A. Au sing. [Le but est un lieu] 1. Itinéraire ou direction vers un lieu déterminé. Il prit d'abord son chemin par la Hollande (Bernardin de Saint-Pierre, La Chaumière indienne,1791, p. 67).Lou Lugran m'enseigne la piste. L'étoile du berger me montre le chemin (Pesquidoux, Chez nous,t. 2, 1923, p. 124).L'espace qui reste à franchir n'est point la mer. Nulle route n'est le chemin qu'il me faut suivre (Claudel, Poésies diverses,Vers d'exil, 1952, p. 13):24. [À Naples]... si vous demandez à un homme du peuple votre chemin dans la rue, il tend la main après vous avoir fait un signe : car ils sont plus paresseux pour les paroles que pour les gestes; ...
Mmede Staël, Corinne,t. 2, 1807, p. 199.
25. Ainsi qu'un âne n'imagine pas qu'on aille du moulin au four autrement que par le plus court, le plus plat, le meilleur chemin : ainsi un touriste n'imagine pas davantage qu'on aille de Servoz à Genève autrement que par le plus long, le plus ardu, le plus détestable chemin.
Toepffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 331.
SYNT. Chercher son chemin; prendre le chemin indiqué; perdre, retrouver son chemin; s'écarter de son chemin, détourner qqn de son chemin; passer par le même chemin, par un autre chemin; ne pas connaître le chemin; se tromper de chemin.
−
Suivre le bon chemin. Être, avancer dans la bonne direction. Remettre qqn en bon chemin. Prendre le mauvais chemin. S'engager dans la mauvaise direction. Indiquer le mauvais chemin à qqn. Tenir un chemin. Suivre un certain itinéraire. Tenir le chemin de/vers + (destination). Se diriger vers (destination). Le prince ordonna à son lieutenant général de retourner par le même chemin qu'il avait tenu (Lamartine, Voyage en Orient, t. 1, 1835, p. 269).Elles essayaient de tenir leur chemin droit vers le couchant; et sans cesse quelque fondis ou quelque fourré les contraignait à un détour (Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 240).Rem. Cf. supra I A 1 ne point tenir de chemin dans la rubrique synt.
−
[Avec un compl. prép. de indiquant le but à atteindre ou, d'une façon plus gén., la destination] (Prendre) le chemin de + (indication de la destination). (Prendre) la direction de (indication de la destination). (Prendre) le chemin du village. Il prit le chemin du midi par la route la plus sûre (Thierry, Récits des temps mérovingiens, t. 2, 1840, p. 129).Ce dernier reprit par la voie de terre le chemin de Damas (Grousset, L'Épopée des croisades,1939, p. 200).Ils devraient peu à peu apprendre à aimer la musique, prendre le chemin du concert (L'Enseign. en France. L'enseign. de la mus. et l'éduc. musicale, 1, 1950, p. 19).♦
Plus rare. [Le compl. est un mot abstr.] (Prendre) le chemin du retour, de l'exil. Rem. Cf. supra I A 1, le cas où le compl. désigne une voie de communication précise.
♦
Être sur le chemin de − (indication de la destination). Se diriger vers : 26. d'estrigaud. − ... tu viens de me faire manquer un mariage magnifique.
navarette. − Dame! quand je suis entrée, tu n'étais pas sur le chemin de la mairie, ce me semble.
Augier, La Contagion,1866, V, p. 436.
− Loc. Lire son chemin dans les étoiles. Se diriger d'après la carte du ciel. Tu as franchi des forêts. Tu as lu notre chemin dans les étoiles (Audiberti, Quoat-Quoat,1946, 1ertabl., p. 36).
−
P. ext. [Il y a déplacement de personnes mais en dehors de toutes voies de communication proprement dites] Elle prit le chemin de la porte (Pourrat, Gaspard des Montagnes,La Tour du Levant, 1931, p. 251):27. − C'est l'abbé Châtellier que je viens voir. Le valet (...) dit, l'air indifférent :
− Monsieur veut-il que je l'accompagne?
− Non. Je connais le chemin.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,La Nuit de la Saint-Jean, 1935, p. 45.
− P. métaph. [En parlant de qqc.] Une boîte de cachous qu'il avait eu l'imprudence de montrer avait pris le chemin de la poche de Pol (Malraux, L'Espoir,1937, p. 674).
