1. [Chez l'homme] a) Premier doigt de la main, le plus court, le plus gros et le plus fort, à deux phalanges, opposable aux autres doigts et jouant, grâce à cette aptitude, un rôle essentiel dans la préhension. Son pouce ne trembla pas, lorsqu'il le trempa doucement dans les Saintes Huiles et qu'il commença les onctions sur les cinq parties du corps où résident les sens (Zola, Rêve,1888, p. 190).C'était un beau violon rouge. D'un grattement du pouce il en fit vibrer toutes les cordes (Châteaubriant, Lourdines,1911, p. 64):2. Mathieu prit l'ouvre-boîte (...); il l'appuya sur le rebord de fer-blanc et pesa dessus de toutes ses forces. Mais la lame glissa sans mordre, sauta hors de la rainure et vint heurter son pouce gauche.
Sartre, Mort ds âme,1949, p. 172.
SYNT. Pouce carré, épais, plat, écarté, enflé; pouce droit, de la main droite; ongle, gras du pouce; gros, haut, long comme le pouce, de la grosseur du pouce; saisir qqc. entre le pouce et l'index; faire claquer son pouce; empreintes de pouce, du pouce gauche; blessure, écorchure au pouce; fracture du pouce; coup de pouce, geste, pression du pouce.
b) P. anal. Pouce (du pied). Gros orteil. Sa façon de guérir les entorses en faisant une croix dessus avec le pouce du pied gauche (Claudel, Otage,1911, ii, 1, p. 250).
c) P. méton. − Endroit de pièce de vêtement recouvrant cette partie de la main. Je me retourne, (...) vois le pauvre homme mettant ses gants. Ils étaient (...) décousus au pouce (Musset, Il ne faut jurer,1840, i, 1, p. 105).
− Trace, marque de pouce. Pages les plus usées, noires de crasse, marquées çà et là d'un pouce énorme, au chapitre sans doute lu et relu (Bernanos, Nuit,1928, p. 37).
2. Loc. fam. − Manger (un morceau), déjeuner, dîner sur le pouce. Prendre un repas debout et sans couvert; p. ext., consommer à la hâte. Est pris d'une rage de tout apprendre, soupant sur le pouce et courant à tous les cours du quartier (Goncourt, Journal,1858, p. 513).Après un court repas froid, avalé sur le pouce (Van der Meersch, Empreinte dieu,1936, p. 130).Sur le pouce, loc. adv., vieilli. Rapidement. Je me mis à parler sur le pouce, comme ça, de la campagne de 1816 (Céline, Voyage,1932, p. 432).Tout de suite, sur le pouce, pour vider l'affaire en cinq-secs et qu'il n'en soit plus question (Duhamel, Cécile,1938, p. 41).
− Mettre les quatre doigts et le pouce (vx). Se servir de façon impolie à table; au fig., manquer de délicatesse et de ménagement; agir carrément, sans hésiter. (Dict. xixeet xxes.).
− Mettre, coucher (vx) les pouces. Cesser de résister, céder. Synon. capituler, se rendre, venir à jubé (vieilli, v. ce mot B).On se déteste, mais on se craint et chacun met les pouces, parce qu'on pense à mille circonstances où il serait fâcheux d'être brouillés (Goncourt, Journal,1860, p. 851).Oh! dans trois mois la Société aura couché les pouces. Nous en sommes à dix mille francs près (Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 229).
− Jouer du pouce. V. jouer I F 2.
− Malade du pouce. V. malade I A 1.
− Se tourner les pouces, tourner ses pouces (vx). Ne rien faire; vivre dans l'oisiveté. Synon. être les bras* ballants, les bras* croisés, se croiser les bras*, ne rien faire de ses dix doigts (s.v. doigt).Grandet tourna ses pouces pendant quatre heures, abîmé dans des calculs dont les résultats devaient, le lendemain, étonner Saumur (Balzac, E. Grandet,1834, p. 119).Non, je ne resterai pas longtemps à me tourner les pouces ici, pendant qu'ils continuent à torturer et à tuer (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 304).
− Serrer les pouces à qqn (vieilli). Contraindre par force à avouer. D'abord, il entendait savoir ce qu'il y avait eu entre Pauline et ce jeune homme. Et si elle avait été tant soit peu imprudente, il lui serrerait les pouces (Pourrat, Gaspard,1930, p. 153).
− S'en mordre les pouces. V. mordre I A 3 a loc.
−
Donner un/le coup de pouce ♦ à la balance. Donner une chiquenaude au plateau de la balance pour falsifier le poids. P. métaph., p. ell. Le délit pesé en une seconde, avec un coup de pouce dans la balance (Goncourt, Journal,1853, p. 97).
♦
Au fig. Aider discrètement et efficacement, en particulier en faveur d'un avancement, d'une réussite. Synon. pistonner.Il paraît que c'est lui [Félix Faure] qui a donné le dernier coup de pouce à Zurlinden pour le mettre en ligne contre Brisson (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 176).P. ell. coup de pouce. V.
coup B synt.
Donner une impulsion favorisant le développement de quelque chose. Et il sembla que la divinité qui réglementait le climat du lieu donnât soudain à la marche naturelle des saisons un coup de pouce auguste (...) la chaleur arriva soudain (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 66).Et voilà. Maintenant le ressort est bandé. Cela n'a plus qu'à se dérouler tout seul. C'est cela qui est commode dans la tragédie, on donne le petit coup de pouce pour que cela démarre, rien, un regard pendant une seconde à une fille qui passe et lève les bras dans la rue, une envie d'honneur un beau matin, au réveil, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop qu'on se pose un soir... C'est tout (Anouilh, Antigone,1946, p. 165).Donner le coup de pouce (à un ouvrage). Achever (un ouvrage). Depuis quatre jours, je ne fais pas autre chose que de relire mes douze pages, auxquelles je trouve un coup de pouce à donner, si bien que je me trouve en retard d'une semaine (Flaub., Corresp.,1876, p. 380).Déformer légèrement la réalité de quelque chose. Donner un coup de pouce à l'histoire, à un texte. J'aurais pu donner, çà et là, dans mon récit, un coup de pouce pour produire l'effet, mais je respectais trop mon sujet pour chercher rien d'autre que la justesse de sentiment (Barrès, Serv. All.,1905, p. xiii).♦ Arg. Étrangler Marius songeait à ces mots de Thénardier dont il entrevoyait la signification sanglante : Si vous me faites arrêter, mon camarade donnera le coup de pouce à l'Alouette (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 957).
− BEAUX-ARTS. Coup de pouce (d'un artiste, d'un artisan). Manière d'exécuter une œuvre picturale ou sculpturale à l'aide du pouce. Sa face, maigre et allongée, semblait creusée par le coup de pouce d'un sculpteur puissant (Zola, Fortune Rougon,1871, p. 11).Chaque artiste a donc sa manière de peindre comme il a sa taille et son coup de pouce, et Rembrandt pas plus qu'un autre n'échappe à cette loi commune (Fromentin, Maîtres autrefois,1876, p. 324).