1. [Le compl. d'obj. désigne une chose] Embrasser qqc. (vieilli).Embrasser un tronc d'arbre, tenir qqc. embrassé. Je me dépouille de mon habit, j'embrasse l'orme et je commence à monter (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 81):1. Elle marchait derrière les faucheurs en tordant un lien de javelle. Tous les sept pas (...) elle se baissait, elle embrassait sur la terre les épis renversés, elle les serrait contre elle, elle les attachait d'un lien, elle rejetait sur la terre une gerbe...
Giono, Que ma joie demeure,1935, p. 449.
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P. ext. ♦ [Avec un seul bras] Un de mes bras nus, presque horizontal, embrassait le dossier (Arnoux, Roi,1956, p. 257).
♦ [Avec les mains, les cuisses ou les jambes] D'admirables mains de soldat, (...) des mains qui avaient embrassé la poignée du sabre (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 20).Gassien, dont les cuisses embrassaient une sorte de créneau (Arnoux, Suite var.,1925, p. 165).
2. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Embrasser qqn.Tenir qqn embrassé. Il aurait voulu l'embrasser des deux bras et la battre (Pourrat, Gaspard,1931, p. 186).− Loc. Embrasser les pieds, les genoux de qqn. Se prosterner à ses pieds, serrer ses genoux en l'implorant, (formule de supplication). Ma part dans ta vengeance! Oh! Fais-moi cette grâce! Et s'il faut embrasser tes pieds, je les embrasse! (Hugo, Hernani,1830, III, 8, p. 91).Les habitans embrassèrent les genoux du Vercingétorix, et le supplièrent de ne pas ruiner la plus belle ville des Gaules (Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 248).
− Emploi pronom. réciproque. Je les jetai dehors [les deux hommes] si brusquement qu'ils s'embrassèrent avec violence deux fois de suite (Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 86).
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Spéc. Étreindre (quelqu'un) avec ses bras pour exprimer son amitié, son affection, sa tendresse, son amour... Il s'avança précipitamment vers lui, et l'embrassa avec toutes les démonstrations d'une vive amitié (Genlis, Chev. Cygne,t. 2, 1795, p. 180).En parlant ainsi, il [Musdoemon] étreignait en ennemi celui qu'il venait d'embrasser en frère (Hugo, Han d'Isl.,1823, p. 554):2. ... nous étions dans les bras l'un de l'autre. Marguerite cachait sa figure sur mon épaule; elle était à moi. Quel bonheur de pouvoir embrasser ainsi celle qu'on aime, devant tout le monde, devant ses parents, devant ses amis! ... Ah! qu'on est fier de la tenir, et quelle force il faudrait pour vous l'ôter!
Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan,t. 1, 1870, p. 494.
♦ P. méton. Ces bras qui embrassent si tendrement (E. de Guérin, Lettres,1840, p. 384).
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Emploi pronom. réciproque. Nous nous embrassâmes à tour de bras et nous baisâmes à pleines lèvres (Verlaine,
Œuvres complètes,t. 5, Confess., 1895, p. 155).Rem. 1. Cette étreinte s'accompagne souvent d'un baiser (cf. citation de Verlaine), d'où l'emploi extensif (infra), rendu d'autant plus nécessaire que le verbe baiser évoluait vulgairement. 2. Il n'est pas toujours aisé, lorsque le cont. n'apporte pas la précision, de discerner si l'étreinte s'accompagne ou non d'un baiser.
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P. ext. Donner un ou plusieurs baisers (à quelqu'un) généralement en le prenant et le serrant dans ses bras. Embrasser sa mère, sa femme, ses enfants. Kobus, entourant Iôsef de ses deux bras, se mit à l'embrasser les larmes aux yeux (Erckm.-Chatr., Ami Fritz,1864, p. 204).Il avait un furieux désir d'elle, et il aurait bien voulu l'embrasser à la bouche et la baiser (Jouve, Scène capit.,1935, p. 22):3. ... sans parler, elle l'étreignait de nouveau et l'embrassait jusqu'à l'étouffement. − L'enfant redoutait fort ces rudes et silencieuses caresses.