2. Espace parcouru ou à parcourir d'un lieu à un autre; distance de l'un de ces points à l'autre. Comme si elle n'en avoit été séparée que par un court espace de chemin (Nodier, Jean Sbögar,1818, p. 195).« Je vais aux halles. Je peux vous conduire un bout de chemin dans ma bagnole » (Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 166).Il demeurait loin, lui, en banlieue, il avait du chemin pour venir (Céline, Mort à crédit,1936, p. 167):28. Mais les enfants ce qui les intéresse ce n'est que de faire le chemin.
D'aller et de venir et de sauter. D'user le chemin avec leurs jambes.
De n'en avoir jamais assez. Et de sentir pousser leurs jambes.
Ils boivent le chemin. Ils ont soif du chemin. Ils n'en ont jamais assez.
Péguy, Le Porche du mystère de la 2evertu,1911, p. 285.
29. Pour revenir de mon village, je traverse presque toute la France. Ce long chemin, je l'appelle, je ne sais pourquoi, le ruban vert, comme si c'était le chemin de l'espérance. C'est neuf cents kilomètres, le long desquels, au volant de ma machine, je me raconte des histoires.
Guéhenno, Journal d'une« Révolution », 1938, p. 208.
SYNT. Faire, parcourir le chemin (qui sépare un lieu d'un autre); faire, parcourir une partie du /un bout de/la moitié du/tout le/ chemin à pied; faire le chemin d'une seule traite, par étapes; abattre beaucoup de chemin; il reste un long chemin à parcourir; accompagner qqn un bout de chemin; la ligne droite est le plus court chemin d'un point à un autre.
−
Faire (du) chemin. Franchir un certain espace, accomplir un certain trajet, marcher, voyager (cf. faire [de la] route*). Faire chemin avec qqn. N'as-tu pas ton vélo, de bonnes jambes? On fait du chemin dans une nuit! (Genevoix, Raboliot,1925, p. 169).Cependant, Gaspard faisait chemin. Le pays allait par montées, par descentes (Pourrat, Gaspard des Montagnes,Le Château des sept portes,1922, p. 77).Allonger/abréger le chemin. Prendre l'itinéraire le plus long/le plus court pour parvenir à destination. Se mettre en chemin, sur le chemin; prendre son chemin. Prendre le départ pour franchir un certain espace, accomplir un certain trajet, pour marcher, voyager un certain temps (cf. se mettre en route*, prendre la route*). Sans attendre que la nuit tombât, elle prit son chemin (Pourrat, Gaspard des Montagnes,À la belle bergère,1925, p. 248).Il lui fallait se mettre sur le chemin pour trouver un logis. Tous les printemps, ils déménageaient (G. Roy, Bonheur d'occasion,1945, p. 113).Être en chemin (vers). Être en train de franchir l'espace, d'accomplir un trajet, de marcher, de voyager (pour une certaine destination) (cf. être en route* pour). À peine étais-je en rapide chemin vers ce nouveau monde (...) le temps, (...) devint plus menaçant et nous rabattit aux Sorlingues (Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 37).Continuer, poursuivre son chemin. Continuer sa marche, son voyage vers une certaine destination (cf. continuer, poursuivre sa route*). Il continua son chemin à travers les sapins dans la direction du « pigeonnier » (Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes,1913, p. 75).Passer (droit) son chemin; aller, marcher, continuer, suivre (tout) droit son chemin. Poursuivre sa marche, son voyage sans s'arrêter, sans se préoccuper de ce qui se passe autour de soi. Mêlez-vous, cher monsieur, de ce qui vous regarde et laissez-moi passer mon chemin (Cocteau, La Machine infernale,1934, p. 73).Une demi-heure, une journée ... de chemin. Une demi-heure, une journée ... de marche, de voyage (cf. une demi-heure ... de route*). Rester (tant de) jours en chemin. Mettre (tant de) jours pour parcourir la distance séparant son point de départ de son lieu de destination; marcher, voyager durant (tant de) jours : 30. Ce n'est pas faute d'envie que je ne suis pas en chemin Si vous saviez, (...) le bonheur que j'ai d'être avec vous, vous me plaindriez au lieu de vous fâcher.
