A. − [Le subst. désigne une pers. de sexe masc.] 1. Celui qui domine quelqu'un, quelque chose, qui exerce un pouvoir souverain, qui l'emporte sur les autres au sein d'un groupe, dans un lieu, dans une situation donnée, par différentes qualités. Roi de la mode. [Lucien] causait avec l'évêque comme s'il eût été le roi du salon (Balzac, Illus. perdues, 1843, p. 688).Pour les gluaux, j'étais le roi, je peux le dire sans me vanter (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 138).− Empl. hypocor. Tout m'aimait. Ma tante m'appelait « mon petit roi » (Guéhenno, Journal homme 40 ans, 1934, p. 23).
−
Loc. et expr. ♦ Vieilli. Le roi des hommes. [Qualifie un homme très gentil, prévenant] C'était le roi des hommes, ce brave M. Pons. Tous les mois, il me donnait cent sous (Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 292).
♦
[Peut-être p. allus. à la comédie d'Aristophane: Les Oiseaux] Le roi des oiseaux. [Qualifie un personnage original, comique] :
5. − Des avares (...), j'en ai vu pour plus de trois cent mille francs. Mais pas un pour approcher du Grabié des Griffoux, qui vivait en forêt près de chez-moi. Celui-là, le roi des oiseaux! Il avait bien de quoi, le bougre...
Pourrat, Gaspard, 1930, p. 171.
♦ Le roi des + subst. (désignant une catégorie dépréciée d'hommes). Le pire, le plus grand de cette catégorie. Le roi des cons, des imbéciles. Je déteste les raseurs, et c'est le roi des raseurs (Duhamel, Passion J. Pasquier, 1945, p. 26).
− Empl. adj. L'historien alors était roi (Marrou, Connaiss. hist., 1954, p. 13).Expr. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. V. borgne.
− En compos. L'artiste-roi a pris pour lui, ni plus ni moins que la chapelle de la Vierge (Michelet, Chemins Europe, 1874, p. 235).V. jeudi ex. de Weinand.
2. En partic. a) Celui qui a ou qui reçoit le titre de roi dans des circonstances données. Dans chaque université les étudiants élisent un roi (Nerval, L. Burckart, 1839, p. 140).La comtesse d'Urgel envoya une couronne estimée à quarante mille sols pour couronner un roi des jongleurs (Faral, Vie temps st Louis, 1942, p. 180).Petit oiseau de bois qui fera « roi » l'année durant, celui qui l'aura abattu d'une flèche habile (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 1, 1954, p. 53).−
Vieilli ♦ Roi de l'oiseau. ,,Celui des tireurs d'arbalète qui abat l'oiseau`` (Littré).
♦ Roi des pèlerins. ,,Celui d'entre eux qui a vu le premier le clocher du lieu où ils vont en pèlerinage`` (Ac. 1798-1878).
− Roi du bal. Celui qui donne le bal, qui ouvre le bal; celui pour qui est donné le bal; p. ext., homme le plus brillant du bal. Il avait bien l'air d'être le roi du bal, avec cette assurance qui ne le quittait jamais, sa haute taille qui dominait tous les autres, ses mouvements aisés de beau danseur (Moselly, Terres lorr., 1907, p. 83).
−
Roi de la fève (vieilli), roi. Quand on tire les rois, celui qui trouve la fève dans le gâteau ou celui qui est choisi par la reine, celle qui a trouvé la fève. V.
fève ex. 6,
reine ex.
♦ Le roi boit! [Exclam. répétée gén. deux fois par les participants à la fête, chaque fois que le roi boit] La fête des Rois, le joyeux cri « Le Roi boit » seraient un reste des Saturnales antiques (Dévigne, Légend. de Fr., 1942, p. 99).V. gâteau ex. 2.
−
HISTOIRE ♦
HIST. ANC. Roi du festin. Convive qui était désigné pour présider à un repas et dont le rôle consistait à commander de boire plus ou moins, de chanter, de réciter des vers, de jouer: 6. Près de Lycus, sa fille, idole de la fête,
Est admise. La rose a couronné sa tête.
Mais pour que la décence impose un juste frein,
Lui-même est par eux tous élu roi du festin...
Chénier, Bucoliques, 1794, p. 205.
