a) [Avec un compl. prép. indiquant le moyen] Rendre quelque chose (plus) propre au moyen d'un liquide (et d'un produit nettoyant). −
Laver + compl. prép. de.Lui (...) hochait la tête, fredonnait, humait sa cassolette, se faisait laver d'eau de senteur (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 45).Les pompiers lavent de leurs lances les gamins nus (Morand, New-York,1930, p. 224):1. En quoi vous ai-je offensé? dit-elle tout effrayée. J'ai entendu parler d'une femme comme moi qui avait lavé de parfums les pieds de Jésus-Christ.
Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 47.
♦ Part. passé à valeur adj. Laisse-moi respirer ton odeur, qui est comme l'odeur de la terre, (...) lavée d'eau comme un autel (Claudel, Ville,1901, I, p. 447).
− Laver + compl. prép. par.P. métaph. Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches; (...) Et nous rentrons gaîment dans le chemin bourbeux Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches (Baudel., Fl. du Mal,1855, p. 5).
−
Laver + compl. prép. avec.Ils ne prirent point la peine de laver avec une éponge le sang qui couvrait le lit (Barrès, Cahiers, t. 4, 1905, p. 85).♦ Au fig. Laver ses péchés avec des larmes. ,,Pleurer ses péchés`` (Ac.).
♦ Loc. Laver la tête à qqn avec du plomb. Fusiller quelqu'un. Allons, lavez-moi la tête avec du plomb, cela m'apprendra (Mérimée, Théâtre C. Gazul,1825, p. 122).On lui a lavé la tête avec du plomb, mon commandant, lui dit Beau-pied (Balzac, Chouans,1829, p. 381).
♦ Emploi pronom. indir. Se laver les mains avec de la pâte d'amandes (Ac.1835, 1878).Boissel et Pitolet l'avaient suivi et lui donnaient des conseils. Selon celui-ci, il fallait se laver le visage avec de l'huile d'olive pure (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Hérit., 1884, p. 502).
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Laver + compl. prép. à.Une irrésistible envie le prit aussitôt de quitter ce qui lui restait de vêtements, et de laver à grande eau ses membres moites (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 812).Je ne puis t'embrasser autrement. Va te laver les mains à l'alcool. Va, je te prie (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 395):2. Depuis le temps que l'huile Shell force mes regards de toutes manières, il ne m'est jamais venu à l'idée d'en abreuver mon moteur. Pas plus que je n'ai seulement pensé à me laver au savon Cadum...
T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p. 30.
♦ Part. passé à valeur adj. Ces filles en bas de soie bleue ou rose, dont les lèvres sont passées au rouge, les yeux soulignés au khol, les cheveux lavés à l'auréoline [shampooing donnant un bel éclat aux cheveux] (Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p. 32).
♦ Emploi pronom. réfl. Sur l'avant du navire, les hommes de la bordée de quart (...) se lavaient à grande eau froide (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 367).Au lavabo, chaque matin, il se lavait les cheveux à grande eau (Renard, Journal,1901, p. 685).
b) [Avec un compl. prép. locatif dans ou à] Faire tremper quelque chose dans (quelque chose contenant) un liquide avec lequel on le frotte pour le rendre (plus) propre. C'est l'usage ici, dit-il un peu ivre, que les invités à un mariage montent au milieu de la nuit et lavent la mariée dans le whisky (Maurois, Ariel,1923, p. 74).À l'aube, (...) je lavais ma cuiller et ma fourchette dans une grande bassine d'eau chaude (Green, Journal,1942, p. 269):3. Ils descendirent et, se mettant nus, lavèrent leurs corps brûlants dans l'eau tiède qu'ils battaient de leurs mains dures.
Hamp, Champagne,1909, p. 103.
− Une trentaine de femmes lavaient du linge à ce bassin, le samedi, dernier jour du mois de septembre (Stendhal, Lamiel,1842, p. 44).Elle fait un voyage pour laver un torchon à la rivière, dans l'eau qui court (Renard, Journal,1905, p. 990).
−
Emploi pronom. réfl. Un maure se lavait les pieds dans la fontaine qui est au milieu (Delacroix, Journal,1832, p. 123).On se lavait dans de l'eau dont il fallait briser la glace et qui ne lavait pas (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 113).Les hommes, ayant retiré leurs redingotes, se lavèrent les mains dans un seau d'eau (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Partie camp., 1881, p. 373).♦ P. métaph. Il roule çà et là par l'Europe, se lavant l'esprit dans les voyages (Valéry, Variété II,1929, p. 15).