E. de Guérin, Lettres,1847, p. 35.
31. Passer droit son malheureux chemin et être pris pour un suiveur, (...). Ah! non! et cela simplement parce que, (...) je marchais peut-être depuis trois ou quatre minutes à la même allure que cette péronnelle. Et voilà, voilà la vie des grandes villes! Il faut avoir son rythme à soi et faire constamment en sorte qu'il ne coïncide avec celui d'aucun autre. Marcher du même pas que quelqu'un, c'est déjà attenter un peu à la liberté, ...
G. Duhamel, Confession de minuit,1920, p. 98.
−
P. méton., au sing. Temps passé à faire le chemin, à marcher, à voyager. Ne pas s'apercevoir du chemin. Sans s'être aperçu du chemin. En causant ainsi, le chemin parut très-court, quoiqu'Isambard eût extrêmement ralenti le pas de son cheval (Mmede Genlis, Les Chevaliers du cygne,t. 1, 1795, p. 261).♦ Tromper le chemin. Faire en sorte de ne pas se rendre compte du temps mis pour effectuer un certain trajet.
3. P. anal. [En parlant de qqc. qui franchit l'espace vers une certaine destination] Des lettres qui devaient rester cinq jours en chemin (Mmede Staël, Lettres de jeunesse,t. 1, 1790, p. 408).Mettre moins de temps en chemin. Franchir plus rapidement la distance séparant le point de départ du lieu de destination; marcher, voyager plus vite. Il venait à cheval pour mettre moins de temps en chemin (Mmede Duras, Ourika,1824, p. 117).[Le suj. désigne un lieu ou un voyageur; pour les situer dans l'espace par rapport à un autre lieu] Être à une heure, une journée ... de chemin (de + nom de lieu). Se situer à une heure, une journée ... de marche, de voyage (de tel lieu) (cf. être à une heure ... de route*). Chambéry n'était pas à une heure de chemin (Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des « Confessions », 1948, p. 119).Rebrousser chemin. Faire demi-tour et refaire en sens inverse tout ou partie du trajet déjà effectué. Rebrousser chemin vers le nord. Sur, pendant, durant le chemin (du retour). Au cours de la marche, du voyage, du trajet effectué (pour revenir, rentrer). −
(Prendre, suivre) le chemin des écoliers. (Prendre, suivre) le parcours que l'on a délibérément voulu le plus long et le plus agréable. Les sangliers isolés (...) la panse garnie, ceux-ci prennent le chemin des écoliers, vermillant ici, se souillant là, se frottant ailleurs (F. Vidron, La Chasse en plaine et au bois,1945, p. 103).♦
P. anal. [En parlant de qqc. qui se déplace] :
32. ... dans les premières installations, au lieu de revenir à l'usine par la voie qu'on lui offrait, le courant prenait le chemin des écoliers, s'échappait des rails et gagnait les conduites d'eau ou de gaz voisines qui lui offraient un chemin plus long mais meilleur, c'est-à-dire plus conducteur.
A. Soulier, Les Gr. applications de l'électr.,1916, p. 146.
Fig. Elle [la jeune peinture française] revenait de la sorte à la tradition de la plus grande peinture par le chemin des écoliers (É. Faure, Hist. de l'art,1921, p. 222).−
Loc. adv. ♦
À mi-chemin, à moitié chemin. Au milieu de l'espace à parcourir, au milieu du trajet. Rester, être à mi-chemin, à moitié chemin; reculer à mi-chemin du but. Les petites maisons qu'ils occupaient se trouvaient (...) à mi-chemin des deux chantiers (Pesquidoux, Le Livre de raison,1925, p. 166).P. anal. [En parlant de qqc. qui se développe sur un certain trajet que l'on parcourt] Un escalier étroit et raide qui se coudait à mi-chemin pour ménager la percée d'une fenêtre (Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 10).♦
Chemin faisant. Tout en parcourant l'espace, tout en effectuant le trajet d'un lieu à un autre; tout en cheminant. L'empereur (...) se mit en route pour gagner le canot. Chemin faisant, il saluait (Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 51).Au fig. Chemin faisant. Tout en faisant telle ou telle chose, par la même occasion, en même temps. Rem. Littré enregistre également la constr. en chemin faisant.
