a) Péj. Mouvement inquiets ou désordonnés traduisant un trouble individuel de caractère parfois pathologique : 16. − J'ai été hier chez elle, et je l'ai trouvée dans une agitation qui faisait bien de la peine. Elle marchait à grands pas dans sa chambre, malgré son extrême faiblesse. Sa pâleur était quelquefois remplacée par une vive rougeur qui disparaissait aussitôt.
G. de Staël, Corinne,t. 3, 1807, p. 389.
17. Ludwig alors appliqua avec force ses lèvres sur le col de Madame Rechteren, à l'origine des cheveux, et lui donna un baiser qui semblait devoir aspirer tout son sang et toute son âme. Madame Rechteren fut prise alors d'une grande agitation nerveuse et d'un tremblement convulsif; ...
A. Karr, Sous les tilleuls,1832, p. 251.
18. Jamais pareille semaine sainte, toujours en agitations, en courses.
E. de Guérin, Lettres,1839, p. 258.
19. Ne sachant à quoi passer le temps, Gérard sortit du bal et courut les quais, où il tint des monologues sans fin. Il faisait des déclarations, préparait des quantités de réponses à des questions qui n'existaient pas. Il entra dans la boutique d'un épicier pour acheter des gants, tant était grande son agitation; et ce qui prouvait le désordre de ses idées était le fait de mettre des gants, car jamais personne ne lui en avait vu.
Champfleury, Les Aventures de Mademoiselle Mariette,1853, pp. 17-18.
20. Les semaines, les mois se succèdent et je me retrouve exactement au même point, quant aux projets et à l'action. Ce pirouettement sur place, cette immobilité remuante, cette agitation stérile, me font peur pour l'avenir et pitié pour le présent. Ma meule ne broie rien et tourne en vain.
H.-F. Amiel, Journal intime,27 mars 1866, p. 199.
21. ... − Le non-sens d'une carrière, qui, si elle est simplement une carrière, si elle n'a point le sacrifice pour but, n'est plus qu'une agitation morne, une inepte parade, un rituel qu'on récite, sans croire à ce qu'on dit...
R. Rolland, Jean-Christophe,La Révolte, 1907, p. 598.
22. ... si l'âme s'absorbe en Dieu par la pensée et par le sentiment, quelque chose d'elle reste en dehors : c'est la volonté : son action, si elle agissait, procéderait simplement d'elle. Sa vie n'est donc pas encore divine. Elle le sait; vaguement elle s'en inquiète, et cette agitation dans le repos est caractéristique de ce que nous appelons le mysticisme complet ...
H. Bergson, Les Deux sources de la morale et de la religion,1932, p. 244.
23. Malgré le vent qui portait de leur côté, les sangliers avaient l'air d'ignorer ma présence. Pourtant, plus ils s'enfonçaient dans le champ, plus leur agitation devenait sensible. Une mystérieuse frénésie animale les avait peu à peu saisis, et ils s'ébattaient au cœur de la dévastation. On les voyait courir, sauter, foncer, s'ébrouer avec une fougue inexplicable, à mesure que leurs ravages s'étendaient.
H. Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 154.
Rem. Agitation peut except. n'être pas péj.; il s'agit alors sans doute d'un arch. agitation = « vivacité ». (Cf. supra II 3) :
24. J'aime à mêler, à confondre les idées du jour et celles du sommeil. Souvent il me reste un peu de l'agitation douce que laisse un songe animé, effrayant, singulier, rempli de ces rapports mystérieux et de cette incohérence pittoresque qui amusent l'imagination.
É. de Senancour, Obermann,t. 2, 1840, p. 200.
25. − Oh! c'est rien, un peu d' boisson, pas autre chose. Il n'a pas dîné pour être souple, et puis il a bu deux vertes, pour se donner de l'agitation.
G. de Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Le Masque, 1889, p. 1162.
b) MÉD. ,,Mouvement continuel et fatigant du corps, occasionné par un grand malaise, par une grande inquiétude d'esprit.`` (Ac. 1835-1878). ,,Soit par une cause physique, soit par une cause morale.`` (Ac. t. 1 1932) : 26. ... ma femme semblait assoupie, quand tout à coup une crise épouvantable se déclare. L'agitation est extrême, le délire redouble, les hoquets se succèdent, une sorte de râle se fait entendre au milieu de cris entrecoupés. On dirait qu'une pensée fatale obsède la malade; elle porte la main à son front comme pour la chasser ...
L. Reybaud, Jérôme Paturot,1842, pp. 443-444.
27. ... sa convalescence n'avance pas. Le jour, il est passablement; mais les nuits sont cruelles pour lui : agitation, fièvre, délire, voilà son état depuis dix heures du soir jusqu'à cinq ou six heures du matin, et constamment tous les soirs.
E. Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse,1883, p. 142.
28. « Oui, je suis plus allant, mais je souffre plus... Et puis, vous ne savez donc pas que ça fait partie de ma maladie, l'agitation locomotrice?... Enfin, mes jambes, tenez, quand je suis assis comme je suis là, je ne les sens plus, et dans mon lit, je ne sais pas où elles sont ».
E. et J. de Goncourt, Journal,oct. 1887, p. 711.
29. Il arrive qu'en relevant la force d'un asthénique on ne crée que des désordres : agitations, convulsions, angoisses, ruminations, etc...
E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 268.
30. ... une inactivité essentielle peut entraîner une agitation motrice considérable qu'on ne saurait confondre avec une disposition normale à l'activité. Au surplus, même dans les conditions normales, une activité humaine présente une forme qui n'est pas désignée par un simple volume de gestes.
E. Mounier, Traité du caractère,1946p. 395.
♦ Agitation psychomotrice. ,,Mouvement continuel, plus ou moins incohérent et s'accompagnant d'un état d'excitation psychique.`` (Lar. encyclop. Suppl. 1968).
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Agitations forcées : 31. Ensuite, je me propose de réunir sous ce titre « les agitations forcées » les divers troubles qui accompagnent les idées obsédantes ou qui les remplacent.
P. Janet, Les Obsessions et la psychasthénie,1903, p. XII.