1. [En parlant d'une pers., de son caractère, humeur, mode d'être, etc.] Disposition d'esprit qui conduit à un comportement déplaisant, à des paroles désobligeantes : 10. [À Victor Hugo] J'ai d'affreuses, de mauvaises pensées (...) j'analyse tout avec perfidie et une secrète aigreur. Quand on est ainsi, il faut se cacher, tâcher de s'apaiser; laisser déposer son fiel sans trop remuer le vase...
Ch.-A. Sainte-Beuve, Correspondance générale,t. 1, 1818-1869, p. 198.
11. L'imagination travaille continuellement à boucher toutes les fissures par où passerait la grâce. Tout vide, (non accepté) produit de la haine, de l'aigreur, de l'amertume, de la rancune.
S. Weil, La Pesanteur et la grâce,1943, p. 26.
12. ... des querelles violentes et douloureuses éclatèrent entre prisonniers quand la monotonie des mois eut fait de ces étroites communautés, après quoi nous avions soupiré d'abord, des mondes sans espoir et sans échappée où l'aigreur et l'ennui corrodaient les âmes.
F. Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 57.
13. ... en beaucoup de diocèses français, la médiocrité des moyens de vie cause une naturelle aigreur chez les clercs; entre intégristes et progressistes, la distance est plus grande et surtout l'antipathie plus militante qu'entre chacun de ces groupes et ses voisins, radicaux de droite ou communistes; entre les anciens et les cadets de l'action catholique, la mésintelligence est patente.
Philosophie, Religion, 1957, p. 4403.
Rem. 1. Synon. acrimonie, agressivité, amertume, animosité, antipathie, colère, dépit, fiel, haine, humeur, irritation, perfidie, pique, rancœur, rancune, ressentiment, rudesse, sécheresse, sévérité. Anton. affabilité, amabilité, aménité, apaisement, attrait, bienveillance, bonté, calme, charme, civilité, complaisance, humanité, paix, sérénité, tendresse. 2. ,,On dit, qu'Il y a de l'aigreur, quelque aigreur, un peu d'aigreur entre deux personnes pour dire, qu'Il y a quelque commencement de brouillerie entre l'une et l'autre.`` (Ac. 1798-1932; cf. également Land. 1834, Besch. 1845, Poit. 1860, Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, Quillet 1965).
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Loc., rare. Tourner quelqu'un à l'aigreur : 14. Les tiraillements d'estomac, l'attente du dîner, puis le vin reiche, mirent les convives dans une disposition nerveuse, et les tournèrent à l'aigreur. Les esprits étaient à l'humeur, la parole était pointue. Chacun se boudait et boudait les autres. Tous, d'ailleurs, avaient un fond de noir et d'irritation.
E. et J. de Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 326.
2. Gén. au plur. Propos déplaisants en raison de leur caractère heurté, voire méchant : 15. (6 h. s.) Relu Le Lys dans la vallée (de Balzac). Souvenir de mon adolescence, avec quelles impressions mélangées et contradictoires! À la moitié du premier volume, ma patience était à bout. Ce déluge de crudités, d'aigreurs et de dissonances dans le style, m'avait agacé les nerfs.
H.-F. Amiel, Journal intime,14 juin 1886, p. 319.
16. Le véritable homme d'État ne se laisse jamais conduire par le sentiment. Il est au-dessus de la haine comme de l'amour. Mais quel repos pour nos oreilles, fatiguées d'injures, de griefs, d'aigreurs et de rodomontades!
J.-R. Bloch, Destin du siècle,1931, p. 88.