♦
En chemin. Au cours du trajet. Synon. en cours de route.S'arrêter, rester en chemin; rencontrer, rejoindre qqn en chemin; se quitter en chemin. Emma et Berthe l'accompagnaient dans sa promenade (...) en chemin, Berthe questionnait Édouard sur ce peuple des oiseaux (Chardonne, L'Épithalame,1921, p. 142).Fam. Semer qqn en chemin. Le distancer nettement alors qu'on effectue le même trajet. Au fig. En chemin. Avant d'aboutir, d'atteindre le terme, le but. L'homme qui se préoccupe des difficultés (...) résiste au mouvement qu'il faudrait suivre et demeure en chemin (Maine de Biran, Journal,1818, p. 105).Je me suis mêlé de paix et de guerre; j'ai signé des traités, des protocoles et publié chemin faisant de nombreux ouvrages (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 2).Ma pensée s'arrêta en chemin (S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 24).Proverbe. Qui trop se hâte, reste en chemin. ,,Il faut ménager ses forces, si l'on veut arriver à un but`` (Nouv. Lar. ill.) (cf. qui veut voyager loin ménage sa monture). 4. P. ext. [En parlant de qqn qui se déplace, mais en dehors de toute voie de communication proprement dite] Bien comprendre (...) la répartition des meubles, leurs distances (...) le chemin à faire d'un point à un autre (Romains, Les Hommes de bonne volonté,Le 6 octobre, 1932, p. 56).♦ Spéc., MAN. Entamer le chemin. ,,Commencer à galoper`` (Littré). Manger le chemin. ,,Avancer trop rapidement`` (Littré).
−
P. anal. [En parlant d'un corps en mouvement] Trajet effectué. Tu n'auras pas la surprise désagréable de rencontrer une jambe poilue sur le chemin de tes orteils (G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Combat contre les ombres, 1939, p. 227).Déceler le chemin suivi par le virus (A. Calmette, L'Infection bacillaire et la tuberculose chez l'homme et chez les animaux,1920, p. 154).Chaque électron émis suit alors son chemin (Leprince-Ringuet, Des Atomes et des hommes,1957, p. 44).♦
MAR. ,,Espace parcouru, en un temps donné, par un bâtiment`` (Bonn.-Paris 1971). Rem. Jal 1848 ajoute ,,Quelquefois : Vitesse du navire. Ainsi l'on dit : Ce bâtiment fait beaucoup de chemin, pour dire, il est bon marcheur, il est rapide, il suit sa route avec une grande vitesse``.
♦
BALIST. Soient F la force perturbatrice perpendiculaire au rayon vecteur et Ds le chemin parcouru par la lune pendant le temps Dt (H. Poincaré, Leçons sur les hyp. cosmogoniques,1911, p. 133):33. ... dans le tir à courte distance, la trajectoire n'a pas toute la roideur désirable, la parabole s'exagère, le chemin du projectile n'est plus assez rectiligne pour qu'il puisse frapper tous les objets intermédiaires, ...
Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 439.
♦ OPT. Chemin optique. ,,Produit de la distance parcourue par la lumière dans un milieu homogène, isotrope et transparent, par l'indice de réfraction de ce milieu`` (Laitier 1969).
B.− P. métaph. ou au fig. [Le but est un terme abstr. vers lequel conduit un mouvement linéaire et orienté] Voie suivie ou à suivre pour atteindre un but déterminé; ligne de conduite, suite d'actes orientés vers un objectif; moyen(s) mis en œuvre ou à mettre en œuvre pour parvenir à une fin. Chacun suit son chemin. Chacun est le prisonnier de son chemin. Il n'est pour chacun, sans doute, qu'un seul chemin (Audiberti, Quoat-Quoat,1946, 1ertabl., p. 30).Tu avais choisi les chemins les plus difficiles, la solitude, la pureté (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 257).Il ne faut pas nous arrêter à mi-chemin : il faut foncer dans la direction où nous venons de nous engager (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954p. 385).Mère, ce sont mes premiers pas sur les chemins de la perfection (Camus, Le Chevalier d'Olmedo,adapté de F. Lope de Vega, 1957, p. 769):34. Son caractère le portait à prendre le chemin le plus court, en apparence le plus agréable, à saisir les moyens décisifs et rapides.
Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 278.
35. Je suis ici, l'autre est ailleurs, et le silence est terrible :
...
Je souffre, et l'autre souffre, et il n'y a point de chemin
Entre elle et moi, de l'autre à moi point de parole ni de main.
Claudel, Corona Benignitatis Anni Dei,1915, p. 422.
36. ... ils pensent trop vite; ils ignorent profondément que le chemin le plus court d'un point à un autre n'est pas toujours la ligne droite.
Green, Journal,1946, p. 50.
−
Montrer, ouvrir, tracer le chemin à qqn. Lui montrer la voie à suivre pour atteindre un but déterminé, lui donner l'exemple; être, pour lui, un guide, un initiateur. Anton. suivre le chemin tracé.Deux, mille ... chemins s'ouvrent devant qqn. Deux, mille ... possibilités ou moyens de parvenir au but s'offrent à qqn. Fermer le(s) chemin(s) de qqc. Ôter toute possibilité, priver de tout moyen de parvenir à quelque chose. On contracte une dette envers ceux qu'on a vaincus; on prend l'engagement tacite de marcher devant eux, de leur montrer le chemin (R. Rolland, Jean-Christophe,La Nouvelle journée, 1912, p. 1434):37. Moi j'ai beaucoup évolué, mais c'est ma propre voie que j'ai suivie.
− On n'a pas des chemins tracés d'avance, dis-je. Le monde n'est plus le même, personne n'y peut rien; il faut essayer de s'adapter.
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 177.
− Sur le chemin de, en chemin de. En voie de, sur le point de, près de. Prendre, tenir le chemin de qqc. Tendre à quelque chose, aller à/vers quelque chose, être en voie de... Mettre qqn sur le chemin de qqc. L'inciter, l'entraîner à quelque chose, l'engager dans la voie de quelque chose. Ne pas en prendre le chemin. [Le suj. désigne une pers.] Être loin de faire, de penser ... quelque chose. [Le suj. désigne une chose] Être loin d'avoir lieu, de se produire. Le toast de l'Hôtel de ville était en chemin de se réaliser (MmeV. Hugo, Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie,1863, p. 37).Tu n'es qu'un niais si ta cousine, avant quinze jours, ne t'écrit pas tout aussi longuement, aisément, agréablement... − Elle n'en prend guère le chemin (Gide, La Porte étroite,1909, p. 544).
−
Aller, passer, suivre, poursuivre son chemin. [Le suj. désigne une pers.] Avancer, progresser sans faiblir, sans se laisser détourner de sa voie et de son but. [Le suj. désigne une chose] Progresser, s'étendre, se développer. Lui, il ne coupe pas les cheveux en quatre. Il va son chemin. Un homme quoi (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 179):38. Il importe donc assez peu que la loi laisse ou refuse la liberté aux idées nouvelles; car elles vont leur chemin sans cela, elles se font sans la loi et malgré la loi, ...
Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 363.
− Grand chemin [cf. le (grand) chemin des vaches, supra I A 3 et chemin battu, supra I A 2 a].
1. [P. réf. au fait que le grand chemin est une voie publique très fréquentée] Subst. abstr. + du grand chemin. Commun, de tout le monde : 39. ... La morale que M. Saint-Marc Girardin a prêchée dans ses cours avec beaucoup de suite et de piquant, c'est la petite morale, comme il l'appelait, celle de tout le monde, celle de la société et du grand chemin, celle de la religion sans doute, mais celle aussi de l'intérêt bien entendu...
Sainte-Beuve, Correspondance,t. 5, 1818-69, p. 312.
♦ Aller, suivre le grand chemin, son grand chemin. Mener sa vie en toute quiétude, selon la règle commune. Il ne suffit pas de suivre le grand chemin de la vie humaine, de naître, de se marier et de mourir (J. Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 226).
2. [P. réf. aux époques où des voleurs exerçaient leurs méfaits sur les grands chemins et les rendaient dangereux; cf. voleur de grand chemin, supra I A 2 a] Subst. de l'animé + de grand chemin.Qui est audacieux; qui ne craint pas le danger, les risques : 40. Ce qui me donne, dit le Marquis, un grand avantage sur beaucoup de gens, et notamment sur ceux qui calculent, (...) ceux qui prévoient, organisent, s'entourent des sécurités de leur intelligence (...) c'est que je suis un homme de grand chemin. J'ai reconnu en vous cette même volonté d'explosion. Nous abordons tout comme des ondes.