− Part. passé à valeur adj. Sa tunique est livrée aux femmes de Milet, Et ses pieds sont lavés dans un vase de lait (Vigny, Poèmes ant. et mod.,1837, p. 135).
c) [Sans compl. prép.] Rendre quelqu'un, quelque chose (plus) propre (généralement) au moyen d'eau et d'un produit nettoyant avec lequel on le frotte. Anton. salir.Laver les pieds de qqn; laver sa voiture. L'hôtesse, qui peigne Et lave dix marmots roses et pleins de teigne, Parle d'amour, de joie et d'aise, et n'a pas tort! (Verlaine,
Œuvres compl., Jadis, Paris, Gallimard, 1938 [1884], p. 209).Elle apporta un peu d'eau dans une cuvette, lui lava doucement les yeux, le visage et les mains (Jouve, Paulina,1925, p. 246).Le temps était loin où, sans débrider, elle lavait les trois étages de l'hôtel (Dabit, Hôtel,1929, p. 84).Je vais venir. Mais faites d'abord chauffer de l'eau; je vais laver cette vaisselle; je ne peux pas supporter la saleté (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 326).− Part. passé à valeur adj. Figure, main lavée. En haut des arbres, des espèces de lucarnes aux vitres mal lavées se montraient (Ramuz, Gde peur mont.,1926, p. 20).Elle passait un tablier blanc, frais lavé, fleurant encore le grand air et le vent (Guèvremont, Survenant,1945, p. 58).
−
Loc. fig. ou p. anal. ♦
Laver son linge (sale) (en famille/en public). Régler ses problèmes personnels (entre les parties concernées/au grand jour). Si vous vous permettez de petites infamies, que ce soit entre quatre murs. (...) Napoléon, appelle cela : laver son linge sale en famille (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 715).Après avoir lavé notre linge [avec Gide] nous eûmes toujours des rapports agréables (Cocteau, Poés. crit. I,1959, p. 211):4. Tout cela, au reste, est encouragé par le Gouvernement qui (...) est enchanté de voir la littérature se manger le nez en famille et laver son linge sale en public.
Goncourt, Journal,1857, p. 322.
♦ Fam. Laver la tête à qqn. Réprimander quelqu'un avec sévérité. Synon. passer un savon à qqn.J'étais allée trouver ces deux garçons Jean et Pierre, pour leur laver un peu la tête, comme vous me l'aviez recommandé (Kock, Pucelle,1834, p. 278).Ces propos ayant été rapportés au Maître, celui-ci entra dans une vive irritation, fit venir Abrice et lui lava la tête comme il faut (L. Daudet, Bacchantes,1931, p. 177).
♦ Arg. Laver la gueule à qqn. Payer à boire à quelqu'un pour en obtenir des faveurs. − T'occupe pas, toujours les mêmes qui se dém... − En douce, tu comprends, le fourrier n'en a refilé qu'aux mecs qui lui lavent la gueule (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 65).
− Loc., vx. À laver la tête d'un âne on perd sa lessive (Ac.). Cf. lessive A 1 a.
−
Spécialement ♦ Arg. et fam. Laver un chèque. Faire disparaître la mention du montant, celle du destinataire, pour les remplacer par d'autres. Synon. falsifier un chèque.V. laveur ex. de Cendrars.
♦ BEAUX-ARTS. Cf. infra III.
♦ MÉD. Laver une plaie. Nettoyer une plaie généralement avec un liquide antiseptique. Synon. absterger.Tchen releva son pantalon, banda sa cuisse avec un mouchoir sans laver la blessure (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 317).Laver un organe. Procéder au lavage (v. ce mot) d'un organe.
♦ PAPET., vx. Laver le papier (Ac. 1798-1878). Tremper le papier dans un bain d'alun pour le rendre moins absorbant.
♦ IMPR., vx. Laver un livre, les feuillets d'un livre (Ac.). Tremper un livre dans un bain d'acide chlorhydrique pour en faire disparaître les taches.
♦
TECHNOL. Rendre plus pur un produit, un matériau ou le débarrasser des impuretés qu'il renferme en le soumettant à des bains ou à des courants (généralement) d'eau successifs. Laver les argiles. Si le métal est mousseux, il faut ramener le métal et, suivant l'expression consacrée laver le bain par des additions raisonnées de spiegel (Wurtz, Dict. chim., 2esuppl., t. 4, 1801, p. 56):5. La mort dans l'âme, de nobles chercheurs d'or étrangers, au risque d'y laisser leurs derniers cents viennent laver les sables aurifères de Park Avenue.
Morand, New-York,1930, p. 219.
− Emploi pronom. réfl. indir. Se laver la tête; se laver le visage. Le chat était installé sur le rebord de la lucarne. Il léchait sa patte et se lavait l'oreille (Giono, Colline,1929, p. 130).Il renvoya les enfants avec brusquerie. − Allez vite vous laver les mains, on va se mettre à table (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 187).
−
Locutions ♦ Se laver les mains (cf. infra d).
