1. En interj. [Par brachylogie pour ayez un bon jour! que cette journée vous soit bonne!] a) [Au sens fort, avec la valeur d'un souhait effectif] :
1. On peut dire « bonjour » sans penser que c'est un souhait, de beau temps, de bonne humeur, de bon succès. Le premier sens de ce mot, celui qui porte tous les autres, vient d'un air ouvert, bienveillant, confiant, hospitalier, ...
Alain, Propos,1930, p. 963.
b) [Au sens affaibli, comme simple formule de politesse] :
2. Il n'était pas tenu de dire bonjour, monsieur! bonjour, madame! à des personnes dont les jours (...) bons ou mauvais, ne l'intéressaient pas du tout...
A. France, Le Livre de mon ami,1885, p. 38.
Rem. 1. Noté comme fam. dans Ac. 1798-1878, Besch. 1845, Guérin 1892.
Rem. 2. Bonjour prend parfois une nuance péj., parce que, perdant son sens primitif, il est gén. utilisé comme une formule de salutation des plus banales, qui se prononce rapidement et sans penser à sa valeur originelle. D'où l'expr. bonjour bonsoir! pour marquer familièrement, p. plaisant., des rapports humains superficiels et éphémères, sans lendemain, ne tirant pas à conséquence :
3. Ainsi qu'il [Ragu] le disait, il ne la touchait [Josine] jamais que pour le plaisir (...). Pas d'enfant, pas de fil à la patte. On s'amusait ensemble, et bonjour, bonsoir, on n'encombrait pas sa vie.
Zola, Travail,t. 2, 1901, p. 18.
Rem. 3. Bonjour s'emploierait aussi en quittant qqn (d'apr. Lar. 20e, Lar. encyclop., Dub.). Qq. aut. semblent confirmer cet emploi : et puis « adieu », bonjour et merci aux hôtes (Pesquidoux, Chez nous, 1923, p. 88). Ce qui expliquerait peut-être que bonjour!, comme bonsoir! (mais moins fréquemment), soit utilisé p. iron., pour signifier qu'une affaire est réglée, terminée ou risque de l'être, aux dépens de l'interlocuteur.
2. Emploi subst. : 4. MlleRousseau et MmeTurine se souhaitèrent le bonjour avec des petites mines, des mots plutôt ris que parlés, toute la gracieuseté qu'ignorent les hommes réduits au serrement de mains et à l'offre d'une consommation.
Hamp, Marée fraîche,1908, p. 59.
SYNT. a) Sans art. Dire bonjour à qqn, aux copains (cf. Dorgelès, Les Croix de bois, 1919, p. 272), ne dire ni bonjour ni bonsoir : ne lui dire ni bonjour en entrant (...) ni bonsoir en sortant (E. et J. de Goncourt, Journal, 1894, p. 518). b) Avec art. Dire un petit bonjour : dire le petit bonjour amical accoutumé (Gyp, Souvenirs d'une petite fille, 1928, p. 352), donner le bonjour à qqn de la part de qqn (cf. Céline, Mort à crédit, 1936, p. 191), envoyer le bonjour (à qqn) (cf. Larbaud, Fermina Marquez, 1911, p. 100), rendre le bonjour (à qqn) (cf. Camus, La Peste, 1947, p. 1336).
− Expr. (fam.) Sans article.Simple comme bonjour : pour être heureux comme un roi (...) mener une vie simple comme bonjour (Renard, Journal,1893, p. 191).Avec article. (gén. à la tournure exclam.).Le bonjour à : le bonjour de ma part au fils (Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 32),(le) bonjour chez vous (Renard, Journal,1901, p. 653),bien le bonjour (A. France, Le Mannequin d'osier,1897, p. 129),mille bonjours (Mallarmé, Correspondance,1878, p. 180).
− Spéc., arg. P. iron. (Avoir) le bonjour d'Alfred (cf. A. Simonin, J. Bazin, Voilà taxi! 1935, p. 148), avoir le bonjour (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 637, 664). Vol au bonjour. Vol qui se pratique en s'introduisant sans effraction dans des appartements non fermés, après s'être assuré de l'absence des occupants et, au cas où quelqu'un se présenterait inopinément, en saluant et en prétextant chercher quelqu'un d'autre. [Se faire] un nom dans l'escalade, la tire, le vol au poivrier et le vol au bonjour (M. Aymé, Le Nain,1934, p. 250);donneurs (euses) de bonjour, voleurs au bonjour : les chevaliers grimpants, que l'on nomme aussi voleurs au bonjour, donneurs de bonjours, bonjouriers (F. Vidocq, Mémoires de Vidocq,t. 4, 1828-29, p. 280).