Giono, Angelo,1958, p. 211.
Rem. Dub. enregistre le syntagme prendre le grand chemin, avec le sens de « ne pas s'embarrasser de petitesses ».
− Fam. Aller, suivre son petit bonhomme de chemin. Avancer doucement mais sûrement. Je me suis mis à mon nouveau roman, La Bête Humaine ... Cela va son petit bonhomme de chemin, mon train ordinaire (Zola, Correspondance,1902, p. 711).
−
Être en bon chemin [Le suj. désigne une chose] Être en bonne voie de se produire, de se réaliser, de réussir; être près de parvenir à son terme. S'arrêter en si beau chemin, en si bon(s) chemin(s). S'arrêter si près de toucher au terme, renoncer sur le point d'arriver au but. Ne pas s'arrêter en si beau chemin, en si bon(s) chemin(s). Ne pas se contenter d'une réussite, faire en sorte de lui en ajouter d'autres plus déterminantes encore. Ce n'est pas tout, car la calomnie ne s'arrête pas en si beau chemin : on prétend que ... (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 220).Le progrès humain est arrivé à son terme ou est en bon chemin (Nizan, Les Chiens de garde,1932, p. 84):41. C'était aux yeux du monde l'aveu de la défaite subie par nos ennemis dans cette bataille de Verdun (...). Le général Nivelle ne voulut pas s'arrêter en si bons chemins. Le 11 novembre, il m'exposa ses projets.
Joffre, Mémoires,1931, p. 272.
−
Aller dans le bon, le droit chemin. Se conduire bien, et en particulier avec droiture, loyauté, honnêteté. Combien de garçons, engagés déjà sur de mauvaises pentes, ai-je ramenés dans le droit chemin (R. Martin du Gard, Notes sur André Gide,1951, p. 1399):42. C'était trop bête d'aimer, ça ne menait à rien. Puis, elle avait des scrupules, à cause du jeune âge de Zizi; vrai, elle s'était conduite d'une façon pas honnête. Ma foi! Elle rentrait dans le bon chemin, elle prenait un vieux.
Zola, Nana,1880, p. 1258.
−
Être à la croisée des chemins. Être au moment décisif où, dans une conjoncture difficile, il faut, entre plusieurs possibilités, entre plusieurs voies, en choisir une et que ce soit la meilleure : 43. « ... cette nuit encore il a dit à Paule : on est à la croisée des chemins ». Il le disait souvent et c'est par lâcheté que j'évitais de donner leur vrai poids à ces mots. « La croisée des chemins ». Donc aux yeux de Robert, le monde était en danger.
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 38.
−
Faire du chemin. Avancer, progresser, gagner du terrain. Tu es dans la voie qui mène au pouvoir. − Il arrivera, dit Coralie. − Mais il a déjà fait bien du chemin en six semaines (Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 420).À travers d'incroyables obstacles, nous avons fait pas mal de chemin vers le mieux (De Gaulle, Mémoires de guerre,1959, p. 594):44. Les vérités ne reculent jamais. Une fois levées sur notre horizon des nuages peuvent les voiler, mais elles reparaissent plus avant dans le ciel et pendant qu'on les croyait perdues elles ont fait du chemin et éclairent les masses.
Lamartine, Correspondance,1834, p. 72.
♦ Faire un joli, un beau, un fier chemin. La question juive (...) a fait un joli chemin depuis dix ans. (...) elle est au fond de toutes les discussions, elle préoccupe tous les esprits (Doc. d'hist. contemp.,t. 2, 1852-59, p. 54).
−
Faire son chemin. [Le suj. désigne une pers.] Avancer avec succès; progresser, dans la hiérarchie sociale, jusqu'à une position élevée; faire carrière, réussir. [Le suj. désigne une chose abstr.] Se développer avec succès, progresser vers un terme positif. Quand il sera grand, pour faire son chemin, faut un nom ... sans ça, on végète (E. Labiche, Frisette,1846, 15, p. 253).L'humanité fera son chemin sans les libéraux et malgré les rétrogrades (Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 362).Mais le mot avait porté et, sans preuves, fit toujours son chemin dans l'esprit des Ligneul (Drieu La Rochelle, Rêveuse bourgeoisie,1939, p. 38):45. − Ah! Je savais bien que Nicolas ferait son chemin! Ah! Voyez-vous comme on avance! C'est parce que nous restons toujours aux baraques, que nous sommes si pauvres. Mais Nicolas deviendra noble, ...
