1. Pousser un ou des cri(s) prolongé(s), aigu(s) et violent(s). Hurler comme un forcené, un possédé; un fou, la foule hurle. Cette assemblée en délire hurla, siffla, chanta, cria, rugit, gronda (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 63).Le nourrisson qui sent la pointe d'une épingle hurle comme s'il était malade au plus profond; c'est qu'il n'a pas idée de la cause ni du remède (Alain, Propos,1923, p. 529) :2. ... tous se mirent à hurler sans discontinuer, d'un long cri collectif et incolore, sans respiration apparente, sans modulations, comme si les corps se nouaient tout entiers, muscles et nerfs, en une seule émission épuisante qui donnait enfin la parole en chacun d'eux à un être jusque-là absolument silencieux. Et sans que le cri cessât, les femmes, une à une, se mirent à tomber.
Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1674.
− [Constr. avec un compl. causal désignant un affect, introd. par de] Je le meurtris si outrageusement d'un coup de mes souliers ferrés, qu'il hurla de douleur et me laissa tomber à terre (About, Roi mont.,1857, p. 205).On entend hurler d'angoisse et d'épouvante la victime (Sully Prudh., Justice,1878, p. 67).
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Loc. fig. Hurler avec les loups, avec (un groupe de personnes). Agir, parler comme ceux avec qui on se trouve. La critique, reconnaissons-le, comprend mieux ses devoirs qui sont, non de hurler avec les loups et de flatter les goûts du public, mais de le ramener, ce public hostile ou indifférent, au véritable critérium en fait d'art et de poésie (Verlaine,
Œuvres posth., t. 2, Baudel., 1865, p. 8).Des chefs et des gouverneurs timides et obligés de hurler avec la populace, de peur de la voir se déchaîner (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 11, 1868, p. 259).V.
braire ex. 1 :
3. Jamais on ne vit, chez tant de représentants du droit, un si beau concert de silence. Je ne dis rien de ceux qui trouvèrent plus prudent de hurler avec les loups. Une curieuse catégorie encore, celle des gens qui n'ont rien lu, ne savent rien, et n'ont pas trouvé le moyen de se faire une opinion.
Clemenceau, Iniquité,1899, p. 260.
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P. exagér. [Dans une tournure qualificative] C'est à hurler, à faire hurler. L'art me donne quelquefois des désespoirs à hurler, des fatigues à en mourir (Flaub., Corresp.,1860, p. 264).C'est à hurler de rage quand on songe que ce peintre qui, dans la hiérarchie du médiocre, est maître, est chef d'école (Huysmans, Art mod.,1883, p. 26).Hier soir, vu une pièce absurde sur la défaite française : Candle in the wind. Le ton en est faux à faire hurler (Green, Journal,1941, p. 152).SYNT. Hurler de désespoir, de frayeur, de fureur, d'horreur, de joie, de peur, de terreur; hurler et gémir, gueuler, pleurer, vociférer; hurler et se débattre, gesticuler, trépigner.
2. P. ext. a) Parler, crier, chanter de toutes ses forces. Synon. beugler (fam.), brailler (fam.), crier, gueuler (vulg.), vociférer.Hurler comme un sourd; hurler à se casser la voix. Avec une horrible voix du gosier, la fille soudain hurla en patois (Mauriac, Génitrix,1923, p. 394) :4. Tous les officiers sont ici, d'une politesse exemplaire. Plus le grade est élevé, plus la voix est douce! Le sous-lieutenant est ou peut être rogue. Le sergent hurle, par habitude, par tradition. Je crois que dans l'armée américaine, je suis le seul sergent qui ne hurle pas.
Green, Journal,1942, p. 281.
− En partic. [Empl. pour qualifier de façon dépréc. l'émission vocale d'un acteur, d'un orateur, d'un chanteur] Dire, chanter en exagérant les effets de voix, d'une manière où on sent l'effort. Et les chanteurs [français] (...) et les cantatrices? (...) ils ne chantent pas, ils crient, ils hurlent du nez, du gosier (Melchissédec, Pour chanter,1913, p. 213).
b) P. exagér., péj. Parler avec véhémence (pour protester, réclamer). Tel qu'il est, ce mariage qu'on ne peut attaquer sans entendre hurler autour de soi les bégueules et les petits esprits, il peut devenir une source de bonheur et d'amour (Zola, Corresp. [avec Baille], 1860, p. 113).Plus que jamais les créanciers hurlaient. On voyait parfois errer des huissiers jusqu'aux portes de Bradenham. Quatre candidatures, une maîtresse dépensière, un dandysme coûteux, avaient triplé les dettes de Disraëli (Maurois, Disraëli,1927, p. 103).− [Constr. avec un compl. prép. introd. par après, contre] Ce même siècle [le dix-huitième] ne cessa de hurler (...) contre tous les philosophes qui ont commencé par les principes abstraits, au lieu de les chercher dans l'expérience (J. de Maistre, Pape,1819, p. 257).Quand te verra-t-on tonner contre l'immoralité de la littérature moderne et hurler après ces bons et pacifiques républicains? (Flaub., Corresp.,1844, p. 157).
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Faire hurler (qqn).Provoquer chez (quelqu'un) une vive réaction d'indignation, de protestation. Je sais que je vais te faire hurler. Toi, tu es, malgré le désert, l'homme de la communauté (Duhamel, Maîtres,1937, p. 219) :5. ... la marquise de Belbeuf, née Morny, et notre admirable Colette (Willy), se montrèrent sur la scène d'un music-hall, exactement le Moulin-Rouge, dans une tenue qui effaroucha et fit hurler les mauvais bourgeois.
Fargue, Piéton Paris,1939, p. 180.
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Hurler à (qqc.)♦ Hurler à la mort. Réclamer avec véhémence la mort, l'exécution de quelqu'un. Ses journaux [de la gauche] hurlent à la mort, réclamant à grands cris le sang des mauvais patriotes (Aymé, Confort,1949, p. 155).
♦ Accuser avec véhémence de (quelque chose). Les autres hurlent à l'anarchie et veulent faire croire qu'ils m'ont pris en flagrant délit d'indiscipline révolutionnaire (Breton, Manif. Surréal., 2eManif., 1930, p. 94).