1. Agrément particulier, charme attaché à la personne, à son air, à ses manières. Sa taille souple et déliée donnait à ses mouvements une grâce que son rigorisme ne pouvait atténuer (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 217).Grande, mince, élancée, un peu frêle, elle avait la grâce ondoyante et flexible d'une tige en fleur balancée par le vent (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 93).Cette femme (...) jouait de l'éventail avec la grâce nonchalante de l'Espagnole (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 90).Elle trouva qu'Émilia parlait fort, que ses gestes, expressifs sans doute, l'étaient au point de manquer de grâce (Maurois, Ariel,1923, p. 271) :20. Il était blond, rose, frais, très fin et très souple dans son costume sévère, avec des joues de jeune fille et des mains délicates; il avait l'allure vive et naturelle, quoique réprimée. Tout en lui était charme, élégance, et presque volupté. La beauté de son regard corrigeait cet excès de grâce.
Hugo, Travaill. mer,1866, p. 233.
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P. iron. Le soir, M. du Poirier s'approcha de Sanréal avec la grâce d'un bouledogue en colère; ses petits yeux avaient le brillant de ceux d'un chat irrité (Stendhal, L. Leuwen, t. 2, 1836, p. 200).SYNT. Grâce affectée, agaçante, altière, auguste, charmante, courtoise, dégingandée, efféminée, enfantine, enjouée, élancée, étudiée, exquise, fascinante, féline, féminine, florentine, fugitive, furtive, hardie, imposante, infinie, insouciante, irréelle, maniérée, minaudière, molle, mutine, naïve, naturelle, obséquieuse, parfaite, perverse, piquante, polissonne, sauvage, séductrice, sensuelle, touchante; grâce dans l'attitude, les manières, les mouvements; grâce de manières, de mouvements; grâce de l'embonpoint, d'un sourire; grâce des attitudes, des apparences, des gestes; déployer de la grâce, manquer de grâce; accueillir qqn, causer, dire qqc., s'éventer, présider, saluer, sourire, tomber avec grâce; être dénué de toute grâce.
− En partic., au plur. Les attraits physiques (féminins). Sa taille était svelte, et les grâces de son corsage fleurissaient déjà (Balzac, Lys,1836, p. 243).L'abbé Surin, la taille un peu renversée, développait les grâces de son buste (Zola, Conquête Plassans,1874, p. 1056).Une longue robe de gaze blanche moulait merveilleusement les grâces de sa taille et de son corsage (Theuriet, Mar. Gérard,1875, p. 78).Elle doit plaire, et pour plaire déployer ses sortilèges, multiplier ses charmes ou acquérir par artifice les grâces que la nature lui aura refusées (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 185).
− Jeu des grâces. ,,Jeu analogue au jeu de volant, et qui se joue avec un petit cerceau et des bâtonnets, ainsi nommé parce que les bras s'y développent avec grâce`` (Guérin 1892; dict. xixeet xxes.). Après le déjeuner, Madame [Sand] fait une partie de grâces avec Jacques (Agenda, in Corresp. Sand-Dorval, 13 août, 329-30 ds Quem. DDL t. 2, p. 117).
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P. méton. Les (trois) Grâces. Trois déesses, Aglaé, Euphrosyne et Thalie, qui étaient les compagnes de Vénus et qui personnifiaient le don de plaire. L'Albane est avant tout un peintre gracieux. Il aime à représenter Vénus à sa toilette et entourée par les Grâces (Ménard, Hist. beaux-arts,1882, p. 164).♦ P. ext. Femme qui a beaucoup d'agrément, de charme. Avec une gentillesse suprême, serrant les dents et écartant les lèvres, elle souffla contre Jean Valjean. C'était une Grâce copiant une chatte (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 687).
