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ABRUTIR, verbe trans.
I.− Emploi trans. et absolu. Rendre une pers. semblable à une (bête) brute.
A.− [Le suj. est indifféremment un animé ou un inanimé; le verbe s'emploie avec une égale fréquence transitivement ou absol.] Diminuer les qualités physiques (ex. 1), intellectuelles (ex. 2) ou morales (ex. 1) de qqn :
1. « Un grand nombre de ces hommes, il est vrai, entraînés par leur irrésistible penchant pour les eaux spiritueuses, en font souvent des excès qui les abrutissent, les dégradent, et leur ont fait perdre cette indépendance, cette noble fierté que possèdent encore ceux que le hasard a placés loin de ce funeste danger. » Saint John de Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie et dans l'État de New-York,t. 2, 1801, p. 151.
2. ... si l'on veut voir, (...) à quel point cette espèce d'isolement politique et religieux peut, à certains égard, rétrécir la raison et abrutir l'intelligence humaine chez un peuple d'ailleurs éclairé, on n'a qu'à lire la discussion qui eut lieu l'an dernier, en Angleterre, chambre des lords, à l'occasion du bill présenté pour l'émancipation des catholiques. Lamennais, De la religion considérée dans ses rapports avec l'ordre politique et civil,partie 2, 1826, p. 206.
3. Que peut devenir la sociabilité humaine entre un prince que le despotisme hébète et un paysan que l'esclavage abrutit ? V. Hugo, Le Rhin,Lettres à un ami, 1942, p. 441.
4. Louis XI ne manquera pas de s'agenouiller devant les figurines de son chapeau; Henri IV sera constamment jovial; Marie Stuart pleureuse, Richelieu cruel, enfin, tous les caractères se montrent d'un seul bloc, par amour des idées simples et respect de l'ignorance, si bien que le dramaturge, loin d'élever, abaisse; au lieu d'instruire, abrutit. G. Flaubert, Bouvard et Pécuchet,t. 2, 1880, p. 3.
Rem. Abrutir se trouve en série avec rétrécir les facultés humaines (ex. 2), ce compl. n'étant pas forcément précisé. Abrutir est très proche de hébéter (ex. 3). Il se trouve également associé à des verbes qui ont un sens moral, tels que abaisser (ex. 4), et dégrader (ex. 1).
B.− P. ext. Même sens, avec en outre une idée d'épuisement ou de fatigue physique ou intellectuelle :
5. Je ne sais où donner de la tête, tu me demandes de longues lettres; j'en suis incapable : le droit me tue, m'abrutit, me disloque, il m'est impossible d'y travailler. Quand je suis resté trois heures le nez sur le code, pendant lesquelles je n'y ai rien compris, il m'est impossible d'aller au delà ... G. Flaubert, Correspondance,1842, p. 106.
6. Dans une quinzaine, ma nièce me quitte, et je vais rester seul, absolument seul jusqu'à la fin de l'hiver. À cette époque, espérons que mon abominable bouquin sera terminé. J'en ai assez! il m'abrutit, − et le beau, c'est qu'il assommera les bourgeois! j'en suis d'avance certain! G. Flaubert, Correspondance,1879, p. 270.
7. Sturel, Renaudin, Suret-Lefort, debout, font une conversation fraternelle et cahotée avec leur cocher, qui, dans son enthousiasme boulangiste, abrutit de coups son cheval. M. BarrÈs, L'Appel au soldat,1900, p. 64.
8. Ils l'entraînèrent dans la cour. Plamgougnis se jeta sur la pompe. Jeuselou, Benoni le poussèrent sous le jet, qui le doucha, le glaça, l'abrutit. Ils lui plongèrent la tête dans le seau avant de lui frotter les oreilles d'une serpillière, et ne le lâchèrent que lorsqu'ils n'en purent plus. H. Pourrat, Les Vaillances, farces et gentillesses de Gaspard des Montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 190.
Rem. Le compl. d'agent ou de moyen est parfois précisé (ex. 7). Abrutir a une pente affective et péj. très marquée et se trouve gén. associé à des verbes qui expriment l'exaspération, un vif ressentiment comme assommer (ex. 6) ou encore une action violente comme glacer (ex. 8) ou tuer, disloquer (ex. 5), pris au sens fig., dans un ton nettement fam. Dans l'ex. 7, l'obj. est un animal, et le verbe abrutir a un sens voisin de brutaliser.
II.− Emploi pronom. S'abrutir.[Le suj. est toujours un nom de pers.]
A.− S'abaisser jusqu'à ressembler à une bête par le visage (ex. 14, rare), par un amoindrissement important de son activité intellectuelle (ex. 9), de ses qualités morales (ex. 10, 11) :
9. Mais n'est-ce pas pitié que de voir un jeune homme au. plus brillant de sa carrière, doué d'une intelligence supérieure dont la pensée peut embrasser le monde et ses sciences, s'abâtardir, s'accroupir, s'abrutir, s'anéantir, à propos d'une coquinerie de fille, n'est-ce pas une pitié? P. Borel, Champavert, les contes immoraux,Passereau, l'écolier, 1833, p. 186.