En compos. Archonte-roi. V.
archonte synt.
♦
HIST. DU MOY. ÂGE. Personnage important ayant autorité sur un ensemble de personnes. Roi des ribauds. V.
ribaud.
Roi d'armes. Dignitaire à la tête des hérauts d'armes. Le roi d'armes Jarretière les montra du doigt à Gwynplaine (Hugo, Homme qui rit, t. 3, 1869, p. 112).Chef d'une association, d'une corporation. Roi de la basoche. [Les merciers] furent longtemps soumis à un roi des merciers, qui exerçait aussi une certaine autorité sur d'autres métiers, et qui fut aboli par l'édit de 1597 (MarionInstit.1923, p. 372, s.v. merciers).Roi de Thune(s). Chef d'une association de gueux au xves. Maxime gravée au clou sur le mur par un roi de Thunes condamné aux galères (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 196). b) Roi de + subst. rel. à un secteur écon.Synon. de magnat (v. ce mot B).Roi de la chaussure, du pétrole. [Jérome] devint un roi de l'industrie (Zola, Travail, t. 1, 1901, p. 85).V. combinat ex.
c) Roi de + subst. rel. à une discipline sportive.Celui qui occupe une place prééminente, qui excelle dans une discipline; champion. Dans sa chambre à lui, il y avait comme embellissement, des séries entières de cartes (...) les « Rois du volant »... les « Rois de la pédale » et les « Héros de l'aviation » (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 394).
d) JEUX, vieilli. Jouer au roi dépouillé*. Jouer au roi détrôné. Dans un jeu d'enfants, essayer de faire descendre un enfant du lieu élevé où on l'a mis, pour prendre sa place. Au fig. Chercher à prendre la position considérée comme avantageuse de quelqu'un et vice versa. (Ds Littré).
3. [Désignant une puissance surnaturelle, l'homme ou un homme important; l'usage des majuscules varie] −
[Le subst. est suivi d'un adj. ou d'un compl. déterminatif] ♦ Le roi céleste, le roi du ciel (et de la terre), le roi des anges, le roi des rois. Dieu. [Le père de la Rédemption] aborde le dey d'Alger, il lui parle, au nom de ce Roi céleste dont il est l'ambassadeur (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 397).Je n'ai qu'un maître, qui est le Roi du Ciel (A. France, Clio, 1900, p. 127).À part, bien entendu, Dieu lui-même, âme des âmes, roi des anges, immanent à l'espace (Poulet, Métam. cercle, 1961, p. 192).V. royauté ex. de Weill.
♦
Le roi des Juifs. Le Christ. V.
INRI ex. de Claudel:
7. Avons-nous étendu le manteau de nos jours
Des pieds du blasphémé jusqu'au blasphémateur.
(...) Avons-nous déroulé le manteau de nos jours
Entre le roi des Juifs et le préfet de Rome.
Péguy, Ève, 1913, pp. 829-830.
♦ Le roi des dieux. Jupiter. Oreste [à Jupiter]: Quitte ce ton, bonhomme: il sied mal au roi des Dieux (Sartre, Mouches, 1943, iii, 2, p. 94).
♦
Le roi des enfers Satan. Le cadre même du poème, qu'est-il autre chose qu'une exploration du monde immatériel, où figurent tous ses habitans (...), depuis le roi des enfers et son peuple de réprouvés, jusqu'aux chœurs les plus sublimes des séraphins? (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 252).Pluton. Jupiter [à Pluton]: (...) prête-moi une oreille attentive!... Roi des enfers, c'est moi qui vous appelle! (Crémieux, Orphée, 1858, i, 4, p. 38).♦
Le roi de la création, de la nature, de l'univers. L'homme. [Les animaux en Arabie] se souviennent mieux des jours d'Éden, où ils étaient encore soumis volontairement à la domination du roi de la nature (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 16).Nous le voyons [le tigre] (...), une patte sur une proie magnifique, parfois le roi de la création lui-même, qu'il vient d'abattre (Barrès, Cahiers, t. 8, 1910, p. 252):8. L'homme, sans ailes, sans plumage, tout nu, serait plus misérable, dans nos climats, que le corbeau carnivore et que le faible roitelet, si la Providence n'avait remis entre ses mains le feu, cette ame de la nature. Quel tableau lamentable il présente! Combien il est à plaindre celui qu'on a nommé le roi de l'univers!
