A. − Au sens physique. S'agiter, ne pouvoir rester en place. Il cherche, il s'inquiète, il s'agite, il erre dans ses pensées. De ce moment, il s'arrête, il se repose, il est au fond de sa destinée (Lamart., Raphaël,1849, p. 3).− Rare. [Correspond à inquiet A et inquiétude A; le suj. désigne une chose] Un lac était d'une pureté si parfaite (...) que l'on se serait cru soudain au bord d'un royaume étrange et calme, d'une tranquillité sidérale, tout à coup éloigné de tout ce qui, feuille ou branche, bouge et s'inquiète (Gracq, Beau tén.,1945, p. 73).
B. − Se faire du souci pour quelqu'un, pour quelque chose. Synon. se faire du mauvais sang, se tracasser; anton. se rassurer.S'inquiéter de l'avenir, de la disparition, de la santé de qqn; s'inquiéter de la nourriture, du vêtement; s'inquiéter à tort. ♦
S'inquiéter de qqn, pour qqn.Tu devrais t'inquiéter d'Henriette! Ne la laisse pas toute seule! (Bernstein, Secret,1913, III, 3, p. 33).Mes parents s'inquiétaient pour moi d'un long voyage, plein de fatigues et de périls (France, Vie fleur,1922, p. 518):7. Il ne sait pas ce que c'est que d'aimer un peuple, le peuple, que de s'inquiéter pour chaque petit gars dans le maquis, pour chacun de nos courriers qui transportent les tracts, pour nos « Jean » perdus dans le brouillard...
Triolet, Premier accroc,1945, p. 348.
♦ S'inquiéter de qqc., pour qqc.S'inquiéter pour des riens. Pourquoi nous inquiéterions-nous d'un tel état de choses? Cela n'est-il pas rassurant au suprême degré? (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 325).Elle avait un cœur sentimental et était toujours en train de s'inquiéter du tiers et du quarte [sic] (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 84).
♦ Absol. Un remous fit plonger l'avion, qui trembla fort. Fabien se sentit menacé par d'invisibles éboulements. (...) il s'agissait de vivre vingt minutes à peine dans ce béton noir. Et pourtant le pilote s'inquiétait (Saint-Exup., Vol nuit,1931, p. 112).
♦ [À la forme négative] Ne s'inquiéter de rien. Être insouciant. Dans la nouvelle crise je prends la résolution d'être un sage passager et de ne m'inquiéter de rien (Alain, Propos,1931, p. 1024).Ne pas s'inquiéter. MrFogg répondait qu'elle n'eût pas à s'inquiéter, et que tout s'arrangerait mathématiquement! (Verne, Tour monde,1873, p. 84).
C. − [Avec un sens atténué] Se préoccuper de, porter de l'intérêt à quelqu'un, à quelque chose. S'inquiéter des goûts de qqn, de la mode du jour. On s'inquiétait bien du passage des lunes : on calculait avec la chute des grandes pluies (Pesquidoux, Livre raison,1925, p. 130).C'est surtout depuis la guerre (...) que les nations se sont inquiétées du déboisement devenu catastrophique dans certaines régions du globe (Forêt fr.,1955, p. 5):8. Je voudrais savoir si je ne... (...) détone pas trop dans la symphonie. À qui d'autre demanderais-je cela, Pasteur? − Un pasteur n'a pas à s'inquiéter de la beauté des visages, dis-je, me défendant comme je pouvais.
Gide, Symph. pastor.,1919, p. 896.
♦ Je m'inquiète de votre affaire. Je m'en occupe. Il passait sa vie à chercher la solution des problèmes sociaux. Il s'inquiétait de statistique, d'économie politique, d'institutions charitables, en faveur desquelles il dépensait quelque peu. Il organisait des sociétés d'ouvriers pour l'instruction des basses classes, favorisait les lavoirs, les ouvroirs, les caisses d'épargne (Gobineau, Pléiades,1874, p. 160).
♦ [À la forme négative] Sans s'inquiéter de qqn. Sans lui prêter aucune attention. Je l'ai encore aperçu au café du commerce, tantôt, qui battait les cartes, sans plus s'inquiéter de son ami que du grand Turc! (Zola, Bête hum.,1890, p. 263).
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En partic. [Correspond à inquiet B 1 et inquiétude B 2 a en partic. la nature de l'intérêt est d'ordre intellectuel, philos., métaphysique] S'inquiéter de la réalité de la matière. S'inquiéter si Dieu existe ou non (Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p. 242):9. À l'heure où j'écris, le ciel est magnifique, (...) le monde roule mélodieusement, et parmi toutes ces harmonies quelque chose de triste et d'alarmé circule : l'esprit de l'homme, qui s'inquiète de tout cet ordre qu'il ne comprend pas.
M. de Guérin, Journal,1834, p. 219.