a) Au propre. Suspendre une chose à un crochet, ou l'attacher à l'aide d'un crochet : 1. Ah! Elle la connaissait bien, cette houillère, ce grand trou noir d'où son mari n'était pas revenu. Que de fois elle avait attendu, auprès de cette gueule béante, de dix-huit pieds de diamètre, suivi du regard, le long du muraillement en pierres de taille, la double cage en chêne dans laquelle glissaient les bennes accrochées à leur câble et suspendues aux poulies d'acier...
J. Verne, Les Cinq cents millions de la Bégum,1879, p. 87.
2. Ce soir, une femme, agitant un éventail de plumes blanches, que je lui ai donné, me disait cette phrase gentille et comme seules les femmes en savent trouver : « Pour moi, les choses que vous me donnez et que je pose sur une commode ou que j'accroche au mur, ne me sont de rien; je n'aime que les choses qui me suivent, que je porte avec moi, que mes doigts peuvent toucher, comme cet éventail. »
E. et J. de Goncourt, Journal,janv. 1895, p. 710.
Rem. Syntagmes rencontrés : accrocher son chapeau au portemanteau (A. France, Les Dieux ont soif, 1912, p. 228); - une pancarte (L.-F. Céline, Mort à crédit, 1936, p. 432); - une gravure au mur (M. Arland, L'Ordre, 1929, p. 418); - les volets (B. Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 327).
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MUS. Accrocher les notes. Commettre une légère faute d'exécution, par exemple, en posant mal le doigt sur une touche (cf. accroc II B) : 3. ... toujours elle jouait mal, quand Christophe était là; le souffle lui manquait, ses doigts étaient raides comme du bois, ou mous comme du coton; elle accrochait les notes et accentuait à contresens; Christophe la grondait et s'en allait fâché : alors, elle avait envie de mourir.
R. Rolland, Jean-Christophe,La Foire sur la place, 1908, p. 785.
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Loc. arg., fam. : 4. Accrocher un paletot. Mentir, − dans le jargon du peuple. L'ouvrier qui a accroché son paletot au Mont-de-Piété n'annonce pas toujours bien exactement à sa ménagère le prix de l'engagement.
L. Rigaud, Dict. du jargon parisien,L'Argot ancien et moderne, 1878, p. 5.
5. L'accrocher (se l'), [la Ceinture], Être privé de qqch. (...) Cf. : « tu t'accroches trois belles ceintures [du pinard auquel tu as droit] l'une sur l'autre », (...), − syn. se la mettre.
Esn.Poilu1919, p. 316.
8. Se les accrocher [les jambes] (1910), se sauver. − Partir (au figuré, jambes pendues au derrière).
E. Chautard, La Vie étrange de l'argot,1931, p. 432.
♦ Se l'accrocher. ,,Être privé de quelque chose.`` (G. Sandry, M. Carrère, Dict. de l'argot moderne, 1953).
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Avoir l'estomac (ou le cœur) bien accroché. N'être pas sensible à l'inconfort, avoir une grande résistance physique : 7. Ça chlinguait drôlement (...) [Ça] donnait envie d'aller au renard. Le nière qui vivait là d'habitude devait avoir l'estom' bien accroché!
A. Le Breton, Du Rififi chez les hommes,1953, p. 146.
b) P. ext. Heurter par un coup sec et comme avec un crochet, un objet, en particulier une voiture à côté de laquelle on passe : 8. Phileas Fogg, ainsi enlevé, sans avoir le temps de réfléchir, quitta sa chambre, quitta sa maison, sauta dans un cab, promit cent livres au cocher, et après avoir écrasé deux chiens et accroché cinq voitures, il arriva au reform-club.
J. Verne, Le Tour du monde en quatre-vingts jours,1873, p. 215.
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[Avec un suj. désignant une part. du corps] :
9. Chacun de ses gestes était une maladresse. Elle ne pouvait faire un pas sans se heurter à quelque chose; ses mains laissaient toujours retomber l'objet saisi; ses bras accrochaient les meubles et fauchaient tout ce qu'il y avait dessus... Elle vous marchait sur les pieds, vous enfonçait, en marchant, ses coudes dans la poitrine.
O. Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 304.
− MAR. Accrocher un vaisseau. ,,Jeter les grappins pour en venir à l'abordage.`` (Besch. 1845, Littré).
c) Au fig. −
Vieilli. Accrocher une somme, un bien, une affaire, L'immobiliser : 10. ... et puis, d'autre part, mes affaires privées, toujours fort embrouillées, l'héritage de mon père non liquidé, nos biens d'Espagne accrochés par Ferdinand VII, nos indemnités de Saint-Domingue retenues par Boyer, nos sables de Sologne à vendre depuis vingt-trois mois, les maisons de Blois que notre belle-mère nous dispute, par conséquent rien ou peu de chose à recueillir dans les débris d'une grande fortune, sinon des procès et des chagrins.
V. Hugo, Correspondance,1829, p. 462.
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Accrocher la lumière. La retenir sur soi, en recevoir l'éclat : 11. La crépelure domptée de ses cheveux châtains se révélait, quand même, en petites ondes qui accrochaient la lumière, en vapeur dorée sur la nuque et près des oreilles.
Colette, La Maison de Claudine,1922, p. 142.
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Fam. Accrocher une situation, un emploi, une faveur. Synon. décrocher - (moins l'idée d'effort) :12. Plusieurs [des artistes] jeûnent, accrochent une leçon de trois francs; encore est-ce une chance.
H. Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de Monsieur Frédéric-Thomas Graindorge, 1867, p. 239.
13. Je t'en supplie, mets tout en branle pour venir à Bordeaux, même si tu as demandé Lyon en première ligne. Cette insistance te montre combien je te crois susceptible d'accrocher une bourse de licence.
J. Rivière, Alain-Fournier, Correspondance,lettre de J. R. à A.-F., juin 1906, p. 134.
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Accrocher un mot, une idée. Les saisir, comprendre au passage : 14. ... j'avais trouvé en arrivant (...) une lettre sentant la femme : mais le diable, c'est que ce gueux de poulet était en italien, en un polisson d'italien de cuisine (...) où j'accrochais un mot par-ci par-là sans pouvoir saisir une phrase...
E. et J. de Goncourt, Manette Salomon,1867, p. 83.