1. Donner un sens personnel, parmi d'autres possibles, à un acte, à un fait, dont l'explication n'apparaît pas de manière évidente. Synon. analyser, comprendre.Interpréter un phénomène, un événement de diverses façons; interpréter un comportement, une expression du visage, une phrase, un silence. Il me semblait qu'on pouvait interpréter le décret en question non comme une preuve que la guerre serait courte, mais comme l'imprévoyance qu'elle le serait (Proust, Temps retr.,1922, p. 744).Il feignit d'interpréter comme un congé le regard surpris, vaguement soupçonneux de son chef (Bernanos, Crime,1935, p. 776):2. ... on entendit ma tante approcher. Sans doute voulait-elle nous avertir, car elle faisait beaucoup plus de bruit qu'il n'était nécessaire (...). Craignait-elle de nous surprendre? Du coup, j'interprétai différemment sa continuelle présence durant la leçon du docteur.
Gide, Geneviève,1936, p. 1406.
♦ Emploi pronom. à sens passif. La gravité douce et tendue avec laquelle il lui parlait pouvait s'interpréter comme un hommage à l'intelligence qui perçait dans sa grâce attentive (Malègue, Augustin, t. 2, 1933, p. 184).
− En partic. (notamment dans l'Antiq.). Donner un sens allégorique, symbolique, mystique à. Interpréter un rêve, un présage, le vol des oiseaux, un oracle. On peut donc espérer que la théorie cérébrale conduira finalement à bien interpréter les songes, et même à les modifier, suivant le vœu prématuré de toute l'antiquité (Comte, Catéch. posit.,1852, p. 160).
2. En partic. Déformer la réalité de, donner un sens le plus souvent défavorable à. Quant à la masse du public, elle interpréta cette hécatombe dans le sens de ses désirs, c'est-à-dire comme une délivrance de toutes ses obligations (Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 36).Mais Testevel interprétait les moindres mots, les moindres signes, dans le sens le plus favorable (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 216):3. De son aveu, jamais le curé de Luzarnes ne se sentit plus injustement mortifié. − M. Saint-Marin, confia-t-il à son ami Gambillet, m'a paru plus poète que philosophe et capable d'interpréter à sa guise les paroles d'autrui. Mais quelle raison de se mettre en colère?
Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 285.
♦ Emploi pronom. à sens passif. Tu sais aussi bien que moi que dans les villes de province tout se remarque, tout s'interprète et tout se découvre (Sand, Jacques,1834, p. 270).
♦ Loc. verb. Interpréter à mal. Donner un sens défavorable à. La crainte que j'éprouvais qu'on interprétât à mal mon silence (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 744).On interpréta à mal quelques lignes à la louange du roi (About, Grèce,1854, p. 342).
♦ Absol. Je crois qu'elle interprète, juge, parle et tranche beaucoup trop (...). Son mari, qui est un serin, l'écoute bouche bée (Gyp, Mmela Duchesse,1893, p. 76).Ne déraillons pas; procédons avec méthode et par ordre; ne cherchons pas à interpréter et à extrapoler avant d'avoir établi des repères (Arnoux, Crimes innoc.,1952, p. 228).
− PSYCH. Attribuer une signification déformée ou erronée (à un fait réel ou à un événement). Elle [la constitution paranoïaque] est caractérisée par une hypertrophie du sentiment de sa propre personnalité (...), par la tendance à interpréter les circonstances ou les actes d'autrui dans un sens hostile (Codet, Psych.,1926, p. 133).