1. [Le compl. d'obj. désigne une entreprise qui aurait pu réussir] Compromettre ou empêcher par malice ou par maladresse la bonne marche ou la réussite de quelque chose. « En effet, le roi essaya de mettre son mot dans la conversation, gâta toute l'affaire, et je fus délivré », dit l'empereur (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 794).♦ Gâter les affaires de qqn. Quand maman a vu que je gâtais son affaire, elle m'a flanquée à l'eau (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Champ d'oliv., 1890, p. 91).
♦ Gâter tout. Compromettre toutes les possibilités de succès. L'avarice ne peut se montrer nulle part sans tout gâter (Say, Écon. pol.,1832, p. 455).
♦ Ne rien gâter à qqc. Ne pas rendre inefficace quelque chose; éventuellement l'améliorer. La volupté ne gâtait rien à mon imagination (Stendhal, H. Brulard, t. 2, 1836, p. 394).
− Cela ne gâte rien, ce qui ne gâte rien. C'est un avantage, une qualité supplémentaire. Bref, vous êtes le neveu de Vertillac, vous serez riche, cela ne gâte rien! (Barrière, Capendu, Faux bonsh.,1856, I, 10, p. 37).Séverine était une bonne petite fille, très douce, très docile même, et délicieuse avec ça, ce qui ne gâte rien (Zola, Bête hum.,1890, p. 83).L'enquête doit, pour être intéressante, répondre au souci du moment. Mais une pointe d'humour ne gâte rien (G. et H. Coston, A.B.C. journ.,1952, p. 115).
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Emploi pronom. passif. Les affaires, les choses se gâtent. Les choses tournent mal : 6. Ainsi, il commence à gagner sa vie; et ce n'est pas trop tôt : car les affaires se gâtent de plus en plus à la maison. L'intempérance de Melchior a empiré. Et le grand-père vieillit.
Rolland, J.-Chr., Matin, 1904, p. 113.
♦ Cela se gâte, cela commence à se gâter. ,,Les choses prennent, commencent à prendre une fâcheuse tournure`` (Ac.).
2. [Le compl. d'obj. désigne une chose aux effets normalement agréables] Diminuer ou anéantir une chose en la privant de son effet agréable. Synon. gâcher.Gâter un triomphe, un succès, un bon souvenir, des illusions, des vacances, son bonheur, sa joie. Je suis pour l'instant archipopulaire à Guernesey. Je leur dis dans mon livre quelques demi-vérités qui pourraient bien gâter un peu cette popularité (Hugo, Corresp.,1866, p. 514) :7. ... bien qu'il fût plus instruit, plus intelligent et meilleur que bien d'autres, il semblait impossible d'éprouver auprès de lui, non seulement aucun plaisir, mais autre chose qu'un spleen presque intolérable et qui vous gâtait votre après-midi.
Proust, Sodome,1922, p. 1022.
4. P. méton. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Faire perdre à quelqu'un ses qualités, le corrompre ou le dépraver. Il y a cinq ou six autres vieilles femmes que je veux également renvoyer de Paris; elles gâtent les jeunes par leurs sottises (Napoléon Ier, Lettres Joséph.,1809, p. 195).−
Emploi pronom. passif. C'est au contact de notre civilisation qu'ils se sont gâtés [les Noirs] (Gide, Retour Tchad,1928, p. 1007).Homme, femme, enfant, on se gâte toujours à ne vivre qu'avec des femmes (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1374) :9. ... au lieu de veiller sur sa moralité, sur sa santé, son instruction, vous l'avez laissé se gâter, se perdre; vous avez favorisé ses débauches...
Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 190.
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Qqc. gâte qqn à qqn.Nuire à l'idée que quelqu'un se fait de quelqu'un d'autre; salir quelqu'un aux yeux d'une autre personne. Elle avait été la bonne amie de Maxime du Camp et ça me la gâtait (Montesquiou, Mém., t. 1, 1921, p. 266).Parmi les premiers, et malgré quelques bizarreries qui me le gâtent un peu, je mets Jouhandeau (Green, Journal,1941, p. 141) :10. Je ne connais pas cet abbé qui était là, mais il est redondant et rubicond, il pète dans sa graisse et crève de joie. Malgré l'exemple de Saint François d'Assise qui était gai, − ce qui me le gâte, du reste, − j'ai peine à m'imaginer que cet ecclésiastique soit un être surélevé.
Huysmans, Là-bas, t. 2, 1891, p. 118.