1. En gén. Qualité de l'enfant aîné, antériorité d'âge du premier-né ou, p. ext., d'un autre enfant par rapport aux autres enfants de la même famille : 1. ... passant en ce point de la vallée où deux minces ruisseaux s'unissent en notre petite rivière, j'ai pensé aux enfants. Alix et Raphaël sont venus jouer en ce coin. (René, fier de son aînesse, et de caractère sauvage, est toujours resté à l'écart de ces jeux).
Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 258.
2. Frédie, malgré ses dix-huit mois d'aînesse − ça compte, à cet âge! − et malgré d'analogues tourments, n'était ni plus avancé ni plus riche d'audace. (...) Je me rendis compte assez vite qu'il ne pouvait rien tenter sans moi. Comme sa taille et ses moustaches naissantes me faisaient du tort, je pris le parti de chasser pour mon propre compte, seul. Le cartel des gosses expirait.
H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 245.
2. Spéc., DR. Droit d'aînesse. Prérogatives de l'aîné (premier-né mâle) en matière de succession parentale. (Droit aboli en France à la fin du xviiiesiècle) : 3. 29 avril 1826. Étant sur le point de partir pour l'Angleterre, je marque sommairement ici les événements principaux qui occupent en ce moment, afin de savoir à mon retour où l'on en est resté en France. (...) La loi sur le droit d'aînesse, présentée par le ministère, a été rejetée par la Chambre des Pairs, au grand contentement de presque tous les Français. Le jour du rejet, on a illuminé dans Paris et dans les principales villes de France...
É.-J. Delécluze, Journal,1826, p. 345.
4. ... la famille dut procéder au partage des biens. (...) Mon père, en demandant sa part comme ses frères et ses sœurs, pouvait changer d'un mot son sort et obtenir une des belles possessions territoriales que la famille avait à se partager. (...) Les lois révolutionnaires qui supprimaient le droit d'aînesse étaient toutes récentes; elles avaient encore à ses yeux, bien qu'il les trouvât très-justes, une apparence de compression et de violence faite à l'autorité paternelle. En demander l'application en sa faveur contre son frère aîné lui paraissait un abus de sa situation.
A. de Lamartine, Les Confidences,1849, p. 46.
5. ... le chevalier de Barbanpré, (...) ne comprend pas qu'Ésaü ait vendu son droit d'aînesse pour un plat de lentilles, mais (...) vendrait son âme pour une poularde truffée.
J. Sandeau, Sacs et parchemins,1851, p. 26.
6. Il est facile de montrer que la plupart des préjugés sur lesquels reposait l'ancienne société, le privilège de la noblesse, le droit d'aînesse, la légitimité, etc., sont irrationnels et absurdes au point de vue de la raison abstraite, que dans une société normalement constituée, de telles superstitions n'auraient point de place.
E. Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 26.
Rem. Noter la var. except. avantage d'aînesse :
7. Le duc Guillaume de Woerbeck était oncle du prince régnant et frère aîné de son père. Sa naissance l'avait désigné pour porter la couronne, et il avait été considéré comme prince héréditaire pendant la plus grande partie du règne du feu souverain Cependant, longtemps avant la vacance du trône, il s'était voulu dépouiller de son avantage d'aînesse en faveur du cadet.
J.-A. de Gobineau, Les Pléiades,1874, p. 247.
−
Par ell. Aînesse. Droit d'aînesse : 8. Le monachisme, tel qu'il existait en Espagne, et tel qu'il existe au Thibet, est pour la civilisation une sorte de phtisie. Il arrête net la vie. Il dépeuple, tout simplement. Claustration, castration. Il a été fléau en Europe. Ajoutez à cela la violence si souvent faite à la conscience, les vocations forcées, la féodalité s'appuyant au cloître, l'aînesse versant dans le monachisme le trop-plein de la famille, les férocités dont nous venons de parler, les in-pace, les bouches closes, les cerveaux murés, tant d'intelligences infortunées mises au cachot des vœux éternels, la prise d'habit, enterrement des âmes toutes vives.
V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 613.