A. − [Le suj. désigne une partie du corps, ou p.méton. la pers. elle-même] Devenir pâle ou plus pâle. Anton. rougir.Pâlir à la vue, à l'idée de qqc., devant qqc. (un danger, un spectacle); faire pâlir qqn. Tandis que je parlais, les traits de Jeanne pâlissaient et s'effaçaient; un voile était sur ses regards, un pli douloureux contracta ses lèvres entr'ouvertes (A. France,Bonnard,1881, p.479).Giulia se mourait de peur, de quelque foucade du jeune homme, en le voyant bientôt, rougir, pâlir, la gorge lui enfler, les yeux lui sortir de la tête (Bourges,Crépusc. dieux,1884, p.288):1. Les pommettes saillantes du roussiau surgissaient dans les ténèbres, éclairées en-dessous par la lampe de Trochut; il les revoyait s'empourprer tout à coup, et puis pâlir, blanches de fureur: pour sûr, Bourrel était un homme coléreux...
Genevoix,Raboliot,1925, p.49.
♦ Part. passé adj. Front, teint, visage pâli; joues pâlies. Je trouve Popelin très pâli, très changé (Goncourt,Journal,1888, p.792).Elle s'en alla, le coeur crevé, pâlie, maigrie (Benjamin,Gaspard,1915, p.99).V. aussi lividifier, rem. s.v. livide ex. de Du Camp.
− Pâlir de + compl. indiquant la cause physique ou psychologique de l'action.Pâlir de voir, d'entendre qqc.; pâlir de froid; pâlir, faire pâlir d'émotion, d'effroi, d'envie, de honte, de plaisir. Elle était fort pâle, tremblante, prête assurément à toutes les folies. Quant à lui, je le voyais pâlir aussi, pâlir de colère et d'exaspération (Maupass.,Contes et nouv., t.2, Modèle, 1883, p.426).Tout ce qu'il disait semblait d'or. Ce fut vraiment ce que les éditeurs d'aujourd'hui, dans leur patois, appelleraient un grand lancement, à faire pâlir de jalousie tous les confrères de Jean-Jacques (Guéhenno,Jean-Jacques,1952, p.66).
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P.méton. [Sans compl. prép.] Faire pâlir. Inspirer de la crainte, de l'envie, du dépit, etc. Il y a vraiment lieu d'espérer que je vais être riche, oh! follement! à faire pâlir les sots et les gensses d'esprit (Villiers de L'I.-A.,Corresp.,1866, p.84).Ce qui remontait à la surface, du fond de sa jeunesse effrénée [de Racine], avait de quoi le faire pâlir, lui qui avait appris dès l'enfance qu'il n'est point d'acte célé aux yeux de l'être infini (Mauriac,Vie Racine,1928, p.129):2. Et nous sommes sans doute plusieurs (...) qui aurons le courage de maintenir, même dans le fracas de l'indignité, la véritable parole humaine, et son orchestre à faire pâlir les rossignols.
Aragon,Crève-coeur,1941, p.76.
− Loc. fig. Pâlir sur (un livre, un travail, une occupation le plus souvent intellectuelle). S'y consacrer avec acharnement, en faisant beaucoup d'efforts. Le non moins bon juge d'instruction Bertulus pâlit depuis des mois sur ce problème que tout homme de bon sens peut, en vingt minutes, résoudre (Clemenceau,Iniquité,1899, p.316).Les petits, dont j'étais, pâlissaient sur les alphabets ou sur des pages d'écriture (Gide,Si le grain,1924, p.356).
B. − [Le suj. désigne une chose] 1. [Le suj. désigne une couleur ou p.méton. un objet coloré] Perdre de son intensité; devenir moins vif, moins sombre, moins net. L'ombre humide pâlit au feu de sa lanterne Qui jeta sur les murs un jour livide et terne (Lamart.,Jocelyn,1836, p.672).Elle avait une robe d'un bleu très doux, qui pâlissait aux lumières jusqu'à n'être plus qu'un tissu de soie argentée de la même nuance que ses yeux (Martin du G.,Devenir,1909, p.149):3. Il est midi. Le ciel sans un nuage n'est pas bleu mais grisâtre, comme si, de même que le fer rouge, il avait pâli à force de chaleur; la lumière est livide et les ombres sont faibles...
Montherl.,Songe,1922, p.122.
− Part. passé adj. Couleurs, teintes pâlies; encre pâlie; photos pâlies. Considérez au Louvre, dans l'Esther de Véronèse, la charmante suite des jaunes qui, vaguement pâlis, foncés, argentés (...) se fondent les uns dans les autres (Taine,Philos. art, t.2, 1865, p.336).Une grosse barque qui venait de l'Océan et dont les flancs pâlis et délavés apportaient dans ce paysage verdoyant la vision de l'horizon marin (Lacretelle,Hts ponts, t.1, 1932, p.84).
2. [Le suj. désigne une lumière ou une source lumineuse] Perdre de son éclat, de sa force; devenir plus faible. Le temps n'est plus où les cieux et la terre se mariaient dans un immense hymen. Le soleil pâlit, et la lune devient blême à côté des becs de gaz (Flaub.,Corresp.,1841, p.86).Le matin s'éveillait dans la lumière et la rosée. Un croissant de lune, mince comme un fil, pâlissait et se fondait peu à peu dans la splendeur du jour (Moselly,Terres lorr.,1907, p.252).♦
P.métaph.: 4. ... si nous étions sûrs, absolument sûrs de survivre, nous ne pourrions plus penser à autre chose. Les plaisirs subsisteraient, mais ternes et décolorés, parce que leur intensité n'était que l'attention que nous fixions sur eux. Ils pâliraient comme la lumière de nos ampoules au soleil du matin. Le plaisir serait éclipsé par la joie.
Bergson,Deux sources,1932, p.338.
− Loc. fig. Son étoile pâlit. Sa renommée, son autorité, son prestige diminue. Décidément mon étoile pâlit; ce petit hobereau de campagne l'emporte sur moi (Gautier,Fracasse,1863, p.299).Les actrices britanniques voyaient leur étoile pâlir devant Gaby Deslys (Morand,Londres,1933, p.52).