A.− [Le compl. obj. désigne une personnalité ou une pers. le devenant par l'acte d'acclamation] Saluer par des cris collectifs d'enthousiasme et d'approbation : 1. S'il leur arrive par hasard d'avoir, non point un amour, pas même un caprice, mais un désir vulgaire, c'est au bénéfice de quelque bourgeois saltimbanque que la foule absurde entoure et acclame dans les bals publics, et que les journaux, courtisans de tous les ridicules, célèbrent par leurs réclames.
H. Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 235.
2. Pas un nom dans l'assistance qui ne fût notoire à quelque titre, et quant à celui de l'auteur, acclamé et fêté par nous, rappelez-vous-le pour l'applaudir un jour sur la dernière scène fidèle à la poésie : M. Léon Dierx.
S. Mallarmé, La Dernière mode,1874, p. 820.
3. Et, comme des plaintes s'élevaient, le garçon Charles allait d'une fenêtre à l'autre, tirait des stores de grosse toile; ensuite, il passa de l'autre côté, du côté de l'ombre, et ouvrit des vasistas. On l'acclamait, on battait des mains; une gaieté formidable roulait.
É. Zola, L'Assommoir,préf., 1877, p. 391.
4. Les mêmes, Fondreton, entouré de tout le monde, qui lui parle, le presse, l'acclame.
E. Pailleron, L'Âge ingrat,1879, II, 7, p. 66.
5. Mais voilà qu'on découvre qu'il a fait condamner un officier français, en violation des lois. Tout aussitôt revirement complet. On le considère, on le félicite, on l'acclame. À la Cour d'assises, s'il avait voulu dire, comme Billot, que Dreyfus avait été condamné légalement, je crois qu'on l'eût porté en triomphe.
G. Clemenceau, Vers la réparation,1899, p. 298.
6. Aussi, lorsque Christophe remonta au pupitre pour le dernier morceau, le public était houleux. Mais ce morceau n'était pas de lui : c'était la festmarsch de Ochs. Le public, qui se trouvait à son aise dans cette plate musique, eut un moyen tout simple de manifester sa désapprobation pour Christophe, sans aller jusqu'à l'audace de le siffler : il acclama Ochs avec ostentation, redemandant deux ou trois fois l'auteur, qui ne manqua point de paraître. Et ce fut la fin du concert.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Révolte, 1907, p. 408.
7. Il était depuis huit jours sous l'obsession du condamné innocent quand, au sortir de sa gargote, il vit une foule de citoyens s'engouffrer dans un bastringue où se tenait une réunion publique. Il entra; la réunion était contradictoire; on hurlait, on s'invectivait, on s'assommait dans la salle fumeuse. Les pyrots et les antipyrots parlaient, tour à tour acclamés et conspués. Un enthousiasme obscur et confus soulevait les assistants.
A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 288.
8. Il avait vu Peel émanciper les catholiques après avoir ruiné Canning; Disraëli abandonner la protection après avoir renversé Peel; il était en train de voir Gladstone menacer la Russie, après avoir maudit Beaconsfield. Il avait vu la foule acclamer, puis huer Wellington; acclamer, huer, puis adorer de nouveau Gladstone.
A. Maurois, La Vie de Disraëli,1927, p. 323.
9. Lorsque, après une péroraison pathétique, il quitta enfin la tribune, contracté, écumant, tordu par le délire sacré, toute la salle, debout, l'acclama. Les battements de mains, les trépignements, faisaient un vacarme assourdissant, qui, pendant plusieurs minutes, roula d'un mur à l'autre du cirque, comme l'écho du tonnerre dans une gorge de montagne.
R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 448.
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P. méton. [Le compl. désigne un obj. concr. ou abstr. symb. d'une personnalité] :
10. S'ils n'avaient pas tremblé devant les bandes des « patriotes » professionnels enrégimentés par le lieutenant-colonel du Paty de Clam et le général Gonse pour acclamer l'uniforme d'Esterhazy et siffler celui de Picquart, ils n'auraient point laissé prostituer la justice et la loi au mensonge de la raison d'État.
G. Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 229.
11. « Je crois, lui dis-je, que le citoyen raisonne très bien. Tous ces mouvements de foule sont menés par les ambitieux, grands et petits. Ce qu'ils honorent, eux, ce n'est point le courage, c'est le pouvoir. Ce qu'ils admirent maintenant, ce qu'ils acclament, ce qui les jette hors d'eux-mêmes, c'est le plus haut pouvoir, cela même qu'ils espèrent depuis leurs quinze ans.
Alain, Propos,1929, p. 847.
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En constr. absolue [L'obj. reste implicite parce que généralisé] : 12. − Ne te moque pas. Je ne puis supporter que sous prétexte de sauver ceux que j'aime, on commence par les rendre bêtes, on compte surtout sur leur sottise. Vous les dressez à applaudir, à acclamer. Bientôt l'acclamation devient habitude et besoin. Cela m'attriste qu'ils jurent par un homme, par Staline, autant que s'ils juraient par Hitler ou par Mussolini.
J. Guéhenno, Journal d'une« révolution », 1938, p. 178.
Rem. 1. Syntagmes fréq. Acclamer est souvent caractérisé par des expr. adv. marquant l'intens. ou l'exubérance : acclamer avec transport, avec frénésie, avec ferveur, avec ostentation; acclamer vigoureusement, chaudement, follement. 2. Acclamer est fréquemment associé (paradigmatiquement) à des termes qui marquent l'enthousiasme fêter (ex. 2), entourer (ex. 1), applaudir (ex. 12), et ses manifestations concr. (ex. 3, 9). Il couronne fréquemment des séries indiquant l'intérêt croissant témoigné pour qqn (ex. 4, 5). Il est mis en oppos. avec siffler (ex. 10), conspuer (ex. 7), huer (ex. 8).
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Spéc. LITURG. Prononcer ou chanter la formule rituelle dite acclamation (voir ce mot, sous A) : 13. Évangile − Le Seigneur va nous parler. Nous nous levons pour acclamer sa Parole par le chant de l'Alléluia.
Nouveau Missel des dimanches 1971, Paris, éd. liturgique collective, 1970, p. 186.