2. [Dans les relations soc.] a) Loc. Bonne grâce. Amabilité, affabilité. Bonne grâce charmante, chevaleresque, flatteuse, joyeuse; accueillir qqn avec bonne grâce. Ils ont été tous deux pour moi d'une bonne grâce extrême, m'ont donné des livres, leurs portraits, celui de la bonne femme qui leur a raconté la plupart des histoires de leur recueil (J.-J. Ampère, Corresp.,1827, p. 439).Elle avait une démarche factice, saccadée, comme certains oiseaux, et une façon de parler minaudière, mais beaucoup de bonne grâce et d'amabilité (Rolland, J.-Chr., Foire, 1908, p. 754).Il charmait cependant, par une espèce de bonne grâce et de politesse rustique dont il usait avec un sûr génie (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 62) :21. ... la jeune femme qu'il avait amenée on ne savait d'où, s'était fait pardonner et aimer de toute la ville, par une bonne grâce, par une beauté aimable, auxquelles les provinciaux sont plus sensibles qu'on ne le pense.
Zola, Conquête Plassans,1874, p. 980.
♦ Mauvaise grâce. Mauvaise volonté. Ces inquiétudes, ces protestations, il faut l'avouer, nous semblent tant soit peu justifiées, quand nous voyons la mauvaise grâce que l'on met à nous faire connaître l'emploi de cet argent (Barrès, Cahiers, t. 8, 1910, p. 140).Sans élan, mais sans mauvaise grâce, elle avait jusqu'à ce jour assisté la bonne Alice dans le rude travail de la cuisine et de la table (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 198).Mon père avait invité son ami à venir habiter chez nous, ce que maman supportait avec mauvaise grâce (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 113).
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Avoir bonne/mauvaise grâce à/de faire qqc. Être bien/mal venu de. Ils ont bonne grâce après cela de nous chanter leur vol sublime et leur marche rapide vers la perfectibilité! (Fourier, Nouv. monde industr.,1830, p. 16) :22. ... il n'existe pas d'écrivain plus passionné que cet érudit. Nous aurions mauvaise grâce à nous en plaindre, car c'est cette passion même qui donne au style de l'abbé Bremond cette verve parfois féroce et qui nous enchante...
Mauriac, Journal 1,1934, p. 98.
♦ De bonne/mauvaise grâce. Volontiers/à contrecœur. Le souper étant prêt, je priai le scheik de vouloir bien le partager avec nous. Il accepta de bonne grâce, et parut fort amusé de la manière de manger des Européens (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 202).On acceptait de mauvaise grâce le prétexte de sa santé; elle qui n'était jamais plus fraîche que le lendemain d'un bal (Gozlan, Notaire,1836, p. 239).
b) Au plur., souvent iron. Manières recherchées, étudiées, affectées. Lucien crut entrevoir que Son Excellence cherchait à se donner des grâces imposantes (Stendhal, L. Leuwen, t. 2, 1836, p. 292).Aussi, donnait-il le ton à ces messieurs, lorsqu'il jouait au billard, avec des grâces étudiées, développant ses hanches, arrondissant les bras et les jambes, se couchant à demi sur le tapis, dans une pose cambrée qui donnait à ses reins toute leur valeur (Zola, Ventre Paris,1873, p. 850).♦
Se faire des grâces. Se faire des politesses, des amabilités. Elle et le libraire se disent vous, et se font des grâces fort distantes (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 179) :23. ... elle se faisait des grâces devant la glace qui la reflétait en pied, faisant trois pas en avant, quatre en arrière, se tirant cérémonieusement la révérence comme une petite fille qui se prend pour une princesse et s'imagine vivre un conte de fées...
Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 87.
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Sacrifier aux grâces. Prendre plaisir à la vie mondaine, superficielle, à des manières recherchées, affectées : 24. Ce prince est très brave, très loyal, très bon officier de cavalerie, mais comme le chef de son ministère, il sacrifie beaucoup aux grâces et se soucie peu des travaux du Gouvernement.
Gobineau, Corresp. [avec Tocqueville], 1851, p. 185.