Reider, MlleVallantin,1862, p. 43.
SYNT. Embrasser ses parents, un ami; embrasser les joues de qqn, embrasser qqn sur les (deux) joues; embrasser qqn au front, sur le front; embrasser les yeux, les cheveux, le cou de qqn; embrasser qqn sur la bouche/sur les lèvres, embrasser qqn à pleine bouche/à pleines lèvres; embrasser qqn avec amour, ardeur; embrasser qqn très fort, de toutes ses forces, de tout son cœur; embrasser qqn en cachette; embrasser qqn longuement, tendrement, passionnément; ne pas oser embrasser qqn, avoir envie d'embrasser qqn, permettre à qqn de nous embrasser, se laisser embrasser par qqn; charger qqn d'embrasser qqn; embrassons-nous.
♦ [Formules épistolaires] Votre fille qui vous embrasse; je t'embrasse cordialement, tendrement; je t'embrasse en cœur et en esprit; je t'embrasse comme je t'aime; en attendant, je t'embrasse mille fois sur tes lèvres adorées; je n'ai plus que la place de vous embrasser. Je vous embrasse et vous serre contre un cœur qui vous est dévoué (Balzac, Corresp.,1838, p. 367).
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En partic. Embrasser la main de qqn. ♦
[D'une femme] Lui faire le baisemain *. Synon. baiser sa main :4. ... son fils ayant embrassé la main dudit [Jacques Blanche], comme elle lui avait dit : « On n'embrasse que la main d'une femme », son enfant lui avait répondu : « Mais maman, il a l'air d'une vieille demoiselle. »
Goncourt, Journal,1892, p. 237.
Rem. Littré, condamnant l'emploi de embrasser dans le sens « donner un/des baisers », note, à propos de l'expr. embrasser la main (d'une femme) : ,,On lit parfois dans les auteurs contemporains : il lui embrasse la main. C'est mal parler; il faut dire : il lui baise la main. Embrasser c'est non appliquer la bouche, mais serrer dans les bras``.
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[D'un homme d'Église, en signe de respect] :
5. Sa piété c'est une drôle de piété! C'est de s'enfermer, se mettre sous clef, le jour, chez elle; et puis d'aller embrasser les mains des abbés, ces sales mains-là!
Goncourt, Journal,1868, p. 449.
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Rare. [Le compl. d'obj. désigne une chose] Elle se baissait pour embrasser la pierre du turban ou pour coller son oreille à la tombe (Lamart., Destinées poésie,1834, p. 393).Mais j'aurais aussi bien embrassé un bouquet, ou une pêche mûre. Il y a des parfums qu'on ne respire bien qu'avec la bouche (Colette, Cl. Paris,1901, p. 116).♦ En partic., dans le domaine relig.Notre Havre-de-Grâce, Garde-nous, etc... (...) Médaille que j'embrasse; Garde-moi (Nouveau, Valentines,1886, p. 243).Paulina embrassait la relique de saint Vincent (Jouve, Paulina,1925, p. 225).Il s'est reprosterné à genoux, il embrassait son crucifix... Il faisait des mille signes de croix... (Céline, Mort à crédit,1936, p. 668).
− P. métaph. Mon talon glissa sur une écorce de pastèque, et j'embrassais certainement le sol (...) si la jeune femme n'eût avancé le bras pour me soutenir (France, Le Crime de Sylvestre Bonnard,Paris, Calmann-Lévy, 1900, p. 49).
− Emploi pronom. réciproque. Se donner, échanger un/des baisers. Époux qui s'embrassent tendrement, couple qui s'embrasse éperdument. Sur l'écran, deux amoureux s'embrassaient à pleine bouche (Dabit, Hôtel,1929, p. 111).