Bern. de St.-P., Harm. nat., 1814, p. 289.
♦ Le roi des aulnes. V. aulne rem.
− En compos. Le Christ-Roi. Un jésuite formé par la seule tradition ignatienne aurait dit: le secret de la vie spirituelle est de suivre le Christ-roi et de l'imiter (Bremond,Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 264).Fête du Christ-Roi. La fête du Christ-Roi, étendue à toute l'Église par Pie XI, veut attester le droit du Sauveur à être reconnu comme législateur, chef et juge suprême de toute l'humanité (Foit. 11968).
4. Poét. Le roi du jour. Le soleil. Le roi du jour s'apprêtait à répandre Sur l'horizon ses nouvelles clartés (Baour-Lormian, Ossian, 1827, p. 5).
C. − Animal, végétal, chose qui exerce un pouvoir souverain, qui domine, l'emporte sur les autres dans des circonstances données, par certaines qualités. 1. [Le subst. désigne un animal] Le rouge-gorge est le roi de l'automne; il en porte les couleurs (Alain, Propos, 1923, p. 539).−
Littéraire ♦ Le roi des animaux. Le lion. J'ai vu un lion dont on irritait la colère par le simple bruit d'un tambour: après quelques roulements, la voix du roi des animaux se faisait entendre (Bern. de St-P.,Harm. nat., 1814, p. 340).
♦ Le roi des airs. L'aigle. Roi des airs, lui criai-je [à un aigle], règne ici loin des tyrans qui te feraient la guerre, mais ne sois pas tyran toi-même (Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 267).
♦
Le roi des oiseaux. L'aigle, le phénix ou le paon: 9. [Les autres] Vantoient le privilege unique
De ce roi des oiseaux, de cet enfant du ciel,
Qui, vieux, sur un bûcher de cedre aromatique,
Se consume lui-même, et renaît immortel.
Florian, Fables, 1792, p. 86.
− En partic. [Entre dans la dénom. d'un animal] Roi de(s) caille(s). Synon. râle de(s) genêts (v. râle1).Broche admirablement garnie de cailles, rois de cailles, et de ces petits râles à pieds verts qui sont toujours si gras (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 376).On ne cherche pas le râle de genêts, le râle rouge ou le roi des cailles (comme il est communément appelé dans certaines régions), on le rencontre (Vidron, Chasse, 1945, p. 12).
2. [Le subst. désigne une plante ou un fruit] On appréciait fort dans le temps le Melon; il [Saint-Amant] y célèbre à pleine bouche ce roi des fruits (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 12, 1855, p. 183).Littér. Le roi des forêts. Le chêne ou le sapin. Le voyageur, assis à ses pieds [d'un chêne], admire ses inébranlables rameaux (...); mais le pâtre qui contemple le roi des forêts du haut de la colline, le voit élever au-dessus de son feuillage verdoyant une couronne desséchée (Chateaubr., Martyrs, t. 3, 1810, p. 129).
3. [Le subst. désigne une chose concr.] [L'or] était considéré comme le plus parfait, comme le roi des métaux (Wurtz, Dict. chim., t. 2, vol. 1, 1873, p. 625).L'Inde sous les rajahs, livre magnifiquement illustré et le roi de la saison (Mallarmé, Dern. mode, 1874, p. 841).
4. [Le subst. désigne une chose abstr.] Le temps, ce Roi cruel, m'assignant mon tombeau (Chênedollé, Journal, 1808, p. 34).La charité, ce roi des sentiments créé par le catholicisme (Péladan, Vice supr., 1884, p. 201).
5. Empl. adj. Région forestière, où l'arbre était roi (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 190).Si le hasard est roi, voici la marche dans les ténèbres (Camus, Homme rév., 1951, p. 95).
6. En appos. ou en compos. La lueur du jour sur l'écorce argentée, sur le bord des feuilles tremblantes, est un regard d'orgueil de l'astre roi (Faure, Hist. art, 1921, p. 89).[L'émeraude] atteint et parfois même dépasse en prix le diamant-roi (Metta, Pierres préc., 1960, p. 77).