a) [Le suj. et l'obj. désignent une pers.] −
[Gén. suivi d'un compl. prép. indiquant à quoi la pers. est élevée] Porter dans un haut rang, dans un rang supérieur. Élever sur le trône, aux charges, aux honneurs, au plus haut rang. Tout le rêve de la démocratie est d'élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois (Flaub., Corresp.,1871, p. 287).Nous mettrons Eugénie à la porte, à moins que nous ne l'élevions à la dignité d'intendante générale de la maison (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 83).♦ Emploi pronom. Je n'aurais pas désiré m'élever au rang de profès (Huysmans, Oblat,t. 2, 1903, p. 265).[Ils] avaient mis cent ans à s'élever au trône (Bainville, Hist. Fr.,t. 1, 1924, p. 51).V. ambition ex 2.
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Attribuer la supériorité, l'avantage sur les autres. Élever quelqu'un au-dessus des autres (Ac.1798-1932).♦ P. exagér. Élever qqn aux nues. En faire un éloge excessif. Emploi pronom. Un danseur qui, en Italie, s'était élevé jusqu'aux nues (Berlioz, Grotesques mus.,1869, p. 40).
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P. métaph., emploi pronom. Se mettre au-dessus des autres par orgueil. Synon. s'enorgueillir :4. ... je cessai de m'élever dans mon orgueil au-dessus de mes compagnons d'infortune, je m'humiliai devant Dieu et j'acceptai de lui l'abaissement où j'étais réduit en vivant parmi eux.
Sand, Lélia,1839, p. 372.
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Emploi pronom. réfl. Faire en sorte qu'on soit placé à un niveau social plus haut, plus important, dans une société hiérarchisée. M'élever au-dessus de ma condition princière et sortir du néant et du Gotha (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 307).Il faut toujours à l'homme, pour s'élever parmi ses semblables, une petite chance supplémentaire (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 112):5. Je n'ai plus le courage de m'élever au-dessus de la classe médiocre ou infime dans laquelle je suis rangé par l'opinion des hommes avec qui je suis en rapport. J'ai dans la société comme dans les conseils un ton timide, un air humble qui tend à me ravaler de plus en plus.
Maine de Biran, Journal,1818, p. 141.
b) [Le suj. désigne une pers.; l'obj. désigne un inanimé] Accorder une place bien en vue, une importance nouvelle à. Élever la boulangerie à la hauteur d'une institution nationale (Renard, Journal,1887, p. 7).Élever en quelque sorte la brique à la dignité de la pierre (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 162).Élever au rang d'idoles le rond de cuir du bureaucrate (Faure, Esprit formes,1927, p. 263).− Emploi pronom. à sens passif. Les tragédies en prose qui s'élèvent au-dessus du genre du drame (Staël, Allemagne,t. 3, 1810, p. 172).Le dessin ne peut s'élever au portrait (Alain, Beaux-Arts,1920, p. 292).
c) [Le suj. désigne une pers.; l'obj. désigne une faculté ou une attitude de cette pers.] Porter plus haut dans l'ordre intellectuel, moral ou spirituel. Le vin (...) élevait son âme au-dessus des élans de passion qu'il avait (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 242).Leconte de Lisle éleva le niveau de l'intelligence artistique (Barrès, Cahiers, t. 2, 1898-1902, p. 269):6. Je veux que ceux qui suivent mon cours emportent, de leur bref contact avec moi, autre chose que quelques connaissances exactes; je fais le rêve d'élever leur niveau moral, d'exalter leurs personnalités, de marquer à jamais ces âmes qui s'offrent à l'empreinte : et vraiment je crois obtenir un résultat qui n'est pas indigne de tout mon effort.
Martin du Gard, Jean Barois,1915, p. 263.
− [Avec un compl. indiquant le but] Élever son cœur, son esprit, son âme à Dieu, vers Dieu. ,,Porter ses pensées, ses désirs vers Dieu`` (Ac. 1798-1932).
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Emploi pronom. réfl. [Suivi d'un compl. prép. indiquant au-dessus de quoi, jusqu'où, vers quoi la pers. s'élève] Elle est incapable de s'élever jusqu'à comprendre Wilfrid (Gobineau, Pléiades,1874, p. 264).Ils s'élevèrent à des considérations sur l'origine du monde (Flaub., Bouvard,t. 1, 1880, p. 90).Voyons, il faudrait s'élever au-dessus de cela, tâcher de planer un peu, se débarrasser des contingences (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1908, p. 325).♦ P. anal. [Le suj. désigne une forme d'expr.] Haydn lui paraissait [à Chenavard] avoir le style comique, le style de la comédie; il s'élève rarement jusqu'au pathétique (Delacroix, Journal,1854, p. 160).
− Emploi pronom. à sens passif. Devenir moralement plus grand. Au lieu de s'élever par elle [la beauté], il [le voluptueux] jouit de la rabaisser aux amours lascives (Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 88).Par la foi l'homme veut s'élever et s'élève en effet (Alain, Beaux-arts,1920, p. 95).
d) [Le suj. désigne un inanimé abstr.; l'obj. désigne une pers. ou un aspect de cette pers.] Porter à des sentiments plus élevés. Élever l'esprit. Synon. ennoblir, fortifier.Nobles textes qui élèvent l'âme (Montherl., Malatesta,1946, IV, 9, p. 533).−
Emploi pronom. J'ai senti mon âme s'élever au contact de la vôtre (Sand, Lélia,1839, p. 464).Il faut se rendre digne. Il faut s'élever! Il faut s'ennoblir (Dupanloup, Journal,1876, p. 97):7. Les souffrances que lui cause [à l'amour] l'objet aimé le font grandir et s'élever tant qu'il peut s'élever et grandir encore, mais lorsque, émanant tous ses parfums, riche de fleurs, profond de racines et large d'ombrage, il est monté jusqu'à la hauteur où Dieu lui a permis d'atteindre...
Flaubert, 1reÉducation sentimentale,1845, p. 202.
8. ... il n'y a rien au monde qui s'embellisse plus aisément qu'une âme. Il n'y a rien au monde qui s'élève plus naturellement et s'ennoblisse plus promptement.
Maeterlinck, Le Trésor des humbles,1896, p. 251.
Rem. On rencontre ds la docum. élevant, ante en emploi adj. Qui élève. L'action élevante et illuminante du Christ (Teilhard de Ch., Milieu divin, 1955, p. 182).