B.− [Avec un adv. ou une tournure adv.] Exprimer par le langage écrit ou oral; rendre sa pensée de telle ou telle manière. Il ne croit pas si bien dire. Ne te fâche pas si je dis mal les choses (Audiberti, Femmes Bœuf,1948, p. 120):20. andromaque. − Avoue que certains jours tu l'aimes [la guerre].
Hector. − Si l'on aime ce qui vous délivre de l'espoir, du bonheur, des êtres les plus chers...
andromaque. − Tu ne crois pas si bien dire... On l'aime.
Giraudoux, La Guerre de Troie n'aura pas lieu,1935, I, 3, p. 22.
− Dire d'une manière + adj. Ce sourire et ce mouvement en disaient autant qu'un bien long discours; ils disaient d'une manière concise et frappante à peu près ceci : (...) (Loti, Mariage,1882, p. 176).
− Dire en aparté, cachette, confidence. Tu n'as pas encore l'habitude, et tu conduis mal tes affaires : je te le dis en confidence (Nerval, Sec. Faust,1840, 2epart., p. 152).
− Dire + adv. (adv. d'au moins 10 occurr. ds la docum.).Dire affectueusement (cf. Mirbeau, Journal femme, 1900, p. 283), dire aigrement (cf. Bernanos, Journal curé camp., 1936, p. 1243), dire aimablement (cf. Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 178), dire amèrement (cf. Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 11), dire amicalement (cf. Fromentin, Été Sahara, 1857, p. 215), dire (tout) bêtement (cf. Musset, Lettres Dupuis Cotonet, 1836, p. 665), dire (tout) bonnement (cf. Dupuis, Orig. cultes, 1796, p. 335), dire (plus, assez) brièvement (cf. Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 44), dire brusquement (cf. Maupass., Contes et nouv., t. 2, Moiron, 1887, p. 1147), dire brutalement (cf. Murger, Scènes vie jeun., 1851, p. 136), dire calmement (cf. Camus, Peste, 1947, p. 421), dire carrément (cf. Goncourt, Journal, 1852, p. 84), dire clairement (cf. Marmontel, Essai sur rom., 1799, p. 328), dire confidentiellement (cf. Hugo, Corresp., 1822, p. 352), dire couramment (cf. Bergson, Deux sources, 1932, p. 80), dire crûment (cf. Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 197), dire distraitement (cf. Goncourt, Journal, 1890, p. 1098), dire doucement (cf. Michelet, Journal, 1820, p. 103), dire (assez) durement (cf. Id., ibid., 1842, p. 377), dire fièrement (cf. Sartre, Nausée, 1938, p. 176), dire formellement (cf. J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p. 186), dire fortement (cf. Bloy, Journal, 1892, p. 53), dire franchement (cf. Borel, Rhaps., 1831, p. 13), dire froidement (cf. Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1698), dire gaiement (cf. Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 429), dire gentiment (cf. Hugo, N. D. Paris, 1832, p. 542), dire gravement (cf. Gide, Faux-monn., 1925, p. 1037), dire hardiment (cf. Staël, Allemagne, t. 4, 1810, p. 37), dire hautement (cf. Maine de Biran, Journal, 1820, p. 274), dire incidemment (cf. Abellio, Pacifiques, 1946, p. 245), dire ironiquement (cf. Flaub., Corresp., 1846, p. 218), dire justement (cf. Goncourt, Journal, 1890, p. 1168), dire laconiquement (cf. Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 385), dire lentement (cf. Flaub., 1reÉduc. sent., 1845, p. 36), dire mollement (cf. Goncourt, Journal, 1893, p. 364), dire naïvement (cf. Van der Meersch, Invas., 14, 1935, p. 330), dire négligemment (cf. Staël, Lettres L. de Narbonne, 1792, p. 36), dire nettement (cf. Zola, Assommoir, 1877, p. 455), dire obligeamment (cf. Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 19), dire ouvertement (cf. Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1604), dire paisiblement (cf. Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 300), dire plaisamment (cf. Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1809), dire poliment (cf. Vigny, Serv. et grand. milit., 1835, p. 40), dire posément (cf. Gobineau, Nouv. asiat., 1876, p. 263), dire précisément (cf. Staël, Lettres div., 1794, p. 609), dire rageusement (cf. Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 269), dire railleusement (cf. Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 186), dire rapidement (cf. Latouche, L'héritier, Lettres amans, 1821, p. 105), dire résolument (cf. Stendhal, Lamiel, 1842, p. 175), dire respectueusement (cf. Goncourt, Journal, 1863, p. 1216), dire sèchement (cf. Id., MmeGervaisais, 1869, p. 152), dire sérieusement (cf. Flaub., Corresp., 1853, p. 256), dire sévèrement (cf. Mirbeau, Journal femme, 1900, p. 93), dire (tout) simplement (cf. Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 366), dire sincèrement (cf. Champfl., Souffr. profess. Delteil, 1855, p. 181), dire sourdement (cf. Péguy, V.-M., comte Hugo, 1910, p. 764), dire spirituellement (cf. Jouy, Hermite, t. 2, 1812, p. 292), dire timidement (cf. Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 549), dire tranquillement (cf. Chénier, Épîtres, 1794, p. 194), dire tristement (cf. Mille, Barnavaux, 1908, p. 163), dire vulgairement (cf. Flaub., Corresp., 1853, p. 401).
C.− [Dire, outil de discours] 1. [Dire introduit le style dir. pour citer des paroles, un juron, une interj., etc.] Tu es bête, tu peux bien me dire « tu », dit Alban, à celui qui dans dix minutes n'aurait plus à dire ni « tu » ni « vous » (Montherl., Songe,1922, p. 154):21. La première fois que le père se formalisa de ce dédaigneux rayonnement qui l'atteignit comme un éclair, il dit cette phrase que je me suis rappelée : − Si vous me regardez encore ainsi, Lambert, vous allez recevoir une férule!
Balzac, Louis Lambert,1832, p. 59.
22. − Justin, tu m'agaces. Lyon-Després a dit au censeur, en te désignant du menton, il a dit exactement :
« Extraordinaire, le petit Juif! Il est extraordinaire! »
Duhamel, Chronique des Pasquier,Le Jardin des bêtes sauvages, 1934, p. 11.
♦ Dire merde. Bon! − je me dis − en nous couchant, tu vas me faire des lamentations sur ton vase, mais je te dirai merde! (Goncourt, Journal,1860, p. 683).Ah! Cambronne n'a pas dit merde aux Anglais. Eh bien, je dis merde à Lucas! (Hugo, Corresp.,1862p. 395).
♦ Dire ouf. L'enfant n'eut pas le temps de dire ouf (Frapié, Maternelle,1904, p. 23).Chevalme s'approcha de son copain et lui assena une énorme baffe. Sans dire ouf, le copain s'effondra (Triolet, Prem. accroc.1945, p. 392).
2. [En incise, dire annonce que les propos sont rapportés ou fait réf. à des propos connus, entendus] Dit-il, dis-je, dit-on, ou fam. qu'il dit. a) [À l'intérieur de la prop.] Hélas! dit-elle, s'il eût été ici dix ans plus tôt, j'aurois épousé mon doux Tobie (Genlis, Chev. Cygne,t. 1, 1795, p. 96):23. Si elle n'a pas de peine à croire ce qu'on lui commande dans cet ordre des choses divines, c'est (elle le dit expressément) parce que Dieu lui a fait la grâce de lui donner la foi...