♦
Arg. et pop. Se laver le gosier. Boire. Synon. se rincer la dalle. Part. passé à valeur adj.Je retrouvais (...) aussi un peu de l'enrouement des gosiers incessamment lavés par l'eau-de-vie (Baudel., Poèmes prose,1867, p. 103).Vx. (Aller) se laver les pieds. Faire la traversée pour aller au bagne en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie. Mes complices alors sont dans le hal [= incarcérés], tant mieux nous irons tous nous laver les pieds à la Nouvelle (G. Macé, Lundis,p. 181 ds Bruant 1901, p. 370).− Emploi pronom. réfl. Synon. faire sa toilette.Jamais je n'aurai assez d'eau pour me laver, se dit Durtal, en jaugeant le minuscule pot à l'eau qui mesurait bien la valeur d'une chopine (Huysmans, En route, t. 2, 1895, p. 22).Je courus à ma salle de bains et me lavai et me douchai pendant trois heures (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 228).
− Emploi pronom. passif, rare. Être lavé. Là, était l'évier sur lequel se lavaient avant et après le tirage les formes, ou, pour employer le langage vulgaire, les planches de caractères (Balzac, Illus. perdues,1837, p. 11).
d) [Avec un compl. prép. de désignant ce qui salit] −
Au fig. Rendre quelqu'un net de quelque chose considéré comme une souillure. Synon. disculper, blanchir.Laver qqn d'une accusation. Eh bien, j'en ai assez de l'héroïsme. Vous m'avez lavée de l'héroïsme. Pour la vie (Montherl., J. filles,1936, p. 1027).Il lui semble [à l'homosexuel] (...) que la durée psychique, par elle-même, le lave de chaque faute (...), le fait renaître à neuf (Sartre, Être et Néant,1943, p. 104).Il se sentait lavé de toute souillure (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 281):6. Vous vous imaginez laver Napoléon d'un reproche et rejeter la faute sur M. de Talleyrand; or vous ne justifiez pas assez le premier, et n'accusez pas assez le second.
Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 154.
♦ [P. ell. du compl. prép.] Ce soupçon n'est-il pas injurieux pour l'armée? Hâtez-vous de laver Boisdeffre en livrant Esterhazy, l'espion, à la justice des lois (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 244).
−
Emploi pronom. réfl. Se débarrasser de la saleté qu'on a sur soi au moyen d'un liquide (et d'un produit nettoyant). Vivement elle courut à sa chambre; là, quittant sa robe, en jupe et en corset, elle se lava de la poussière du wagon (Péladan, Vice supr.,1884, p. 33).♦
Au fig. Se laver d'un crime (Ac.). Il y a des événements ridicules et honteux dont on a peine à se laver (Sand, Jacques,1834, p. 305).L'accusation de frigidité exaspérait Coco. Pour s'en laver, elle avait couché avec une demi-douzaine de costauds, dont deux nègres (Magnane, Bête à concours,1941, p. 338):7. ... mon âme, élance-toi en avant!
Je vous propose de vous laver de votre honte et de vous lever de votre bassesse,
Et de vous venger d'un sort dur et méprisable...
Claudel, Tête d'Or,1890, p. 103.
−
Loc. [P. réf. à l'attitude de Ponce Pilate au cours du procès du Christ v. Matth. 27, 24] .
Se laver les mains (de qqc.). Dégager sa responsabilité d'une affaire pour ne pas en subir les suites. Maintenant, elle s'en lavait les mains, elle jurait de ne plus se mêler de rien (Zola, Assommoir,1877, p. 724).Après, nous saisirons les ambassades anglaise et russe. Et nous nous laverons les mains du reste (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 344).♦ Emploi performatif. J'ai offert d'envoyer l'argent, tu ne veux pas, je m'en lave les mains (Augier, Pierre de touche,1854, III, p. 137).Taisez-vous. Je me lave les mains; aucun regret, aucun remords ne m'effleure (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 269).
e) Emploi abs. Faire la lessive, les travaux de lavage domestique. Maman cousait, lavait, reprisait, parfois (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 133).Chaque fois qu'il avait vu partir Rose-Anna pour aller laver chez les autres, il s'était cabré intérieurement (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 195):8. Dès que les gosses seront plus grandes, la Philiberte pourra les mettre à l'école et se louer pour les lessives : on a tant de mal, aujourd'hui, à trouver des femmes qui lavent.
Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1070.
− Expr., vieilli. Donner à laver (à qqn). Présenter (à quelqu'un) de quoi se laver les mains avant de se mettre à table. Des femmes, et quelquefois la fille même du Roi, conduisent l'étranger au bain. On le parfume, on lui donne à laver dans des aiguières d'or et d'argent (Chateaubr., Génie, t. 1, 1803, p. 547).On donna à laver dans une magnifique aiguière de vermeil (Gautier, Fracasse,1863, p. 441).