
ad
tenuo, are « amincir, amoindrir, affaiblir » correspond à la fois à
tenuis et à
tenuo
Noter aussi :
al
leviare (lat. de basse époque) « alléger » correspond à la fois à
levis et
levo
mais :
an
nulare (lat. médiév.) « annuler » ne correspond qu'à
nullus.
Pour exprimer la not. de « rendre » + adj., le lat. semble préférer les expr. périphrastiques. Pour les parasynthétiques en
ex-, cf. é-.
b) Fonction gramm. − En lat., la fonction de
ad- est d'ordre sém. plutôt que d'ordre gramm. En effet, les dér. en
ad- sont tantôt trans., tantôt intrans. :
ap
pingo « peindre sur » est trans. tandis que ap
ploro « pleurer à propos de, adresser ses larmes à » est intrans.
Nombre de verbes présentent à la fois un emploi trans. et un emploi intrans. :
ap
peto, ĕre signifie en emploi intrans. (en parlant du temps) « approcher », en emploi trans. « chercher à atteindre »
ap
plaudo (applodo), ĕre : emploi intrans. « applaudir », emploi trans. « frapper contre, jeter à terre violemment »
a(d)
spiro, are : emploi intrans. « souffler vers », emploi trans. « faire souffler ».
2. En a. fr. −
a) Forme. −
A- s'accole indifféremment à des rad. à initiale consonantique ou vocalique :
aaidier
aaisier
aorser (s')
aoultrer
aourdier
aourler
Bon nombre de verbes, surtout de formation sav., présentent la var.
ad-, voire
ade- devant consonne.
b) Nature de la base. − Comme en lat.,
a- reste un préf. essentiellement verbal. Mais, si les dér. sont pour la plupart des verbes, les mots de base sont extrêmement variés :
− Adjectifs :
acoardir
→ accouardir
ajolier
→ rendre joli
alaidir
→ rendre laid
alargier
→ élargir
− Substantifs :
abesoigner « avoir besoin de, être nécessaire »
abloquier « asseoir sur des blocs de pierre, consolider une statue ou un bâtiment »
abouchier « presser avec la bouche »
abrochier « percer d'une broche »
acorocier « mettre en colère »
achoquier « heurter »
acoster « placer côte à côte »
afruitier « planter »
− Verbes :
acharrier <
charrier
aclore <
clore
acomander <
commander
adesirer <
desirer
adevancier <
devancer
De nombreuses créations en
a- témoignent donc de la vitalité des verbes parasynthétiques en a. fr.
c) Fonction gramm. − Déjà en a. fr.
a- accuse son caractère trans. et perfectivisant, comme en témoigne le nombre important de verbes parasynthétiques à base adj. et subst. Néanmoins certains verbes se prêtent à la fois à l'emploi intrans. et à l'emploi trans. (cf.
Gdf.) :
acostumer
afiner
aflatir
afoler
afonder
aforcier
aforchier
amortir
avaler (
cf. Hug.)
D'autres verbes ne fonctionnent qu'en emploi intrans. :
aflestrir (
Gdf.)
avieillir (
Gdf.)
Ce n'est que dans la lang. mod. que le préf. assume une fonction essentiellement trans. et perfectivisante.
d) Signif. − Les rapports entre l'obj. du verbe et le mot de base sont divers :
abesoigner « avoir besoin de »
abouchier « presser avec la bouche »
acorocier « mettre en colère »
acoster « placer côte à côte »
acoudre « coudre une chose à une autre »
acrocheter « attirer avec un crochet »
Ce n'est que dans la série des parasynthétiques à base adj. (adj. qualificatif) que la signif. de
a- semble nette :
abelir « (se) rendre (plus) agréable, plaisant; plaire, charmer »
abienner « rendre meilleur, améliorer »
acoardir « rendre lâche, couard »
acourcir « rendre court »
alaidir « rendre laid »
ameilleurer « rendre meilleur »
signifient tous «
rendre » + adj. de base. Les adj. de couleur (dont on tire des verbes non-préfixés et qui forment en fr. mod. une catégorie à part) s'insèrent parfaitement dans cette série :
ablanchir
anoircir
averdir
Le sens de « pourvoir en », « donner à » est attesté dans qq. parasynthétiques à base subst. (
afamer, alaiter, asoifer, ...) et le sens inchoatif dans qq. dér. à base verbale (
amordre « commencer à mordre »,
aparoistre, aparsouvoir, aranger...).
e) Choix entre
a- et
en-, entre
a-/-. − La concurrence
a-/
en ne porte que sur les verbes parasynthétiques à rad. subst. et adj.
− Dans les
parasynthétiques à rad. nom., le sens de
en- est très proche de celui de
a-. Il signifie « donner, pourvoir en » + subst. de base. Cependant la différence entre les 2 préf. est qqf. sensible :
en- implique l'abondance de la substance désignée par le rad. (idée liée à celle d'intériorité), tandis que
a- ne fait qu'en signaler la présence :
em
plumasser signifie « couvrir de plumes » (
Gdf.)
em
plumer signifie « garnir de plumes » (
ibid.)
en
amourer signifie « rendre amoureux » (
ibid.) «
primitivement, pénétrer qqn d'amour » « provoquer l'amour chez qqn »
en
denté signifie « orné de dents »
en
fariner signifie « recouvrir de farine »
en
gazonner signifie « couvrir de gazon »
en
graissier signifie « couvrir de graisse » d'où « faire devenir gras, fertiliser » (
Gdf.) « plonger en graisse », d'où « oindre de graisse » (
ibid.)
en
perler signifie « orner de perles ou d'objets faisant effet de perles » (
ibid.)
