1. Action de deux adversaires qui luttent, se battent ou combattent corps à corps pour répondre à une attaque, pour triompher l'un de l'autre, par jeu, dans la pratique d'un sport ou pour régler un différend. Je me gardai bien de répondre. Deux poignets furieux me saisirent. À mon tour, j'enlaçai quelqu'un et une lutte effroyable commença. Nous nous roulions, renversant les meubles, heurtant les murs (Maupass.,Contes et nouv.,t. 1, Ma femme, 1882, p. 671).Ensemble, tellement ils étaient appareillés dans cette lutte, cette danse, cet embrassement, le taureau et l'homme s'arrêtèrent. Et chacun d'eux faisait son souffle contre l'autre (Montherl.,Bestiaires,1926, p. 560):1. Leurs mains tordues s'ouvrent et changent adroitement de place sur la longueur du poignard; leur genou droit plie, leur jambe gauche s'étend en arrière (...). Tout à coup se redressant, les adversaires s'approchent poitrine contre poitrine, front contre front: leurs bras tendus s'élèvent au-dessus de leurs têtes, et leurs muscles se dessinent comme ceux d'Hercule et d'Antée. Dans cette lutte, leur haleine devient courte et bruyante; ils se couvrent de poussière, de sang et de sueur...
Chateaubr., Natchez,1826, p. 163.
SYNT. Lutte singulière; lutte corps à corps; lutte au couteau; lutte à mort; lutte de boxeurs, de gladiateurs; lutte d'un bestiaire contre un animal; les luttes des cirques; abattre, culbuter, vaincre qqn à la lutte.
♦ P. métaph. Tout devait ramener Maxence à cette lutte ardente, à ce corps à corps de l'homme avec lui-même, dans l'azur de l'espace intérieur (Psichari,Voy. centur.,1914, p. 131).V. aussi infra ex. 8.
♦ [P. allus. biblique, Gen. XXXII, 23-33, où Jacob lutte contre un ange qui ne peut l'emporter sur lui mais le blesse à la cuisse: symbole du triomphe de la force morale ou, parfois, de la meurtrissure laissée par une épreuve] Lutte contre l'Ange, lutte de Jacob avec l'Ange, etc. Il songeait à ce tendon que toucha l'ange dans sa lutte avec Jacob: lui, boitait du coeur. Il avait détruit la dualité de son être (Péladan,Vice supr.,1884, p. 127).La seule vie, c'est celle-là, celle que nous donne notre lutte pour notre âme, le combat contre l'ange. Les hommes d'aujourd'hui méconnaissent cette vérité essentielle de l'être qui se vainc, qui se surpasse (Daniel-Rops,Mort,1934, p. 172).V. lutteur ex. de Cocteau, Clair-obscur, 1954, p. 31.
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SPORTS. Exercice soumis à certaines règles consistant en un combat corps à corps et sans armes, comportant certaines prises, et dont le but final est de terrasser l'adversaire. Là où l'athlète s'appuie pour courir, c'est là que l'acteur s'appuie pour lancer une imprécation (...). Toutes les surprises de la lutte, du pancrace, du cent mètres, du saut en hauteur, trouvent dans le mouvement des passions des bases organiques analogues, elles ont les mêmes points physiques de sustentation (Artaud,Théâtre et son double,1938, p. 155):2. Il a songé à quelque chose de nouveau, d'original,... à la lutte, − oui, à la lutte à main plate, qui, au fond, est du massage. Et le voilà, le critique ventripotent, en position, comme s'il palpait les muscles d'un adversaire de baraque...
Goncourt, Journal,1883, p. 280.
SYNT. Salle de lutte; s'exercer à la lutte; pratiquer la lutte; lutte antique, moderne; luttes folkloriques, olympiques; lutte gréco-romaine; lutte libre; lutte à terre; lutte debout.
2. P. métaph. [Dans les jeux de l'amour] On dirait que l'amour (...) veut, pour ses luttes ardentes, des coeurs tout neufs et des corps aguerris (Flaub.,Éduc. sent.,1845, p. 51):3. Ils s'aimaient comme ils ne s'étaient jamais aimés. Il ne savait plus s'il se jetait sur elle pour la détruire ou pour la posséder. Il la possédait dans une lutte qui la lui faisait plier sous lui et terrasser...
Ramuz, A. Pache,1911, p. 251.
− ÉLEV. Accouplement du bélier avec la brebis. Les résultats font apparaître, pour l'une et l'autre race [Hampshire et Suffolk], la résistance à la chaleur, une aptitude à la lutte en toutes saisons, avec une très bonne ardeur sexuelle, tant chez le mâle que chez la femelle (Pâtre,avr. 1981, no283, p. 25).
3. P. anal. Action violente mettant aux prises deux groupes ennemis. Luttes armées; luttes civiles. Les bergers (...) préparaient déjà leurs armes, et l'on put craindre un moment qu'une lutte générale ne s'engageât sur la place (Mérimée,Colomba,1840, p. 149).Tous ces bruits dans la ville, ce n'était ni lutte ni fusillade, mais les bourgeois qui s'exerçaient au pistolet dans leurs jardins (Giraudoux,Siegfried et Lim.,1922, p. 243).−
ARM. Opération militaire; guerre, engagement, combat. Lutte décisive, suprême; luttes coloniales; lutte à la baïonnette, lutte d'artillerie, lutte anti-sous-marine; entrer en lutte; engager, continuer, reprendre la lutte; cesser, abandonner la lutte. En 1863, après une lutte longue et meurtrière, les Maoris occupaient une grande position fortifiée sur le haut Waikato (Verne,Enf. cap. Grant,t. 3, 1868, p. 83).La lutte d'artillerie, pas plus que le combat de cavalerie, ne constitue (...) un acte décisif qui fixe définitivement l'issue de la lutte (Foch,Princ. guerre,1911, p. 214):4. À tous les échelons, armée, corps d'armée, division et brigade, le commandement soutient la lutte qui s'étend du bois Fumin au fond de la Gayette, alimente le combat, prépare des contre-attaques.
Bordeaux,Fort de Vaux,1916, p. 235.
♦ P. métaph. Il y avait un groupe de baissiers [à la Bourse] qui prenaient position, engageant la lutte, timides encore, dans de simples combats d'avant-poste (Zola,Argent,1891, p. 282).V. aussi infra ex. sous B 1 a.