a) PHILOS. Surmonter une difficulté, une contradiction en se plaçant à un niveau où les oppositions s'effacent. « Le mouvement vers l'unité » (...) se donna pour doctrine de dépasser ensemble le gaullisme et la collaboration (Abellio, Pacifiques,1946, p. 383):2. Le progrès que nous décrivons n'est donc pas le progrès synthétique hégélien qui dépasse à la fois la thèse et l'antithèse et les englobe dans la synthèse, c'est le progrès d'une réflexion qui transcende ses propres positions.
Marcel, Journal métaphysique,1914, p. 12.
b) Usuel. Aller ou se situer au-delà d'un certain seuil, de certaines limites; spéc. aller au-delà de ce qui est attendu ou habituel, de ce qui est permis, de ce qui est possible ou concevable. Le monde n'aime pas beaucoup les mérites qui dépassent la mesure commune, qui est la sienne (Feuillet, Paris.,1881, p. 138).Un sans-façon dépassant toutes les bornes (Renan, Drames philos., Jour an,1886, p. 702).Ou les mots dépassent la pensée, ou ils la diminuent (Renard, Journal,1908, p. 1160).La bassesse du genre humain dépasse toutes les limites (J. Bousquet, Trad. silence,1935-36, p. 198).Le révolutionnaire veut changer le monde, il le dépasse vers l'avenir (Sartre, Baudelaire,1947, p. 58).Je croyais possible de dépasser la médiocrité bourgeoise sans quitter la bourgeoisie (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 188).Le tumulte de la presse et l'émotion de l'opinion dépassèrent les limites imaginables (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 186):3. La vraie grandeur de l'artiste, c'est de dépasser son objet, et de faire plus qu'il ne veut, et tout autre chose, de passer par-dessus le but, de traverser le possible, et de voir encore au delà.
Michelet, L'Oiseau,1856, p. 252.
4. La guerre n'est pas une querelle d'homme à homme; elle dépasse les individus : elle est une aventure entre des nations...
Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 340.
SYNT. Dépasser les forces, les possibilités de qqn; dépasser l'entendement, l'imagination, tout ce qu'on peut imaginer; un résultat qui dépasse l'attente, les espérances, les prévisions. Dépasser les ordres qu'on a reçus; dépasser ses pouvoirs (Ac.)
♦ Dépasser qqn. Le déconcerter, dérouter ses conceptions habituelles. La passion sauvage de cet homme me dépasse (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 267).Fam. Ça me dépasse qu'on puisse faire des trucs pareils (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 389).
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Au passif (gén. péj.) [Le suj. désigne une pers.] Fam. Être dépassé (par les événements, par la situation). N'être pas en mesure ou pas capable de dominer les événements ou la situation. Elle [Louise] se mit à l'ouvrage, avec son courage habituel, et fut bientôt dépassée (Camus, Exil et roy.,1957, p. 1646).[Le suj. désigne une chose, une doctrine, une œuvre] Être démodé, périmé. Ces (...) machines sont, tous les cinq ans (...) dépassées par quelque invention (Michelet, Peuple,1846, p. 115).Lecture de Havelock Ellis largement dépassé par des ouvrages plus récents (Green, Journal,1951, p. 354).♦
Emploi pronom. réfl., gén. laud. Aller au-delà de ses propres limites : 5. Ce qui importe, c'est de « se dépasser ». Il faut se dépasser, non se modifier, mais se porter en avant de soi-même d'un coup de collier violent.
Rivière, Correspondance[avec Alain-Fournier], 1906, p. 210.