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 95.
b) [En fin de prop.] Faites, faites, Monsieur Grandet, charbonnier est maître chez lui, dit sentencieusement le président (Balzac, E. Grandet,1834, p. 40).« Ils ne reconnaissent pour gens de valeur que leurs amis », disait-on (Gide, Journal,1940, p. 47).
c) [L'incise est introd. par comme] Monnaie de singe, comme on dit énergiquement (Alain, Propos,1931, p. 998).Le ciel est pavé de bonnes intentions, non l'enfer, comme on le dit assez sottement (Green, Journal,1950, p. 355):24. ... il est certain que c'en est fait de la noblesse, si, au lieu de chercher à se créer des alliances, elle continue, comme vous l'avez dit excellemment, de s'isoler dans ses terres, et de s'enfermer dans son orgueil.
Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 249.
25. ... Paris est devenu, comme on dit en argot de chemin de fer, tête de ligne de toutes les fortunes faites en pro-vince.
Goncourt, Journal,1861, p. 940.
26. Mon père, fils de petites gens, mi-paysans, mi-jardiniers, s'était détourné de la terre pour « s'élever par le savoir », comme il disait volontiers.
Duhamel, Chronique des Pasquier,Vue de la Terre promise, 1934, p. 116.
Rem. 1. Dit-on est except. empl. subst. avec un sens proche du qu'en dira-t-on. Pas la faute de ces grands seigneurs, qui, tellement aimés, faisaient bien mentir le dit-on (La Varende, Manants du Roi, 1938, p. 3). 2. La docum. permet d'observer les fréq. suiv. des différentes formes d'incise avec pronom : dit-il représente 45% des formes d'incise aux temps simples, dis-je près de 30%, dit-elle environ 18%; dis-tu, disions-nous, disent-ils, à peine 1,5% chacun, puis avec un nombre plus faible d'occurr. disent-elles et dit-on.
3. [Dire ponctue la fin d'une déclaration] J'ai dit! Puisse notre union durer autant que la terre et le soleil! j'ai dit (Chateaub., Natchez,1826, p. 196); cf. aussi p. 424).
4. [Dire, en syntaxe expressive, permet dans des loc. figées] a) [l'enchaînement du raisonnement] Ceci dit, cela dit (cf. ceci, cela).
b) [la notation de figures de pensées, nuançant la portée d'un énoncé, d'une opinion] ♦ [Effet d'hyperb. ou de quantification] Que dis-je? Il ne semble pas exagéré de dire que, dès le séminaire, Renan est tout formé et en possession des données essentielles qu'il développera plus tard (Massis, Jugements,1923, p. 37).
♦
[Effet d'atténuation] J'allais dire, je ne saurais dire, que dire de plus, si j'ose dire. Voici, Messieurs les jurés, le simple récit de ce meurtre. Que dire de plus pour sa défense? (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Assass., 1887, p. 594).Le plus prudent des hommes dira tout au plus là-dessus qu'il faut qu'il en soit ainsi (Alain, Propos,1931, p. 1005).Tous les Descartes de ce monde sont toujours à constater si cela est, ou disons plus modestement, si ces apparitions sont bien telles que l'imagination les décrit (Alain, Propos,1932, p. 1104).Je dirais volontiers qu'un orage menace, si nous n'étions si tôt dans la saison (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, p. 1574):27. ... un ordre de mouvement dramatique, un rythme de pas pressés ou ralentis (j'allais dire de ballet) qui commence, et ne s'arrêtera qu'à la fin sur une mesure originale...
Thibaudet, Réflexions sur la litt.,1936, p. 79.
♦ [Effet de prétérition, d'allus.] Soit dit entre nous, soit dit en passant. Soit dit en passant, c'est une justice à rendre aux Allemands que leurs camps étaient très visibles, très reconnaissables, et généralement situés assez loin des agglomérations pour que tout danger de bombardement en fût écarté (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 343).
♦ [Effet de substitution] Autrement dit (cf. autrement).
