A.− Séjour de Dieu ou des dieux et des êtres surnaturels. Le Seigneur, les puissances du ciel; monter aux cieux; notre père qui es aux cieux. Elle [l'Église] a rappelé (...) la volonté du Père qui est au ciel (Mauriac, Le Bâillon dénoué,1945, p. 438):19. Ce qui est certain, c'est qu'ils ont été créés bons et que, volontairement dépravés, ils sont tombés du ciel. Ils avaient été créés pour habiter le ciel empyrée; par leur faute ils ont mérité d'habiter l'enfer, mais, en raison de leur office, ils sont dans l'air ténébreux près de nous pour nous tenter.
Théol. cath.t. 4, 11920, p. 394.
20. Les philosophes n'ont jamais été des esprits purs et des naturels des cieux. Mais des corps et des têtes terrestres, sur une terre où leur naissance et leur croissance ne comportèrent pas de vocations irremplaçables, de caractères intelligibles, de progrès de l'esprit pur, qui n'existe pas.
Nizan, Les Chiens de garde,1932, p. 45.
SYNT. Anges, habitants du ciel; roi du ciel; maître, père des cieux.
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P. métaph. : 21. Mobilisé d'un côté par l'infinie docilité du réel qui cède sous son effort, stoppé d'autre part, comme les maçons de Babel, par le désespoir d'atteindre jamais le ciel de l'absolu, l'esprit tantôt nie aveuglément l'infini actuel au nom d'un finitisme sans conviction, tantôt parie dans la nuit pour un absolu dont l'intuition lui manque.
Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 41.
B.− P. méton. Dieu, la Providence ou tout principe de transcendance. Signe, volonté du ciel; prier le ciel : 22. ... Cherchant ce grand secret sans pouvoir le surprendre,
J'ai vu par-tout un Dieu sans jamais le comprendre!
(...)
J'ai vu par-tout le mal où le mieux pouvoit être,
Et je l'ai blasphémé, ne pouvant le connoître;
Mais ma voix, se brisant contre ce ciel d'airain,
N'a pas même eu l'honneur d'irriter le destin.
Mais, un jour que, plongé dans ma propre infortune,
J'avois lassé le ciel d'une plainte importune,
Une clarté d'en haut dans mon sein descendit,
Me tenta de bénir ce que j'avois maudit,
...
Lamartine, Méditations,L'Homme, 1820, p. 38.
23. Je voudrais me tuer pour le ciel. Le ciel petit à petit devient Dieu ou est-ce seulement toujours de l'air, du ciel? Le ciel m'entoure de son appel, le ciel me prend. Le ciel me tue. Le ciel! J'ai besoin du ciel. Le ciel sera l'éternité. Dieu est-il autre chose que le ciel. Suis-je autre chose que Dieu.
Jouve, Paulina 1880,p. 221.
SYNT. Avertissement, bienfait, don, faveur du ciel; assistance, bénédiction, bonté, clémence, justice, miséricorde, protection du ciel; malédiction, punition, vengeance du ciel; adorer, bénir, implorer, invoquer, maudire le ciel.
Rem. Dans certaines mythologies antiques, le ciel est considéré comme le père des dieux. Toutes les nations scythiques, (...) avaient pour principale divinité la terre, (...); ils la faisaient femme de Jupiter ou du ciel (Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes, 1796, p. 22).
− Spéc., dans l'ancienne Chine. Le fils du ciel. L'empereur (cf. Dupuis, Abr. de l'origine de tous les cultes, 1796, p. 43). Et p. ext. les fils du ciel. Le peuple chinois. Il simulait, à ce diplomate étonné, la danse classique des fils du ciel (L. Daudet, Bréviaire du journ.,1936, p. 53).
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Loc. et expr. ♦ Ciel, juste ciel ou justes cieux. Exclamations marquant la stupéfaction, la crainte, la joie, etc. Ciel! Un amas de chairs dans une corbeille de dentelles! (Boylesve, La Leçon d'amour dans un parc,1902, p. 238).
♦ Au nom du ciel. Formule de supplication. Je t'en supplie, au nom du ciel, observe-toi! (Feydeau, La Dame de chez Maxim's,1914, II, 5, p. 39).
♦ Grâce au ciel. Expression marquant la satisfaction. Grâce au ciel, je suis d'un rang, d'une fortune qui ne m'exposent point à la flatterie (Courier, Pamphlets pol., Procès de Paul-Louis Courier, 1821, p. 133).
♦ Par le ciel, le ciel m'est témoin que, j'en atteste le ciel. Formules d'insistance.
♦ Plût au ciel que. Formule de souhait.
♦ (Que) le ciel confonde, punisse, etc. Formules de malédiction.
♦ Proverbe. Aide-toi, le ciel t'aidera.
C.− Lieu où les élus jouissent de la béatitude éternelle après la mort. Le royaume des cieux; aller au ciel; gagner, mériter le ciel : 24. Ils priaient pour tous les leurs, pour la longue rangée de grands-parents qui dormaient à l'ombre des châteaux, dans le petit cimetière du village, et dont les âmes étaient à cet instant, à midi, le 12 juillet, réparties en purgatoire, dans l'attente douloureuse, ou au ciel, dans la béatitude, selon les décrets de la justice et de la miséricorde divines.
De Vogüé, Les Morts qui parlent,1899, p. 433.
25. ... à partir du moment où ils ont leur billet pour le ciel, c'est fini, c'en est fini de la charité, comme de toutes les autres vertus. Ils sont les élus, les heureux. Et ils jouissent de leur bonheur. Et ils vont en jouir pendant le reste de l'éternité, tranquillement, égoïstement.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 15.
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P. ext. Le bonheur parfait. Voir les cieux ouverts. Goûter une joie extrême : 26. Sa vie fut le ciel et l'enfer : l'enfer quand elle ne voyait pas Julien, le ciel quand elle était à ses pieds.
Stendhal, Le Rouge et le Noir,1830, p. 116.
27. ... il avait pu, sentant et partageant son désespoir, s'éprendre d'un amour désespéré comme elle et qui leur ouvrait le ciel à tous deux.
Gide, Les Nouvelles Nourritures,1935, p. 268.
Rem. gramm. Au plur., ciel fait ciels ou cieux suivant les emplois. ,,(...) quand on compte les ciels, c'est-à-dire quand on passe au pluriel dans la rigueur de la définition, on le forme régulièrement en ajoutant un s au singulier`` (Jullien ds Littré). Ainsi on dit ciels de lit, ciels de carrière. Ciels est également utilisé pour désigner les parties du ciel considérées sous leur aspect pittoresque. Le gris des ciels couverts (Loti, Pêcheur d'Islande, 1886, p. 145). De même comme terme techn. de peint. (cf. ex. 16). Au contraire cieux est un simple coll. à valeur emphatique que l'on rencontre en partic. dans les emplois I A 1 et I B 1, l'immensité des cieux, la voûte des cieux et dans le vocab. relig. (cf. II). Il y a concurrence des 2 formes lorsque le mot désigne les différentes sphères concentriques de l'astron. anc. Ainsi cieux dans l'ex. 6, mais les septs ciels de la physique chrétienne (Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 904). De même les 2 formes coexistent lorsque le mot est pris dans le sens de région, pays : cf. d'une part la loc. sous d'autres cieux, d'autre part sous les ciels attiques (Moréas, Les Syrtes, Remembrances, 1884, p. 9). Ciels aussi dans le lang. de l'aviat. Sur toutes les mers et dans tous les ciels (De Gaulle, Mémoires de guerre, 1959, p. 500).