A. − Ce que l'on dit. 1. Souvent au plur. Paroles échangées. De propos en propos, l'aîné, peu patient Jette à la tête de son frere Le perdreau disputé (Florian,Fables, 1792, p.124).Leurs propos s'échangèrent à voix basse (Toepffer,Nouv. genev., 1839, p.214).Et dussiez-vous trouver mon propos hasardeux (Ponchon,Muse cabaret, 1920, p.142).Certaines personnes (...) émettaient des propos violemment bellicistes (Arts et litt., 1936, p.34-3).SYNT. Des propos anodins, désobligeants, diffamatoires, égrillards, grivois, ignobles, incohérents, inconsidérés, inconvenants, indécents, libres, méprisants, obscènes, pittoresques, puérils, rassurants, salés, sibyllins, vifs; de méchants propos; de doux propos; échanger des propos; tenir des propos injurieux; se répandre en propos amers; un échange de propos.
− En propos seulement; en propos et non en acte. Uniquement en paroles. Hier (...) l'envie m'a pris de répondre un peu à Ernest Raynaud sur la Rime, qu'il attaque avec une virulence qui m'a fait réfléchir aux torts que j'ai pu avoir, en propos seulement, du moins je l'espère, envers elle (Verlaine,OEuvres posth., t.2, Crit. et conf., 1896, p.281).
− Péj. Paroles en l'air ou paroles médisantes. Je me moque des propos (Ac.1935).Je ne savais qui approchait de la maison, et l'on fait tant de propos sur mon compte! (Sand,Beaux MM.Bois-Doré, t.2, 1857, p.53).Mais l'écrivain est plus diffamé par sa condition réelle que par tous les propos dont il est l'objet (Maurras,Avenir intellig., 1905, p.90).
− Propos de table. Conversation tenue à table; p.ext., conversation assez superficielle qui roule sur divers sujets d'actualité. Tendez l'oreille dans les restaurants: l'insécurité a pris le pas sur les vacances dans le hit-parade des propos de table. On se raconte des histoires de femmes attaquées, de voitures volées, de pavillons de grand-mère cambriolés (Le Nouvel Observateur, 16 févr. 1976, p.36, col. 3).
− Propos interrompus. Jeu de société dans lequel les joueurs sont assis en cercle, adressent à voix basse une question à l'un de leurs voisins, répondent à la question de l'autre et associent ensuite la réponse qu'ils ont reçue à la question qu'ils ont posée, ce qui produit des coq-à-l'âne risibles. Jouer aux propos interrompus (ou rompus). P. anal., vx. Propos interrompus. Discours sans suite. Pendant un quart d'heure, jouant aux propos interrompus, ils parlèrent sans se comprendre, de l'urgence d'un bon mariage pour Lauriane (Sand,Beaux MM.Bois-Doré, t.1, 1857, p.155).
− Avant-propos*.
2. P. méton. Façon de s'exprimer, de mener la conversation. Avoir le propos brusque, sec, méchant, caustique; leste dans le propos. Et ici je rencontre un témoin brave, spirituel, galant et brillant, au propos bien français (...), le marquis de Valfons (Sainte-Beuve,Nouv. lundis, t.11, 1867, p.99).Ce grand garçon (...) n'avait pas seulement l'air résolu, il en avait aussi le propos (Gobineau,Pléiades, 1874, p.149).La bienséance a civilisé la vie mondaine des salons, où la galanterie s'essaie à respecter la décence par l'ingéniosité du propos (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p.44).
3. [P. réf. au genre pratiqué par le philosophe Alain qui a intitulé ainsi divers recueils de ses articles] Article, bref essai. Le propos, genre littéraire, fut inventé par Alain (A. Maurois, Préf. auxProposd'Alain ds Foulq.-St-Jean1962).
4. LING. (dans la terminol. de Ch. Bally). Ce qui est dit du thème. Synon. prédicat (psychologique), rhème.La pensée qu'on veut faire connaître est (...) le but, la fin de l'énoncé, ce qu'on se propose, en un mot: le propos; on l'énonce à l'occasion d'une autre chose qui en forme la base, le substrat, le motif: c'est le thème (BallyLing.1950, § 61):2. La phrase suivante est interrogative: Quand aura lieu la rentrée? Tout le propos interrogatif de cette phrase porte sur la date, car personne ne met en question que la rentrée aura lieu. On dit que quand exprime le propos de la phrase; aura lieu la rentrée en exprime le thème (du grec thêma «ce qui est posé»). Cette distinction est de nature «logique». Si quelqu'un répond: La rentrée aura lieu le 15 septembre, les mots La rentrée aura lieu n'ont aucune valeur informative; l'élément d'information est apporté par la date, le 15 septembre, à laquelle se réduit la portée du «propos» déclaratif; les mots qui précèdent constituent le «thème».
