a) Qui manifeste un attachement excessif pour les biens matériels ou moraux : 9. ... on disait qu'il avait la tête dure, et que les vérités célestes ne pouvaient percer son crâne épais. Il était âpre et avare, et tout à fait enfoncé dans les intérêts matériels. Il ne pensait qu'à acheter des maisons.
A. France, Le Lys rouge,1894, p. 139.
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Âpre au gain : 10. De qui l'état tire-t-il le plus clair de ses revenus? N'est-ce pas justement de cette petite bourgeoise, âpre au gain, dure au pauvre comme à elle-même, enragée à l'épargne?
Bernanos, Journal d'un Curé de campagne,1936, p. 1083.
Rem. Âpre peut s'employer dans cette accept. en loc. libre, constr. soit avec la prép. à (cf. T. Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 74 : âpre au butin; Sully Prudhomme, La Justice, 1878, p. 250 : âpre au labour), soit avec la prép. en (Michelet, Le Peuple, 1846, p. 66 : âpre en affaire); Flaubert (Correspondance, 1846, p. 303) parle des femmes (...) âpres [= « avides »] de l'homme qu'elles aiment.
b) Qui manque d'aménité ou de modération notamment dans ses rapports avec autrui. Un caractère, un cœur âpre; un homme âpre à la vengeance : 11. Ces mécomptes, après avoir usé la présidente de Marville, qui ne s'abusait pas d'ailleurs sur la valeur de son mari, la rendaient terrible. Son caractère, déjà cassant, s'était aigri. Plus vieillie que vieille, elle se faisait âpre et sèche comme une brosse pour obtenir, par la crainte, tout ce que le monde se sentait disposé à lui refuser. Mordante à l'excès, elle avait peu d'amies.
Balzac, Le Cousin Pons,1847, p. 33.
Rem. Âpre peut s'employer dans cette accept. en loc. libre constr. avec la prép. à (cf. hommes (...) âpres à la vengeance [Leconte de Lisle, Poèmes tragiques, Le Chapelet, 1886, p. 65]).
c) [En parlant d'un sentiment, d'une impression] Qui exerce une forte emprise sur l'esprit. Une joie âpre, un âpre désespoir : 12. Certes, ce monde est vieux, presque autant que l'enfer.
Bien des siècles sont morts depuis que l'homme pleure
Et qu'un âpre désir nous consume et nous leurre,
Plus ardent que le feu sans fin et plus amer.
Le mal est de trop vivre, et la mort est meilleure, ...
Leconte de Lisle., Poèmes barbares,Le Vœu suprême, 1878, p. 228.
13. Outre cet attrait de l'inconnu et du mystère, il exerce sur moi ce charme âpre, puissant, dominateur, de la force. Et ce charme − oui ce charme − agit de plus en plus sur mes nerfs, conquiert ma chair passive et soumise. (...). C'est en moi un désir plus violent, plus sombre, plus terrible même que le désir qui, pourtant, m'emporta jusqu'au meurtre, ...
Mirbeau, Le Journal d'une femme de chambre,1900, p. 272.
d) [En parlant d'une manière d'agir, de penser, de s'exprimer] Un combat, un livre, un ton âpre : 14. ... reprenant, à mon tour, le livre écrit un an auparavant, je le trouvai âpre, dogmatique, sectaire et dur. Ma pensée, dans son premier état, était comme un fardeau branchu, qui s'accrochait de tous les côtés. Mes idées, trop entières pour la conversation, étaient encore bien moins faites pour une rédaction suivie.
Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. III.
Rem. L'emploi subst. « ce qui est âpre » est rare. Cf. Claudel, Art poét., 1907, p. 166 : ,,les mains (...) chargées d'apprécier le mou et le résistant, l'âpre et le poli.`` − « Personnes âpres ». Cf. Montherlant, Malatesta, 1946, III, 5, p. 497 : ,,je suis fatigué (...) des âpres.``
PARAD. 1. (Quasi-) synon. abrupt, acariâtre, acerbe, acéré, acide, âcre, agressif, anguleux, aride, austère, autoritaire, brûlant, brut, brutal, caustique, corrosif, cruel, cupide, fruste, grossier, heurté, impérieux, incisif, incommode, inexorable, intolérant, intransigeant, pénible, raboteux, raide, rapace, râpeux, rauque, rêche, revêche, tranchant, vindicatif. 2. Anton. aplani, caressant, courtois, débonnaire, délicieux, élégant, généreux, insipide, mielleux, moelleux, plaisant, raffiné, suave, uni, velouté.