Erckmann-Chatrian, Hist. d'un paysan,t. 1, 1870, p. 117.
−
Prendre un chemin détourné, prendre un/des chemin(s) de traverse. Employer des moyens détournés. Ne pas y aller par quatre chemins. Aller tout droit au but sans user de moyens détournés ou de faux-fuyants. Synon. aller droit son chemin.J'ai l'habitude, reprit le géomètre, d'aller droit mon chemin : voici ce qui m'amène (Toepffer, Nouvelles genevoises,1839, p. 233).Je n'aime point ces raisonnements qui vont, par chemins de traverse, à réduire ce que l'on me doit. Je veux être payé (Alain, Propos,1922, p. 407):46. ... il ne peut jamais penser tout droit; il faut qu'il aborde toujours les idées de biais. De son biais, je l'accorde, et cela constitue déjà une originalité; mais, ne pas confondre l'originalité de l'itinéraire et l'originalité du but : prendre un chemin détourné, inhabituel pour atteindre un point connu, ce n'est pas explorer un pays neuf...
R. Martin du Gard, Notes sur André Gide,1951, p. 1409.
−
Chemin de fleurs, chemin de velours. Moyen, voie facile, agréable, d'atteindre le but auquel on tend. Fleurir le(s) chemin(s) de qqn. Lui faciliter les choses. Aplanir le chemin à qqn. Supprimer les difficultés, les obstacles susceptibles d'entraver sa progression. Trouver une/des pierre(s), trouver qqc. ou qqn sur son chemin. Se heurter à des difficultés, à des obstacles, à un adversaire qui entravent la progression vers le but auquel on tend. ,,Il me trouvera en son chemin, ou je le trouverai en mon chemin, je trouverai occasion de le contrecarrer`` (Littré). Se mettre sur le chemin de qqn, en travers du chemin de qqn. Lui créer des difficultés, entraver ses projets. Synon. couper, barrer le chemin à qqn.Sur le chemin de velours du stratagème s'organise toute une technique de la plaisance, une académie de flatterie (Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 6):47. ... je me tue à lui sarcler ses heures, à lui embaumer son air, à lui sabler, à lui fleurir les chemins qu'il a semés de pierres. Ma récompense est ce terrible refrain :
« − Je vais mourir! La vie me pèse! »
Balzac, Le Lys dans la vallée,1836, p. 87.
♦ P. iron. Mener qqn par un chemin où il n'y a pas de pierres. ,,Le mener rondement, le traiter durement`` (Littré). Faire voir du chemin à qqn. Lui ,,susciter des difficultés`` (Nouv. Lar. ill.-Lar. 20e).
− Trouver le chemin du cœur de qqn. Découvrir la façon, le moyen de susciter, selon le cas, ou la sympathie ou l'affection ou l'amour de quelqu'un. Je me flatte d'avoir enfin trouvé le chemin de son cœur, au bourgeois! Je l'ai incarné pour l'assassiner plus à loisir et plus sûrement (Villiers de L'Isle-Adam, Correspondance,1867, p. 113).
−
[Souvent en parlant des relations entre hommes et femmes] Faire la moitié du chemin. Prendre, auprès de quelqu'un, l'initiative des premières et nécessaires démarches pour créer − ou recréer − des relations avec elle. Il [Byron] n'avance jamais que lorsque la femme a fait spontanément plus de la moitié du chemin (Du Bos, Journal,1928, p. 225).♦
[P. allus. à cette loc.] :
48. ... au lieu d'être sur la trace effacée de mon ancienne passion, je suis au contraire sur les traces de ma nouvelle, qui est déjà ma voisine un peu, et qui le deviendra davantage; car je consens à faire tout le chemin nécessaire, et, si elle veut faire le reste, nous ne serons pas longtemps à nous entendre.
Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 259.