H. Bonnard,Code du fr. cour., 1981, p.22.
B. − 1. Ce dont il s'agit, ce dont il est question. Synon. sujet.Sortir de son propos; revenir à son propos. Mgr Duberville détourna la tête, geste qui pouvait s'interpréter comme signifiant son désir de changer de propos, mais j'étais résolu à insister jusqu'à ce que j'eusse obtenu de lui une réponse à l'interrogation qui me brûlait les lèvres (Billy,Introïbo, 1939, p.182).− Laisser tomber le propos. Quitter le sujet. Pour le coup, Jourdan haussa les épaules et, conscient d'avoir affaire à un imbécile, laissa tomber le propos (Aymé,Uranus, 1948, p.200).
− GRAMM. Complément de propos. ,,[Le] complément de propos (...) mentionne le thème dont quelque chose est dit... Il dit du mal de Pierre. Il a écrit un article sur le chômage`` (G. Moignet, Systématique de la lang. fr., 1981, § 375).
2. À propos (de) a) Au sujet de, en ce qui concerne. À propos de notre dossier; à propos de l'inflation. Les Arabes soulevaient de grosses difficultés à propos des notions d'être et d'unité (Théol. cath.t.4, 11920, p.1182).En 1901, il m'était arrivé, à propos de Jaurès, de me battre à l'épée avec Gérault-Richard (L. Daudet,Brév. journ., 1936, p.127).Nous verrons plus loin à propos de l'émeraude [que...] (Metta,Pierres préc., 1960, p.39).−
À tout propos. À chaque instant, en toute occasion, sous n'importe quel prétexte. Il disait à tout propos: «Cela regarde l'autorité administrative» (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1835, p.91).Elle s'exagérait démesurément mes bonnes qualités et laissait voir à tout propos cette exaltation qui m'était pénible (A. France,Pt Pierre, 1918, p.11).Rem. Rare au plur. à tous propos (Hanse 1949).
− À propos de rien; à propos de tout et de rien. Sans raison, sans motif véritable. Cette secte avait été importée à Burbach par un faquin appelé Schmidt. Dans certains pays, on appelle ceux qui en font partie «les chrétiens gais», parce que, à propos de tout et de rien, ils se mettent à crier comme des échaudés sous prétexte de chanter des psaumes (Gobineau,Pléiades, 1874, p.117).
− Fam., vx. À propos de bottes. Même sens. Il est venu me quereller à propos de bottes (Ac.1935).
b) À ce propos. À ce sujet. [Sert notamment à introd. une rem. incidente] Plusieurs (...) ne craignent pas d'évoquer à ce propos le souvenir de la féodalité (Meynaud,Groupes pression Fr., 1958, p.281):3.En effet, fit remarquer Brichot, la rue du Temple s'appelait rue de la Chevalerie-du-Temple. Et à ce propos, me permettez-vous une remarque, Baron? dit l'universitaire. −Quoi? Qu'est-ce que c'est? dit sèchement M. de Charlus, que cette observation empêchait d'avoir son renseignement. −Non, rien, répondit Brichot intimidé. C'était à propos de l'étymologie de Balbec qu'on m'avait demandée.
Proust,Sodome, 1922, p.1105.
c) P. ell. À propos. [Marque que l'on va parler de quelque chose dont on se souvient subitement (en continuité ou, plus gén., en rupture avec ce qui précède)] −Bah! dit-elle en plaisantant, il peut bien perdre, puisqu'il va tous les nettoyer aux courses. Il se contenta de répondre par un mince sourire mystérieux. Puis, légèrement: −À propos, je me suis permis de donner votre nom à mon outsider, une pouliche... Nana, Nana, cela sonne bien. Vous n'êtes point fâchée? (Zola,Nana, 1880, p.1370).Je partais ce soir si je l'avais trouvé. Mais Bruidequille est un mufle, il aura porté l'affaire à un autre... À propos, est-ce qu'on dîne? (Miomandre,Écrit sur eau, 1908, p.34).