1. Action d'adorer; attitude adoratrice : 1. Il le baisa avec onction et amour, comme on baise la main d'une vierge, et le déposa, non sur la vilaine table; oh non! mais sur un petit coussinet de velours noir, tout brodé d'argent et de perles... Il tira aussi du coffret une petite coupe d'or et un assez grand flacon de même métal. Mais pendant toute cette cérémonie il y avait sur les traits de Brulart autant de recueillement et d'adoration que sur le visage d'un prêtre qui retire le calice du tabernacle...
E. Sue, Atar-Gull,1831, p. 18.
2. [Cathédrale de Tolède] cinq nefs partagent l'église : celle du milieu est d'une hauteur démesurée, les autres semblent à côté d'elle incliner la tête et s'agenouiller en signe d'adoration et de respect.
T. Gautier, Tra los montes,Voyage en Espagne, 1843, p. 149.
3. La nature personnelle est tout. Tout devient médiocre, vulgaire, plat, mesquin dans une âme mesquine, puisque forcément elle fait tout passer à sa filière. Et qu'est-ce qui élargit l'âme? La soif du divin, qui se traduit en humilité, désintéressement, adoration.
H.-F. Amiel, Journal intime,26 févr. 1866, p. 161.
4. Il s'échauffa en parlant, il oublia peu à peu le serrement de cœur qu'il avait éprouvé au refus net de sa maîtresse, il se répandit en paroles douces et caressantes, faisant le tableau de la belle vie calme qu'ils mèneraient, quand ils seraient mariés. Pendant longtemps, il laissa ainsi couler son cœur de ses lèvres, demi-courbé, dans une attitude de prière et d'adoration.
É. Zola, Madeleine Férat,1868, p. 103.
5. Ces sonorités, ce sont des nuées qui viennent se former dans notre conscience, ce sont des paysages de l'âme. Des instincts religieux (respect des morts, croyance aux mânes, adoration et conjuration des puissances mystérieuses, sacrifice, prière, magie, etc...)
Au milieu des épaisses ténèbres...
Ces belles formules abréviatives, ces rêves, ces visions apaisent, rassérènent. Le plaisir de les comprendre, de s'accorder avec eux et avec leur musique.
M. Barrès, Mes cahiers,2 nov. 1909-16 mars 1910, p. 10.
6. Nous ne concevons la prière que sous l'idée d'une demande; mais n'est-elle donc pas aussi (et avant tout) une adoration, et comme une extase d'amour à la vue de la grandeur et des perfections de Dieu? N'est-elle pas une adoration, une louange, une action de grâces, un dévouement, un désir que Dieu soit connu et aimé?...
H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 4, 1920, p. 394.
7. Ils professeront bien la même doctrine, laquelle, chez l'un et chez l'autre, a eu pour point de départ une facilité merveilleuse à la vertu de religion, un désir, un besoin intense d'exalter la grandeur divine; mais le théocentrisme de Bérulle s'oriente spontanément vers l'adoration-cantique, celui de Condren, vers le sacrifice d'adoration. Simple nuance, à la vérité, mais caractéristique, et que je prie le lecteur de ne pas perdre de vue.
H. Bremond, Hist. littéraire du sentiment religieux en France,t. 3, 1921, p. 346.
2. Office liturgique ou acte privé des fidèles adorant le Saint Sacrement ou la Croix : 8. Ce matin, méditations à six heures, puis la passion par M. le Curé qui a parlé divinement; à neuf heures, l'office, l'adoration de la Croix par deux à trois mille âmes; à midi, les paroles de l'agonie jusqu'à trois heures, alternativement avec la musique, fort analogue cette fois; enfin, les ténèbres et le stabat à sept heures.
E. de Guérin, Lettres,1841, p. 420.
9. En outre, il y a toujours une religieuse à genoux devant le saint-sacrement. Cette station dure une heure. Elles se relèvent comme des soldats en faction. C'est là l'adoration perpétuelle.
V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 580.
10. Noémi reçut un métayer, aida Cadette à plier la lessive. À six heures, elle alla faire son adoration puis, comme chaque jour, s'arrêta chez ses parents. Mais après le dîner, elle se plaignit de migraine et gagna sa chambre.
F. Mauriac, Le Baiser au lépreux,1922, p. 191.
Rem. Dans ce sens le mot peut s'employer au plur.
3. P. méton.
Œuvre d'art représentant des adorateurs : 11. Le second retable renfermait une adoration des mages, un calvaire et une mise au tombeau; une adoration, avec une madone au teint fleuri, une grande dame, râblée, solide, une Flamande moins vulgaire que les autres, d'aspect avenant et de sourire aimable; ...
J.-K. Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 300.
Rem. 1. L'étude des cont. montre que l'adoration est souvent un acte cultuel publique, plus rarement un culte privé (ex. 7). Elle est une forme partic. de la prière (ex. 6), implique recueillement (ex. 1), inclinaison de tête et agenouillement (ex : 2); elle suppose également certaines dispositions morales : humilité, désintéressement (ex. 3); elle peut aller jusqu'à l'extase (ex. 6). Adoration entre dans toute une constellation de mots du même champ. 2. Assoc. fréq. : adoration perpétuelle (ex. 9), adoration de la Croix (ex. 8), - des mages (ex. 11). 3. Adoration s'est dit aussi en parlant des images et des reliques de saints; il est alors synon. de vénération.