1. [Le compl. désigne le matériau employé] Travailler (un métal) à la forge, à l'aide du marteau (et du feu). Le peuple des travailleurs ne peut acheter (...) les métaux qu'il forge (Proudhon, Propriété,1840, p. 272).Les ateliers de Nuremberg qui forgeaient le fer, martelaient le cuivre, polissaient le verre (Faure, Espr. formes,1927, p. 150).Mais, par derrière, c'est (...) New-Jersey qui lui forge l'acier de ses maisons (Morand, New-York,1930, p. 260).−
Emploi abs. Là, pendant près de dix ans, il lima et forgea de toute la force de ses mains rudes (Zola, M. Férat,1868, p. 25).Un forgeron qui forge pour le village (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 364).♦ Proverbe, au fig. C'est en forgeant qu'on devient forgeron. L'habileté vient avec l'expérience. À force de forger on devient forgeron (Bremond, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 73).C'est en forgeant qu'on devient forgeron, et c'est en optant que la volonté s'avère « automotive » (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 217).
− P. anal. [Le compl. désigne un matériau autre que le métal] Mais moi je dis qu'il ne calculait point mais qu'il forgeait la pierre (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 561).
2. [Le compl. désigne l'objet produit] Façonner (un objet) grâce au travail de la forge. Forger une arme, un outil. C'est à moi que tu t'adresses pour forger ton épée (Flaub., Tentation,1849, p. 351).Pascal avait dû lui-même travailler pour eux, forger des fers pour leurs chevaux dans la forge paternelle (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 17).Jusqu'à une époque récente, les Azandé forgeaient des cimeterres en fer (Lowie, Anthropol. cult.,1936, p. 234):1. ... mon marteau remontait plus vite qu'il ne tombait sur l'enclume, le fer s'allongeait comme de la pâte. Je forgeai ma bêche d'abord à chaud, et puis à froid; je lui donnai une jolie forme carrée, un peu longue, légère, la ligne bien au milieu, le tranchant en queue d'aronde, le col tellement arrondi et bien soudé, que Valentin s'arrêtait de temps en temps pour admirer mon travail...
Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 1, 1870, p. 163.
2. Et puis ils fichent en terre l'enclume, empoignent faux et marteau, et, à petits coups pressés, attentivement, ils forgent leur outil, ils redressent, durcissent et aiguisent à nouveau son fil.
Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 78.
− Emploi pronom. indir. Un grand nombre d'entre eux [les noirs du Morne-Rouge] avaient des arcs, des flèches et des sagaies, qu'ils s'étaient forgés (Hugo, Bug-Jargal,1826, p. 174).Il se forgea les armes qui lui permirent à la fois de vaincre ses ennemis et d'abattre le gibier (Metta, Pierres préc.,1960, p. 5).
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P. métaph. Il [Maxence] était assez fort pour se laisser forger sur cette terrible enclume (Psichari, Voy. Centur.,1914, p. 29).Je forgeais pour mon âme une armure serrée avant qu'elle ne partît en guerre au milieu de l'humanité (Du Bos, Journal,1922, p. 84).♦ Emploi pronom. à valeur passive. Monsieur de Talleyrand, le seul homme qui eût une de ces têtes métalliques où se forgent à neuf les systèmes politiques (Balzac, Langeais,1834, p. 225).
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P. métaph. et au fig., loc. Forger des chaînes (à qqn). Rendre esclave; créer des obligations. Mon corps est ma prison et ma pensée même me forge des chaînes (J. Bousquet, Trad. du silence,1935-36, p. 80).Emploi pronom. indir. S'il polit ses mœurs, il se forge des chaînes (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 118).♦ Forger un instrument. Préparer les moyens (d'une action). Emploi pronom. indir. La pensée ne dispose pas de l'instrument d'analyse qu'elle se forgera plus tard (Mounier, Traité caract.,1946, p. 615).
− [P. allus. à la myth. gréco-lat.] Gamelin imaginait des Titans forgeant, avec les débris ardents des vieux mondes, Dicé, la cité d'airain (France, Dieux ont soif,1912, p. 43).
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Au part. passé. Cette machine avait été forgée en France à l'usine de fer de Bercy (Hugo, Travaill. mer,1866, p. 103).Toutes ces ferrures sont remarquablement forgées et ornées (Fillon, Serrurier,1942, p. 23).♦ [Avec un compl. de manière] Un loquet de porte forgé au marteau (Alain, Beaux-arts,1920, p. 338).Il ôte ses souliers à pointes de fer, belles, forgées à la main, et me les tend (Montherl., Bestiaires,1926, p. 265).