1. Emploi abs. Avoir la fonction de révéler, rendre manifeste : 2. Voilà le rôle de la poésie. Elle dévoile, dans toute la force du terme. Elle montre nues, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistrent machinalement.
Cocteau, Poésie critique 1,1959, p. 49.
2. [L'obj. désigne un inanimé abstr. intérieur au suj.] a) Manifester, révéler une chose que l'on tenait jusque-là cachée; en faire ouvertement état. Dévoiler son cœur, ses pensées. Je te dévoile, et sous condition d'un secret absolu, mon plan ou, mieux encore, ma méthode (Duhamel, Maîtres,1937, p. 31).♦ Dévoiler ses batteries. Révéler des intentions, un plan que l'on tenait jusque-là secrets. L'autre dévoilait ses batteries. Il ne demandait pas s'il aurait tort ou raison de se débarrasser de la mère, il voulait savoir si, après avoir tué la mère, il obtiendrait l'absolution (Queffélec, Recteur,1944, p. 185).
b) Avouer, reconnaître ouvertement une chose que l'on tenait à dessein cachée, dissimulée. Vous nous avez menti en ne nous dévoilant pas que vous étiez entré dans cette chambre vers six heures (G. Leroux, Parfum,1908, p. 156).
3. [L'obj. désigne un inanimé extérieur au suj.] a) Mettre à jour, rendre publique une chose qui, du fait de sa nature, était destinée à demeurer cachée, ignorée. Dévoiler un complot, un crime, des turpitudes; dévoiler au grand jour. Cette tractation fut aussitôt dévoilée par les Russes et les Anglais (Bainville, Hist. Fr.,t. 2, 1924, p. 121).
b) Porter à la connaissance de quelqu'un une chose qu'il ignorait, la rendre accessible à son intelligence ou à son cœur. Un système complet de doctrine et de vie qui prétend dévoiler à l'homme le sens de son existence (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 44).La nature dévoile que son désordre n'est qu'apparence (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 400).− Emploi pronom. à sens passif. Apparaître, se manifester d'une manière sensible. L'ineptie de cette fille, se dévoilant tout à coup dans un langage populacier (Flaub., Éduc. sent.,t. 2, 1869, p. 138).Les sages disent que la beauté se dévoile aux yeux autant qu'à la raison (Camus, Chev. Olmedo,1957, 1rejournée, 17, p. 750).
c) Mettre à jour, révéler dans une chose ce qui en constitue le secret; élucider ce secret. Dévoiler un mécanisme, des mystères, un secret. Mon incognito risque d'être dévoilé (Verne, M. Strogoff,1876, p. 109).Les moments (...) où la nature, dans le rêve ou la poésie, semble tout près de dévoiler son mystère (Béguin, Âme romant.,1939, p. 316).♦ Dévoiler l'avenir. Révéler, par prescience ou divination, les choses secrètes que recèle le futur. Vous que le destin a choisi pour dévoiler l'avenir aux mortels (Chateaubr., Martyrs,t. 3, 1810, p. 54).Cf. aventure, ex. 1.
4. [L'obj. désigne une pers.] a) Révéler, mettre à jour la nature profonde de quelqu'un. J'essayais parfois de dévoiler M. Crottu à ma mère. Hélas! il n'y avait pas de personne au monde moins préparée à recevoir une semblable révélation (France, Vie fleur,1922, p. 318).Les œuvres (...) de Goya nous dévoilent un peintre entraîné comme physiquement dans les spectacles qu'il invente (Lhote, Peint.,1942, p. 101).
b) Révéler, mettre à jour l'identité de quelqu'un. Synon. dénoncer.Je reconnaîtrai le service que vous me rendez en dévoilant cette malheureuse (Sue, Myst. Paris, t. 3, 1842-43, p. 214).−
Emploi pronom. réfl. Révéler qui on est ou ce qu'on est. Le Seigneur à chacun en esprit se dévoile (Hugo, Cromwell,1827, p. 160).Je me réservais de me dévoiler au moment que je jugerais opportun (Arnoux, Rêv. policier amat.,1945, p. 175).Rem. On rencontre ds la docum. dévoilé, ée, adj. a) [Correspond à dévoiler A] Exposé sans protection. Synon. découvert. Les cavaleries de Rosny et du comte d'Auvergne, dévoilées sur tout leur flanc droit (D'Esparbès, Roi, 1901, p. 263). b) [Correspond à dévoiler B] Dont la nature profonde est mise à nu, révélée. Staël! Chateaubriand! les voilà devant nous, l'une aussi présente, l'autre aussi dévoilé qu'ils peuvent l'être (Sainte-Beuve, Portr. contemp., t. 1, 1846-69, p. 11).