1. [Princ. dans les relig. antiques grecque et romaine] Être appartenant au monde supérieur ou inférieur, doué de qualités de transcendance qui le font coexister avec des êtres de même rang et doté d'attributs, notamment anthropomorphes, se manifestant dans ses missions auprès des hommes, avec lesquels il entre en relation pour orienter leur existence ou pour satisfaire son besoin de communication et dont il reçoit l'hommage cultuel. Les dieux du Panthéon grec, les dieux du ciel, de l'enfer. On a cru qu'il pouvait y avoir (...) des dieux bons et méchans (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 93).Les dieux sont censés se partager l'univers. (...). Les Grecs partagent le monde entre Zeus, Dieu du ciel et de la terre, Poséidon, dieu des mers, et Hadès, auquel appartient le royaume infernal (Bergson, Deux sources,1932, p. 202).À côté des dieux et déesses, il existe d'autres figures religieuses, qui parfois jouissent d'un prestige égal ou même supérieur : les héros civilisateurs, les ancêtres mythiques, les âmes des morts (les mânes), les esprits de la nature, etc. En certains cas se produit une coalescence de ces derniers − surtout les héros civilisateurs, les ancêtres mythiques, les esprits de la nature − et des dieux et déesses; ou bien ils empruntent les prestiges et les symboles des divinités (Encyclop. univ.,1972, p. 588):1. Il faut voir quelle place la religion occupe dans la vie d'un Romain (...). C'est un dieu que son foyer; les murs, les portes, le seuil sont des dieux; les bornes qui entourent son champ sont encore des dieux. Le tombeau est un autel, et ses ancêtres sont des êtres divins.
Fustel de Coulanges,La Cité antique,1864,p. 269.
2. Le concept grec de la divinité est essentiellement polythéiste − il y a beaucoup de dieux : c'est la cité, la famille des dieux. Mais cette conception est enclose dans la représentation d'un dieu suprême, père des dieux et des hommes. Les nombreux dieux signifient la plénitude de la vie divine : le Dieu unique, ce serait tout juste un appauvrissement du divin (cf. Platon, Nom. X, 899 b).
Fries t. 1, 1965, pp. 339-340.
3. Les grands dieux vivent loin des hommes, les uns dans le ciel, les autres dans les profondeurs de la mer ou du sol. Entre l'homme et le dieu, il n'est plus question de communion, mais de relations de bon voisinage; au lieu d'une participation pathétique aux drames divins, des rapports contractuels s'établissent sur une base de réciprocité, les prières et les sacrifices appelant en retour faveurs et bénédictions.
Hist. des relig.,1970, t. 1, p. 503 (encyclop. de la Pléiade).
SYNT. Dieux de la patrie, de la cité, du foyer; dieux de l'Olympe; dieu du jour, de la lumière, du printemps, des eaux, des moissons, des orages, de l'ouragan, des morts, de l'amour, de la poésie, de la guerre; cosmogonies, histoire, pluralité, attributs des dieux; culte, adoration, prêtre(sse), oracle des dieux; séjour, résidence des dieux (de l'Olympe); assemblée des dieux et des déesses; volontés, faveur, clémence, caprice, malveillance, colère, courroux, ressentiment, cruauté, punition, crainte des dieux; honorer les dieux, prier les dieux et les déesses; célébrer, chanter, encenser, consulter, contenter, remercier, insulter, offenser, outrager les dieux; apaiser les dieux irrités; plaire aux dieux; faire des oblations, des offrandes aux dieux; bâtir des temples, offrir des sacrifices, être immolé aux dieux, sacrifier aux dieux; rendre grâce aux dieux de + inf.; appeler la protection des dieux, implorer le secours des dieux, être protégé des dieux; attirer, conjurer, apaiser la colère des dieux, redouter la vengeance des dieux; rendre un culte à un dieu, consacrer qqc. à un dieu; renier ses dieux.
