A.− Vieilli. Faire, conclure rapidement quelque chose : 1. ... faisons vite, s'il vous plaît, et tâchons de bâcler l'affaire ce matin. Je fais atteler en dix minutes, nous allons à deux lieues de Paris; je corrige mon turc en un tour de main et je rentre à l'étude, avant que les petits journaux de scandale aient eu vent de notre histoire!
About, Le Nez d'un notaire,1862, p. 46.
2. Ce dernier [Saccard] recevait, de neuf heures à onze heures, le plus étrange monde qu'on pût voir : sénateurs et clercs d'huissier, duchesses et marchandes à la toilette, toute l'écume que les tempêtes de Paris jetaient le matin à sa porte, robes de soie, jupes sales, blouses, habits noirs, qu'il accueillait du même ton pressé, des mêmes gestes impatients et nerveux. Il bâclait les affaires en deux paroles, résolvait vingt difficultés à la fois et donnait les solutions en courant. On eût dit que ce petit homme remuant, dont la voix était très forte, se battait dans son cabinet avec les gens, avec les meubles, culbutait, se frappait la tête au plafond, pour en faire jaillir les idées, et retombait toujours victorieux sur ses pieds.
Zola, La Curée,1872, p. 414.
♦ Bâcler de la besogne. Cf. l'expr. abattre de la besogne, en faire beaucoup.
♦
Se bâcler une image de qqc. Se donner, se faire une image peu approfondie; connaître superficiellement quelqu'un ou quelque chose : 3. Beaucoup de parents emprisonnent simplement leurs enfants dans le besoin qu'ils ont de se les définir et leur imposent par suggestion l'image sommaire qu'ils s'en sont bâclée sur quelques impressions, qu'ils désirent ou redoutent secrètement leur voir accepter.
Mounier, Traité du caractère,1946, p. 100.
−
P. ext. Synon. de faire :4. ... pour le moment, elle continuait à s'occuper de couture, elle bâclait une robe par-ci par-là.
Zola, L'Assommoir,1877, p. 542.
B.− Péj., cour. Faire quelque chose à la hâte et sans soin. Anton. fam. fignoler :5. Qui donc avait bâclé sa chambre? La grosse Marie, sans doute : un lit recouvert à la hâte; l'eau des brocs et cuvettes jaillie, en marécage, mal essuyée sur le plancher.
Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 226.
6. ... c'était toujours le même refrain : il aurait fallu du temps pour lire avec soin les manuscrits, pour écrire aux auteurs, pour causer avec eux. Pas question; il devait se borner à feuilleter hâtivement des écrits anonymes. « Je bâcle tout », pensa-t-il en s'installant au volant de la petite auto noire. Cette belle journée aussi, il la bâclait. De jour en jour, on finit par bâcler sa vie.
S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 147.
SYNT. Bâcler une affaire, un article, la besogne, un mariage.
−
Absolument : 7. Je m'applique parfois de toutes mes forces à un thème : on y découvre cependant beaucoup de solécismes et de barbarismes. Quand je prépare la traduction d'un texte avec soin, je commets autant de contresens que si je bâcle... Alors je ne sais plus... Je me décourage...
Adam, L'Enfant d'Austerlitz,1902, p. 214.
C.− Emploi pronom. à sens passif. Se faire à la hâte et sans soin : 8. − Et vos articles? dit Lucien en roulant vers le Palais-Royal.
− Bah! Vous ne savez pas comment cela se bâcle. Quant au voyage en Égypte, j'ai ouvert le livre et lu des endroits çà et là sans le couper, j'y ai découvert onze fautes de français. Je ferai une colonne en disant que si l'auteur a appris le langage des canards gravés sur les cailloux égyptiens appelés des obélisques, il ne connaît pas sa langue, et je le lui prouverai.
Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 286.
−
[En parlant d'une affaire] Se conduire rapidement : 9. Enfin, une semaine après cette tentative avortée, Saccard eut la joie de voir l'affaire, si empêtrée d'obstacles, se bâcler brusquement, en quelques jours.
Zola, L'Argent,1891, p. 117.