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P. méton. [En parlant de la pers. hum. sous le rapport de son genre de vie] :
7. Il faut entrer dans la manufacture, quand elle est au travail, et l'on comprend que ce silence, cette captivité pendant de longues heures, commandent, à la sortie, pour le rétablissement de l'équilibre vital, le bruit, les cris, le mouvement. Cela est vrai surtout pour les grands ateliers de filage et tissage, véritable enfer de l'ennui. Toujours, toujours, toujours, c'est le mot invariable que tonne à votre oreille le roulement automatique dont tremblent les planchers. Jamais l'on ne s'y habitue. Au bout de vingt ans, comme au premier jour, l'ennui, l'étourdissement sont les mêmes, et l'affadissement. Le cœur bat-il dans cette foule? bien peu, son action est comme suspendue; il semble, pendant ces longues heures, qu'un autre cœur, commun à tous, ait pris la place, cœur métallique, indifférent, impitoyable, ...
J. Michelet, Le Peuple,1846, p. 83.
8. Nous sommes retombés dans l'ennui de toute la hauteur du plaisir. Nous sommes mal organisés, prompts à la fatigue. Une semaine nous dégoûte pour trois mois; et nous sortons de l'amour avec un abattement de l'âme, un affadissement de tout notre être, une prostration du désir, une tristesse vague, informulée et sans bornes.
E. et J. de Goncourt, Journal,août 1855, p. 193.
9. Caroline ne lisant rien, ne sachant rien, ne s'intéressant à rien, n'a aucune conversation et avec elle, l'ennui est toujours à la porte, si bonne femme qu'elle soit. Pour elle d'ailleurs les enfants seuls existent et le sien en particulier. Il faut se faire père nourricier, pour faire avec elle vie qui dure. Et ce rôle est naturellement tôt épuisé et vite fastidieux. La gésine et la nursery ne sont pas l'affaire dominante de l'homme. Nous traversons ces affaires d'entrailles, mais nous n'y pouvons demeurer, sous peine d'abêtissement, ou du moins d'affadissement.
H.-F. Amiel, Journal intime,13 juill. 1866, p. 365.
10. Irène avait changé. Ou plutôt elle était redevenue telle que jadis, avant l'arrivée de Laure à Sainte-Mechtilde. Sans doute, ses deux grossesses, trop rapprochées, étaient-elles cause de son empâtement physique, signe trop révélateur de son affadissement moral. Il n'y avait pas si longtemps encore, se disait Laure, elle s'enthousiasmait pour un texte de Pascal! était-ce donc cela, le bonheur, cet ensevelissement dans le confort, la routine, l'oubli, dans cet égoïsme candide et niais des jeunes mères?
Daniel-Rops, Mort où est ta victoire?,1934, p. 76.