Dieu majeur, supérieur, principal; grand dieu; roi, maître, chef, dieu des dieux... P. oppos. Dieu(x) secondaire(s), mineur(s), subalterne(s), inférieur(s)... Les dieux de la Fable. Les dieux de la mythologie gréco-romaine : 4. ... c'est pour notre commodité que nous définissons et classons ainsi les dieux de la Fable. Aucune loi n'a présidé à leur naissance, non plus qu'à leur développement; l'humanité a laissé ici libre jeu à son instinct de fabulation.
Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, p. 204.
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[Ces dieux en tant qu'ils sont représentés] Pour loger le dieu qui s'incarne en une image de pierre, il faut une maison, et cette maison, c'est le temple (Encyclop. univ.,1971, p. 1055):5. Le soin de figurer les images et les statues des dieux en Égypte n'était point abandonné aux artistes ordinaires. Les prêtres en donnaient les dessins, et c'était sur des sphères, c'est-à-dire, d'après l'inspection du ciel et de ses images astronomiques, qu'ils en déterminaient les formes.
Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 36.
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[Les dieux de la mythol. gréco-romaine pressentis par les poètes] Les dieux sont muets, et la vie est triste (Dierx, Poèmes,1864, p. 45).Car la même clameur que pousse encor la mer, Monte de l'homme aux Dieux, vainement éternelle (Heredia, Trophées,1893, p. 147).C'est déjà, sourdement sous l'herbe et dans les bois L'impétueux réveil des dieux chauds et vivaces (Noailles, Ombre jours,1902, p. 48).Cette ombre des dieux qui tient tout le ciel, qui marche avec l'ombre des nuages (Giono, Eau vive,1943, p. 29):6. Tout à l'heure, avec la première étoile, la nuit tombera sur la scène du monde. Les dieux éclatants du jour retourneront à leur mort quotidienne. Mais d'autres dieux viendront. Et pour être plus sombres, leurs faces ravagées seront nées cependant dans le cœur de la terre.
Camus,Noces,1938,p. 25.
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[Dans d'autres relig., notamment dans certaines relig. orientales ainsi que dans certaines croyances primitives] [Dans l'Égypte antique] Dieu solaire. Dès l'époque ancienne le dieu Soleil avait absorbé diverses divinités telles qu'Atum, Horus et le scarabée Khipri (Encyclop. univ.,1972, p. 591):7. Créés par le démiurge, les dieux ne peuvent évidemment avoir qu'un pouvoir inférieur au sien, limité à une sphère particulière comme il convient à des manifestations de forces naturelles le plus souvent locales. Cependant, les diverses théologies cherchent à démontrer la prééminence du dieu local dans l'ensemble de la création, de sorte qu'il ne saurait être question de vouloir préciser la compétence d'une divinité égyptienne comme on l'a fait pour les dieux grecs ou romains, ...
Hist. des relig.,t. 1, 1970, pp. 84-85 (encyclop. de la Pléiade).
[En Asie, en partic. dans l'Hindouisme] Les habitans de l'île Formose ne connaissaient point d'autres dieux que le soleil et la lune, qu'ils regardaient comme deux divinités ou causes suprêmes; idée absolument semblable à celle que les Égyptiens et les Phéniciens avaient de ces deux astres (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 24):8. ... au milieu de la multitude des dieux, trois grandes figures s'imposent : Brahmā, Visnu et Siva. Assez tardivement on a désigné le groupe par l'expression trimūrti, les « trois formes » du divin. (...). La trimūrti, en tant que telle, ne reçoit pas de culte particulier, mais chacun de ses membres peut devenir le Dieu suprême.
Hist. des relig., t. 1, 1970, pp. 1006-1007 (encyclop. de la Pléiade).
[Chez les Celtes, les Germains, les Slaves, etc., et dans certaines croyances primitives d'Asie centrale, d'Afrique, d'Amérique centrale, d'Australie] Le dieu champion Thôrr. Chez les peuples pasteurs de l'Asie centrale, les dieux célestes présentent un caractère nouveau : la souveraineté (Encyclop. univ.,1972, p. 590):9. Les habitants de l'isthme de Panama, et de tout ce qu'on appelle terre-ferme, croyaient qu'il y a un dieu au ciel, et que ce dieu était le soleil, mari de la lune; ils adoraient ces deux astres comme les deux causes suprêmes qui régissent le monde.
Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, p. 34.
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Spéc. Homme (en particulier empereur ou pharaon) divinisé. [Dans la relig. égyptienne] Animal divinisé. Lorsqu'un roi montait sur le trône, il donnait ordre de tailler son tombeau. (...). Tant que le roi vivait, on creusait sans repos et sans trêve; le jour où il mourait et prenait rang parmi les dieux, le travail cessait (Du Camp, Nil,1854, p. 253):10. Nous voulons parler du culte des animaux, (...) certains l'ont considéré comme plus naturel encore que l'adoration des dieux à forme humaine. Nous le voyons se conserver, vivace et tenace, là même où l'homme se représente déjà des dieux à son image. C'est ainsi qu'il subsista jusqu'au bout dans l'ancienne Égypte. Parfois le dieu qui a émergé de la forme animale refuse de l'abandonner tout à fait; à son corps d'homme il superposera une tête d'animal.
Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, pp. 190-191.
− [P. réf. aux Actes des Apôtres XVII, 22-23] Au/à un dieu inconnu (en lat. Deo ignoto). Inscription figurant sur un temple d'Athènes, interprétée par saint Paul ,,comme le pressentiment de l'existence d'un Dieu unique, bon et transcendant`` (Symboles 1969). Il [Mario Meunier] m'a entretenu de l'autel au dieu inconnaissable, que saint Paul appelle le dieu inconnu, et il admire le sens métaphysique de ceux qui ont élevé cet autel (Green, Journal,1932, p. 85).
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Loc., exclam. dans les traductions de textes antiques, dans les œuvres mettant en scène des personnages de l'Antiquité, ou dans la lang. poétique.
♦ [Pour exprimer un regret] Plût aux dieux (que + subj.). Plût aux dieux que je ne fusse jamais né!... (Balzac, Corresp.,1821, p. 111).
♦ [Pour exprimer une prière, un souhait] (Que) les dieux te protègent! Que les dieux immortels nous assistent! Danse-La-Nuit. − La réponse est ici; entre! Le Poëte. − J'entrerai donc! Que tous les dieux me soient en aide! (Claudel, Endormie,1883, p. 16).Je ferai selon ton désir, et que les dieux soient avec nous! (Claudel, Choéphores,1920, p. 936).
♦ [Pour accompagner l'expression d'une prière] Dieux! Ô dieux justes! Ô dieux protecteurs! Ô dieux hospitaliers! Ô dieux cruels! Ô dieux farouches! Ô dieux inexorables! Ô justes dieux, grands dieux! Secourez ma faiblesse. Je t'implore, ô mon père, ô Zeus! (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,Hélène, 1845, p. 72).
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[Pour renforcer une affirmation, une promesse, un serment] À quelque extrémité que mon héros m'entraîne, Je jure par les dieux que je cède à regret (Bouilhet, Melaenis,1857, p. 50):11. pâris. −
(...),
Et tu seras à moi, noble femme que j'aime!
Les dieux me l'ont promis; nous trompent-ils jamais?
hélène.
− Les dieux m'en sont témoins, étranger, je te hais.
Ta voix m'est odieuse et ton aspect me blesse.
Leconte de Lisle, Poèmes ant.,Hélène, 1845, p. 72.
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P. méton., au plur. [Pour désigner les relig.] Dans le linceul de pourpre où dorment les dieux morts (Renan, Prière sur l'Acropoleds Souv. enf.).Rem. Le mot dieu apparaît dans le titre de nombreuses œuvres littér. ou mus. : Les Dieux (Alain), Le Crépuscule des dieux (E. Bourges,) les Dieux ont soif (A. France), Le Dieu des corps (J. Romains); Le Crépuscule des dieux, drame de Richard Wagner constituant la quatrième partie de la Tétralogie inspirée de la mythologie scandinave.