10. À qui fait-on plaisir en s'abrutissant jusqu'à la bête féroce? À personne, pas même à soi, et à Dieu encore moins. A. de Musset, Comédies et proverbes,Lorenzaccio, 1834, I, 2, p. 90.
11. Smarh se met à rire lui-même et à mépriser la chair; il se relève, dresse la tête et s'écrie : − Satan! Satan! je ne veux pas de tes joies; autre chose! allons, un cheval! une armée! des batailles! du sang! j'en veux à y noyer des peuples! crois-tu donc que je suis fait pour m'endormir dans la mollesse et m'abrutir dans les voluptés? Arrière tout cela! G. Flaubert, Smarh,1839, p. 99.
12. J'aimerais à me rendre malade de toi, à m'en tuer, à m'en abrutir, à n'être plus qu'une espèce de sensitive que ton baiser seul ferait vivre. G. Flaubert, Correspondance,1846, p. 310.
13. Il ne me restait ni force, ni élan, ni pénétration pour quoi que ce soit, je m'abrutissais. G. Sand, Histoire de ma vie,t. 4, 1855, p. 214.
14. Bojo se présenta à la jeune princesse avec un album où étaient réunies toutes les caricatures du peintre de Modestie et Vanité. Leonara, avec des exclamations ravies, tournait lentement ces feuillets où le masque humain s'abrutit en museau, en mufle, en groin, en trogne. J. Péladan, Le Vice suprême,1884, p. 15.
15. Une rumeur lui parvint, grandissante, le vacarme de voix d'hommes criant, riant et chantant. Cela venait de la remise. Ils étaient là une cinquantaine, dans la paille et le foin, occupés à boire et à manger, brailler, disputer, rire et s'abrutir, oubliant dans une orgie brutale l'horreur de leur aventure. M. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 271.
Rem. L'allus. au subst. de base brute « animal, bête grossière » (ex. 10, 14) est exceptionnelle et peut être un arch. (ex. 10) ou le résultat d'une recherche du sens étymol. (figure étymol., ex. 14). L'im. est gén. absente du mot, resté seulement très expr. On le trouve associé à des termes péj. exprimant l'étouffement de l'intelligence et des qualités spécifiquement humaines (ex. 11 : s'endormir) ou à une série de mots indiquant les différentes manières de s'étourdir (tout l'ex. 13). Retournement mélioratif chez Flaubert (ex. 12).
B.− [Avec fréquemment un compl. introd. par la prép. de pour indiquer la cause de l'abrutissement] Diminuer par un effort excessif ou mécanique sa valeur humaine et notamment intellectuelle :
16. Je m'abrutissais de travail, et la fatigue me donnait une impression de plénitude. S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 82.
Prononc. − 1. Forme phon. : [abʀyti:ʀ], j'abrutis [ʒabʀyti]. Enq. : /abʀyti, abʀytis/. Conjug. agir. − 2. Dér. et composés : abruti, abrutissant, abrutissement, abrutisseur, abrutissoir, débrutir. Cf. brute.
Étymol. − 1. 1541 « (des hommes) rendre semblable à la brute » (Calvin, Inst. Chrét. I, XV, 2 ds DG : Le dormir en abrutissant les hommes...); 2. 1541 « (d'inanimés immatériels) rendre lourd, épais » (Id., op. cit., I, 181 ds Littré : Il confesse que la prospérité a hebeté et abruti tous ses sens). 1 dér. de brute*, subst.; 2 dér. de brut (brute masc.) adj. (relation hébété-abruti, cf. fin ives. Nonius Marcellus, p. 77 ds TLL s.v. brutus : brutum dicitur hebes et obtusum). HIST. − Entré dans la lang. au xvies., le mot s'applique également à un animé et à un inanimé abstr. (cf.étymol. 1 et 2) et n'existe d'abord qu'à la forme trans. À la fin du xviies. apparaît la forme pronom. (cf. Fur. 1690 : Les esprits foibles s'abrutissent dans la solitude) et au xixes. l'emploi absolu : Les chevaux, la chasse (...) conviendraient comme délassement, abrutissent comme occupation. Mmede Staël (Besch. 1852). Au cours des siècles le rapport existant avec l'animal est de moins en moins senti ((cf. la déf. dans Pt Rob.) « rendre semblable à la brute, dégrader l'être pensant » qualifiée de vieille ou litt.); actuell. le mot ne suggère que certaines caractéristiques que l'on prête à la bête brute (cf. sém.). Sur la valeur styl. du mot cf. Rém. sur le dict. de l'Ac. 1798 : ,,Le verbe Abrutir est un terme du bon langage. L'ancien verbe Abestir (...), est demeuré un terme patois.``
STAT. − Fréq. abs. litt. : 146.

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