A.− Faire fuir, pousser en avant. 1. [En parlant d'animaux] Chasser les vaches aux champs; chasser un troupeau de moutons : 8. Vous distinguez d'ici la chaumière d'où elles [les bergères] sortaient en filant du lin et en chassant devant elles leurs agneaux; ...
Gozlan, Le Notaire de Chantilly,1836, p. 82.
♦ Chasser les mouches. Les écarter d'un geste de la main.
−
Péj. [En parlant de pers. traitées comme du bétail] :
9. ... on voit descendre des troupeaux de femmes, d'enfants et de vieillards, que les soldats chassent devant eux.
Chateaubriand, Les Martyrs,t. 2, 1810, p. 178.
− P. ext. Chasser l'ennemi devant soi.
2. [En parlant d'inanimés] Le vent chasse la pluie, la neige de ce côté. Il [Michu] prit alors la carabine et se mit en devoir d'y chasser une balle (Balzac, Une Ténébreuse affaire,1841, p. 47).Formon souleva l'espagnolette, chassa les volets et... respira (E. Estaunié, Le Silence dans la campagne,1925, p. 22):10. On entendait, au loin dans la rue, les commères rire entre elles, en chassant à grands coups de balais la neige fondante le long des rigoles, ...
Erckmann-Chatrian, L'Ami Fritz,1864, p. 8.
SYNT. Chasser une balle (jeu de paume). La pousser en avant. Chasser les cerceaux d'un fût, d'un tonneau. Il faut chasser ce clou dans la muraille, dans la poutre, à coups de marteau (Ac. 1835-1932).
B.− [Le compl. de lieu est introduit par les prép. ou loc. prép. de, hors de, loin de] Pousser dehors loin de soi, faire sortir. 1. [En parlant de pers.] Chasser un ennemi; il a été chassé de son pays : 11. Arnim fut plus heureux dans son expédition contre la Bohême : il chassa les Autrichiens de la capitale de ce pays.
Constant, Wallstein,Notes hist., 1809, p. 212.
−
Spéc. [En parlant d'un domestique, d'une femme] Congédier, renvoyer. Tu m'as chassée, tu m'as répudiée, tu m'as enfermée dans le harem! (Du Camp, Mémoires d'un suicidé,1853, p. 200):12. ... je vous conjure de renvoyer votre valet de chambre (...). Ce qu'il a fait (...) c'est épouvantable (...) je ne peux pas le dire (...) Chassez-le! chassez-le!
A. France, Jocaste,1879, p. 76.
−
Faire sortir de chez soi, de sa maison, mettre à la porte. Les maçons, les peintres le chassent de chez lui. Pardon si je vous chasse, mais il faut que je sorte : 13. Mais le jour où vous voudriez m'amener votre mère, nous chasserions tout le monde et je pourrais vous loger tous les quatre assez supportablement.
Mmede Staël, Lettres diverses,1794, p. 662.
− Au fig. La nuit nous chassa. Le jour chasse les ténèbres. Puis le matin vient chasser l'ombre (Sainte-Beuve, Poésies,Pour un ami, 1829, p. 66).
2. [En parlant d'obj., de substances] Chasser un clou. Le faire sortir de l'endroit dans lequel il était enfoncé. La jeune fille (...) aperçut le vieux soldat chassant des clous et posant des tableaux sur les murs (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 307).Chasser une mauvaise odeur; chasser un poison hors du corps. − Au fig. Écarter, essayer de fuir. Chasser l'ennui, les chagrins, les mauvaises pensées, un souvenir. Elle passa la main sur son front, comme pour chasser une illusion (G. Sand, Lélia,1839, p. 524).Le journalier se retourna dans le lit, essayant de chasser les idées sombres qui le tenaient depuis des heures éveillé (R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 42).
C. − Loc. et proverbes ♦
La faim chasse le loup du bois. Les nécessités matérielles font faire beaucoup de choses à contrecœur : 14. − Il [votre neveu] dit qu'il ne veut pas manger, répondit Nanon. Ça n'est pas sain.
− Autant d'économisé, lui répliqua son maître.
− Dame, voui, dit-elle.
− Bah! il ne pleurera pas toujours. La faim chasse le loup hors du bois.
Balzac, Eugénie Grandet,1834, p. 118.
♦ Un clou chasse l'autre. Un sentiment (ou une personne) succède à un autre et écarte le souvenir du précédent. − Un clou chasse l'autre, murmura philosophiquement le petit homme à conserves bleues; on guérit l'amour par l'amour (Ponson du Terrail, Rocambole,t. 1, L'Héritage mystérieux, 1859, p. 413).
♦ Chassez le naturel, il revient au galop. Rien ne sert de déguiser sa personnalité, elle finit toujours par se trahir (cf. Destutt de Tracy, Commentaire sur l'Esprit des lois de Montesquieu, 1807, p. 32).