− Tous ces dér. sont trans.; ils signifient « pourvoir qqn en ... », « munir qqc. de ... ». L'originalité de
en- par rapport à
a- est due à ce que
en- établit un rapport contenant / contenu entre l'objet du verbe dér. et le subst. qui lui sert de base :
L'idée d'abondance permet le glissement du sens propre au sens fig. : en
luminer signifie « baigner de lumière ».
Dans d'autres cas cependant le choix du préf. est incompréhensible. En effet, comment expliquer l'existence d'une forme em
bastonné « armé d'un bâton » à côté du verbe
abastonner « armer d'un bâton ou d'une arme » (
Gdf.), qui seul obéit aux principes dégagés (
cf. Lew. 1960, p. 235 : ... em
bastonnées et habillées si estrangement que à peine peut-on discerner si ce sont femmes ou hommes).
De même, à côté de
avitailler « pourvoir en nourriture, approvisionner », on relève la forme en
vitailler.
− Le sens des
parasynthétiques à base adj. est intimement lié à l'idée d'abondance :
em
bellir signifie « recouvrir de beauté » → « rendre beau »
en
ivrer signifie « plonger qqn dans l'ivresse » → « rendre ivre »
en
laidir (réplique de em
bellir) → « rendre laid »
en
richir signifie « couvrir de richesses » → « rendre (plus) riche »
en
vieillir suggère le poids de la vieillesse → « rendre vieux »
en
hardir et en
orgueillir
→ « pénétrer de hardiesse, d'orgueil » d'où « rendre hardi », « rendre orgueilleux ».
Cependant, les confusions dans le choix du préf. sont fréq.
L'a. fr. offre souvent plusieurs formes attestées pour le même mot. Il est difficile de déceler en vertu de quel critère la lang. a conservé telle forme et rejeté telle autre (
cf. Hug. Mots disp. 1967, p. 247 : ,,Quand deux mots ne différant que par le préfixe avaient exactement la même signification, on s'est habitué à employer toujours l'une de préférence à l'autre. Mais il est impossible de dégager une loi d'après laquelle ce choix a été fait, car les résultats de la concurrence sont souvent contradictoires. L'on a préféré : en
courager à
accourager, en
vironner à
avironner, mais
appauvrir à em
pauvrir, avilir à en
vilir.``).
Cf. cependant les rem. sur l'oppos.
a-/
en-, sup. I.
Maint verbe préfixé en
a- n'a pas gardé son préf. :
acachier « cacher, receler, soustraire aux regards »
acharier « charrier, transporter en général »
aclore « clore, enfermer de murs »
acomander « commander »
acombler « combler »
acomencier « commencer »
acomplaire « complaire »
aconter « conter »
adesirer « désirer » ...
B.− Productivité
1. Le préf. est-il analysable?
a) Dans la plupart des dér. mod., la base est facilement isolable.
b) Plus rarement, le préf. est commutable quand il précède un rad. verbal :
ac-céder (con
céder, dé
céder)
ac-clamer (dé
clamer, pro
clamer, ré
clamer)
ac-corder (con
corder)
ac-crocher (dé
crocher)
ac-cuser (ré
cuser)
af-fluer (con
fluer)
Noter aussi :
a-charner (dé
charner)
ac-quérir (re
quérir)
Rem. 1. Une telle distance sém. sépare
cueillir de
accueillir, que l'on préfère analyser ce dernier comme un dér. à préf. commutable
accueillir − re
cueillir et non comme un composé du verbe
cueillir. 2. Plus rarement le préf. précède un rad. qui, sans exister isolément, se trouve, par ailleurs, combiné avec des suff. :
ac-célér-er
dé
-célér-ation
célér-ité
ac-cep-tion,
ac-cep-ter
dé
-cep-tion
con
-cep-tion
per
-cep-tion ...
ag-glutin-er
dé
-glutin-ation
c) Nombre de créations en
a- ne sont plus guère analysées de nos jours :
accaparer
accomplir
acheter
acquiescer
adapter
admirer
affecter
affrioler
affubler
agglomérer
ajouter
Subst. :
ablution
accastillage
accointance
admonestation
adversaire
affection
2. Le préf. est-il productif? Le préf.
a- subsiste essentiellement dans les parasynthétiques de formation anc., dont plusieurs sont toutefois en voie de disparition :
accourcir
alentir
apetisser
assauvagir
assoter
(Il est souvent remplacé ou concurrencé par
ra-, où
r- a une valeur intensive :
rabaisser, ralēntir, rabattre, raccrocher...). Comme néol., on ne relève que
amocher <
moche « rendre moche, abîmer ».
A- est fortement concurrencé en fr. mod. par le préf.
en-*, les suff.
-ifier* et
-iser* (
cf. I). Ces derniers lui sont manifestement préférés par la lang. sc. et techn. Aussi les néol. en
a-/
ad- sont-ils très rares :
accouver − accouvage
adsorber (1907) calqué sur le rad. de
absorber « retenir, fixer par absorption »
alunir et
amerrir ont été formés sur
atterrir.
La faible productivité du préf. semble due par ailleurs au regain de vitalité du
a- privatif (
cf. a-2). Particulièrement productif aux
xixeet
xxes., ce dernier est nettement motivé.