♦ [Effet de congruence] Proprement dit. L'image proprement dite d'une suppression de tout n'est donc jamais formée par la pensée (Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 279).Même si elle n'acquiert pas chez autrui un pouvoir de gestion proprement dit, elle agit par conseil, recommandation, information (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 209).
♦
[Effet d'insistance] .
Je le dis et je le répète. Hier j'ai relu les Consolations pour me consoler de ce que j'entrevois. Elles sont ravissantes, je le dis et je le répète; c'est ce que je préfère dans la poésie française intime (Lamart., Corresp.,1830, p. 36):28. ... comme je l'ai dit ici et redit, à peine la « volonté » s'en mêle, ce « vouloir-être-sincère-avec-soi » est un principe inévitable de falsification.
Valéry, Variété II,1929, p. 107.
c) [Suivi de donc, dire permet toutes formes d'expression de sentiment (emportement, agacement...) manifestées à propos du dire d'un interlocuteur] Dis donc! (cf. donc).
5. Loc. ou expr. formées avec l'inf. dire a) Avec à ♦ C'est-à-dire*.
♦ Il y aurait beaucoup à dire. Il y aurait beaucoup à dire (...) sur cette justice des nations polies, dont les vengeances sont plus cruelles que le crime même (France, Contes Tournebroche,1908, p. 155).Il y aurait beaucoup à dire sur ce point (Bergson, Deux sources,1932, p. 260).
♦
Est-ce à dire? Qu'est-ce à dire? Qu'est-ce à dire, sinon qu'on ne peut concevoir de tendances données par la nature, mais qu'elles surgissent du mouvement même de la liberté (...)? (J. Vuillemin, Être et trav.,1949, p. 18):29. Est-ce à dire, qu'une fois la victoire remportée et la justice rendue, la France de demain voudra se figer dans une attitude de rancœur à l'égard d'un peuple longtemps dévoyé mais que rien de fondamental ne devrait séparer de nous?
De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 536.
Rem. Emploi subst. exceptionnel de la loc. Il jeta un − « Qu'est-ce à dire? » qui révélait plus le maître brutal que l'homme amoureux (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Inutile beauté, 1890, p. 1147).
♦
À vrai dire. Ils ne deviennent des caractères typiques que par l'habitude acquise de n'en développer qu'un seul, à laquelle nous cédons à vrai dire généralement (Mounier, Traité caractère,1946, p. 332):30. ... c'est qu'il s'agit d'un livre dont Jésus-Christ a dit que pas un « iota » ne passerait jamais et qui est à vrai dire le seul livre qui mérite ce nom.
Green, Journal,1947, p. 83.
♦ À dire vrai. Quant à restreindre mes aises, mes plaisirs, j'y suis prêt. À dire vrai, mon corps vieillissant n'en a cure (Gide, Journal,1940, p. 53).L'étonnant chez Jacques Blanche, c'était que son insatiable curiosité vous donnait l'illusion de lui apporter plus encore qu'on n'avait reçu de lui. À dire vrai, sur toute question son esprit retenait peu du solide qu'il attendait de vous (Mauriac, Journal occup.,1940-44, p. 345).
b) Avec sans. Cela/il va sans dire. Que la correspondance en souffrît, il va sans dire; et ses amies, peu au courant de cette gêne, s'étonnaient qu'elle restât parfois si longtemps sans répondre à leurs affectueux messages (Gide, Et nunc manet,1951, p. 1140).
c) Avec ainsi. Pour ainsi dire (cf. ainsi).
d) Avec mieux. Pour mieux dire. Sur l'avis ou, pour mieux dire, par l'ordre du général, le Père Magitot retourna chez monsieur Chauvel (France, Dieux ont soif,1912, p. 184).
e) Avec que. [Avec une valeur concessive] (Et) dire que : 31. Dire qu'il était si joyeux, le jour où il avait quitté le service, après la guerre d'Italie, à l'idée de n'être plus un traîneur de sabre, un tueur de monde!
Zola, La Terre,1887, p. 500.