A.− Partie antérieure de la tête de l'homme. Muscles de la face. Synon. figure, visage, frimousse (fam.), minois.Jeanne, violemment, tournait la tête, s'enfonçait la face dans l'oreiller (Zola, Page amour,1878, p. 941):1. Becque, le cheveu en brosse, de gros yeux saillants, une physionomie vivante, animée, raillarde, une tête de chanteur de café-concert, une face de loustic aviné, un masque de pitre sur les tréteaux d'une baraque.
Goncourt, Journal,1887, p. 644.
SYNT. Face maigre, large, ronde, bouffie; face terreuse, blême, livide, jaune, rouge, congestionnée; face de cire, de pleine lune, de saindoux; face léonine, porcine, de chouette, de dogue, de guenon; face de gouape, d'ivrogne; face épanouie, souriante, réjouie, rayonnante; face muette, bouleversée; face intelligente, stupide; face implorante; face de carême*, d'épouvante.
♦ Vieilli. ,,Fam. Avoir une face de réprouvé. Avoir quelque chose d'effrayant, de sinistre dans la physionomie. Avoir une face de prédestiné. Avoir un visage plein, vermeil et serein`` (Ac. 1835, 1878).
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Loc., expr. gén. au fig. ♦ Personne à double face. Personne fausse, hypocrite. Ciel! devenir pour elle un objet de dégoût et d'horreur! un crispin, un fourbe à double face! (Hugo, Ruy Blas,1838, III, 5, p. 408).Un de ces recéleurs à double face, qui servent à la fois les voleurs et la police (Balzac, Splend. et mis.,1847, p. 559).
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Se cacher, se voiler la face (en signe d'opposition, de désapprobation). Et du haut des cieux la Muse se voile la face pour n'être pas témoin de l'injure faite à son nourrisson (France, Servien,1882, p. 92):2. Elle regarda son mari, elle regarda Maxime, de ses yeux épouvantés, et, les voyant la chair tranquille, l'attitude satisfaite, elle se cacha la face dans les mains, elle s'enfuit, se réfugia au fond de la serre.
Zola, Curée,1872, p. 578.
♦ Cracher* à la face de qqn.
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Perdre/sauver la face. Perdre/sauver son honneur, sa dignité. Les cabaretiers en perdirent la face [après les anathèmes du Curé d'Ars] et n'osèrent plus se montrer (La Varende, Curé d'Ars,1957, p. 90):3. Je ne réponds pas que tout l'état-major puisse tirer son épingle du jeu, mais c'est déjà bien beau si une partie tout au moins peut sauver la face sans mettre le feu aux poudres.
Proust, Guermantes 1,1920, p. 246.
Rem. Le mot a parfois le sens d'origine chinoise de « honneur, dignité » sans qu'il soit employé dans la loc. perdre/sauver la face. Il trouva enfin ses deux compagnons à plus d'un kilomètre. « Beaucoup de face » avec leurs chapeaux fendus, leurs vêtements d'employés, choisis pour justifier leurs serviettes dont l'une contenant une bombe, et la seconde des grenades (Malraux, Cond. hum., 1933, p. 303). Il paraît impossible que Tang Kiao puisse se gonfler, tellement déjà il est épais d'os, de lard et de décorations; mais régulièrement quand il veut se donner encore plus de face, il rugit soudain avec une mine renfrognée, la façon chinoise de se montrer satisfait (L. Bodard, Le Fils du Consul, Paris, Grasset et Fasquelle, 1975, p. 60).
♦ (Se jeter, se prosterner, tomber) (la) face contre terre (en signe d'humilité, d'obéissance). Nous prosternant la face contre terre, nous faisons révérence à Votre Majesté (Claudel, Repos 7ejour,1901, I, p. 798).J' (...) ai vu des religieux recevoir humblement, face contre terre, et sans broncher, la réprimande injuste d'un supérieur appliqué à briser leur orgueil (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1034).
− Expr. fam. ou pop. [Injure marquant le mépris, le dégoût, etc.] Face d'œuf, de crabe, de rat! Et toi, face d'haricot (...) bec de singe, peau d'fesse! (Barbusse, Feu,1915, p. 14).Face d'oie, soupira doucement La Poule (Giono, Gd troupeau,1931, p. 196).
− Face de carême*.
D.− P. méton. 1. Vx. Synon. de tempe.Il a les faces dégarnies (Ac.1835, 1878).Ses cheveux [d'un Incroyable], pendant en tire-bouchons de chaque côté des faces, lui couvraient presque tout le front (Balzac, Chouans,1829, p. 78).
2. B.-A., vieilli. [En peint., en sculpt.] Hauteur de la face d'un personnage, servant d'unité de mesure pour le reste du corps (cf. tête). L'ensemble de la figure a dix faces (Ac.).Il y a, du bas du genou au cou-de-pied, deux faces (Ac.).
3. (Côté) face. Côté d'une pièce de monnaie, d'une médaille où est représentée la face d'un personnage; p. ext. avers. Jouer à pile ou face. La fameuse médaille (...) brillait, prisonnière, entre deux lentilles de cristal, visible du revers et de la face comme une hostie dans l'ostensoir (Arène, J. Figues,1870, p. 128).Les vivants et les morts sont près et loin les uns des autres comme le côté pile et le côté face d'un sou (Cocteau, Poèmes,1916-23, p. 120).− P. plaisant., fam. Partie antérieure du corps humain. Il leur manque bien quelques kilos [à des anatomies], insuffisance dont le côté face s'attriste moins que le côté pile (Colette, Jumelle,1938, p. 209).Catherine se prodigua bientôt, pile et face, dans un de ces illustrés dont la loi n'autorise plus l'étalage (H. Bazin, Lève-toi,1952, p. 209).
4. Littér. [Le compl. du nom désigne une divinité ou une entité abstr.] Présence spirituelle. Devant la face du Seigneur (Ac.). Cet antre, où Baal montre sa face à nu (Hugo, Cromw.,1827, p. 127).Lorsque m'apparaîtra la face de la mort (...) J'irai d'un pas serein vers le funèbre bord (Muselli, Travaux et jeux,1914, p. 29):6. Dès lors qu'on regarde Jésus, on est sauvé, et qu'est-ce que Te regarder, sinon vivre en Toi? Dire du mal du prochain, convoiter la chair, etc., c'est détourner les yeux de Ta face.
Green, Journal,1956, p. 196.
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Loc. verb. [En parlant de Dieu] Détourner la face (de qqc. ou de qqn). L'abandonner. Il y a des moments où il me semble (...) que Dieu a détourné sa face de l'homme et l'a livré au malheur, sans secours, sans appui (J.-J. Ampère, Corresp.,1820, p. 159):7. Lorsque du Créateur la parole féconde,
Dans une heure fatale, eut enfanté le monde
Des germes du chaos,
De son œuvre imparfaite il détourna sa face,
Et d'un pied dédaigneux le lançant dans l'espace,
Rentra dans son repos.
Lamart., Médit.,1820, p. 91.